Fil d'Ariane
Le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed arrive à la cérémonie d'investiture du président sud-africain Cyril Ramaphosa à Pretoria en Afrique du Sud.
"Le président a décidé de suspendre le Premier ministre Mohamed Hussein Roble et de mettre fin à ses pouvoirs en raison de ses liens avec la corruption". Le bureau du chef de l'État n'a pas fait preuve de retenue dans son communiqué, en accusant le Premier ministre d'interférer dans une enquête sur une affaire d'appropriation de terres.
Le Premier ministre a, lui, aussitôt accusé en retour le président de chercher à commettre "un coup d'État contre le gouvernement, la Constitution et les lois du pays." "Comme le président a apparemment décidé de détruire les institutions gouvernementales (...) J'ordonne à toutes les forces nationales somaliennes de travailler sous le commandement du bureau du Premier ministre à partir d'aujourd'hui", a déclaré Mohamed Hussein Roble lors d'une conférence de presse à la primature.
Dimanche 26 décembre 2021, le Premier ministre a donc accusé le président de saboter le processus électoral, après la décision du chef de l'État de lui retirer la charge d'organiser les élections, longuement attendues et à l'origine d'une grave crise institutionnelle.
Mohamed Hussein Roble avait jugé que le chef de l'État ne voulait pas organiser "des élections crédibles" dans le pays.
La veille, le président avait annoncé dans un communiqué que "le Premier ministre a failli à son devoir de mener une élection qui soit basée sur l'accord du 17 septembre 2020" etqui devait servir de ligne directrice au scrutin.
Le président a alors appelé à la tenue d'une conférence consultative, réunissant le gouvernement fédéral, les États somaliens et les autorités de la capitale Mogadiscio. L'objectif serait de sélectionner "un leadership compétent" menant à bien le processus électoral et incluant l'élection des représentants des chambres haute et basse du Parlement ainsi que celle du président.
En retour, Mohamed Hussein Roble a estimé que "cette déclaration visait délibérément à miner le processus électoral à son étape cruciale". La décision est par ailleurs intervenue quelques heures après le limogeage du président de la commission électorale, que ce dernier a contesté.
Président depuis 2017, Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, a vu son mandat expirer le 8 février sans avoir pu s'entendre avec les dirigeants régionaux sur l'organisation des élections, régies en Somalie par un système électoral complexe et indirect.
L'annonce mi-avril de la prolongation de son mandat pour deux ans avait provoqué des affrontements armés à Mogadiscio.
Dans un geste d'apaisement, Farmajo avait chargé Roble d'organiser les élections. Mais dans les mois qui ont suivi, les tensions entre les deux hommes ont perduré et leur bras de fer a culminé le 16 septembre avec l'annonce par le chef de l'État de la suspension des pouvoirs exécutifs du Premier ministre.
Farmajo et Roble ont finalement accepté d'enterrer la hache de guerre fin octobre, lançant un appel commun à accélérer le processus électoral. Les élections pour la chambre haute se sont terminées dans tous les Etats, à l'exception de Galmudug, et les votes ont commencé début novembre pour la chambre basse. La désignation d'un président, dix mois après la fin du mandat de Farmajo, semble cependant encore lointaine.
Ce bras de fer a alerté les observateurs internationaux, poussant l'ambassade américaine à Mogadiscio à exhorter les dirigeants somaliens "à prendre des mesures immédiates pour désamorcer les tensions (...) s'abstenir de toute action provocatrice et éviter la violence".
Dimanche 26 décembre, les Etats-Unis s'étaient déclarés "profondément inquiets par les retards persistants et les irrégularités de procédures qui minent la crédibilité du processus électoral".
De nombreux observateurs estiment en outre que la crise au sommet de l'État et l'impasse électorale détournent l'attention de problèmes plus importants pour la Somalie, et notamment l'insurrection des shebab qui secoue le pays depuis 2007.
Bien qu'évincés de Mogadiscio par la force de l'Union africaine (Amisom) en 2011, les jihadistes shebab contrôlent de vastes zones rurales et mènent régulièrement des attentats dans la capitale.