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Au Sénégal, l’avortement est interdit par la loi. Le pays possède l’une des législations les plus restrictives du continent en la matière. Les dernières affaires de viols sur mineures et d’incestes relancent le débat sur la dépénalisation de l’avortement.
une moto passe devant un car rapide, à Dakar, au Sénégal, samedi 19 décembre 2015,.
Le débat sur la dépénalisation de l’avortement est régulièrement relancé après chaque cas de viols ou d’insecte faisant la une de l’actualité. En décembre 2024, la grossesse d’une enfant de 9 ans, violée par son maître coranique avait suscité de vives réactions.
La fillette avait été abusée par son maître coranique, à Joal-Fadiouth, à 100 kilomètres au sud de Dakar. L’homme connu de tous dans la communauté, veuf et père de famille, donnait des cours théologiques aux adultes et aux enfants de son quartier.
Il aurait drogué et violé la jeune fille à plusieurs reprises, dont le calvaire n’a été découvert qu’après quatre mois de sévices. Le cas est loin d’être isolé. Chaque année au Sénégal, l’association des juristes sénégalaises (AJS) répertorie les violences faites aux femmes. En 2022, l’AJS a recensé 331 victimes de viol et “43% avait entre 4 et 14 ans”.
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Chaque année, plus de 30 000 femmes risquent leur vie en ayant recours à des avortement clandestins toujours selon l’association des juristes sénégalaises (AJS). « En 2024, 11% de la population carcérale concerne les faits d’avortement et d’infanticide. Il s’agit de la deuxième cause d’incarcération des femmes et des filles au Sénégal après le trafic de stupéfiants. Trouver des solutions incombe à tous les acteurs » explique Coumba Gueye de l’AJS.
En cas de violences sexuelles, la victime enceinte n’a pour l’heure pas d’autre choix légal que de poursuivre sa grossesse.
Il y a 21 ans, le Sénégal avait pourtant ratifié le “protocole de Maputo”, aussi appelé Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes qui reconnaît comme un droit fondamental l’accès à l’avortement médicalisée, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste ou lorsque la grossesse met en danger la santé de la mère ou du fœtus. Mais le texte n’est pas appliqué.
Face à ces drames, les associations sénégalaises interpellent les pouvoirs publics et demandent une réforme du cadre juridique. Dans une lettre ouverte au président de la République Bassirou Diomaye Faye, la journaliste et activiste Jaly Badiane évoque le protocole de Maputo : “Il est temps que nos lois soient harmonisées afin d'autoriser l'avortement médicalisé en cas de viol et d'inceste. Ces mesures doivent prévoir un allongement des délais de prescription pour les infractions sexuelles, permettant aux victimes de porter plainte, y compris plusieurs années après les faits.”
Re(Voir) aussi : Le combat victorieux des Sénégalaises pour la criminalisation du viol [Le Mémo]
À ce jour, la présidence du pays n’a pas réagi aux demandes des associations et militants. Le Sénégal fait partie des pays ayant les lois parmi les plus strictes du continent au sujet de l’avortement. Les femmes sénégalaises ayant recours à une interruption de grossesse encourent de 6 mois à 2 ans de prison et une amende comprise entre 20 000 et 100 000 CFA.
Les associations ont toutefois obtenu des avancées en matière de criminalisation des agressions sexuelles. Sous leur impulsion, le 10 janvier 2020, le Sénégal a adopté une loi criminalisant le viol et la pédophilie.
Les prises de paroles féministes sont aussi plus visibles dans l’espace public sénégalais. “En 2019, suite à trois féminicides très rapprochés, le collectif Dafa Doy s’est constitué et a organisé des manifestations d’envergure contre les violences faites aux femmes et aux enfants, ce qui a grandement contribué à la criminalisation du viol,” décrit un rapport de la fédération internationale pour les droits humains.
Au Sénégal, le débat sur l’avortement reste controversé. Le statu quo demeure entre les positionnements des autorités religieuses, des politiques et des organisations de la société civiles