Fil d'Ariane
Noureddine Gamdou est un entrepreneur franco-tunisien. Résident en région parisienne, il dirige une agence immobilière à Djerba. Selon lui, “le tourisme de l’île est en train de se détacher de l’image touristique de la Tunisie, à savoir le tourisme de masse, dans de grands bâtiments hôteliers.” Ainsi, la location de villas est en pleine expansion sur l’île. C’est d’ailleurs ce qui a incité le Franco-tunisien à se lancer dans l’immobilier. “J’ai ouvert mon entreprise cet été, avoue-t-il. J’ai senti qu’il y avait un truc qui se passait à ce niveau depuis trois ans, c’est ce qui m’a poussé à ouvrir et à développer tout ce qui touche aux prestations de services”, explique-t-il.
Selon Hamda Abdellaoui, le directeur exécutif du Djerba Management Organization (DMO), le tourisme hôtelier ne perd pas en importance face à l’essor de la location de villas. Par exemple, entre le 1er janvier et le 30 septembre 2022, le taux d’occupation des chambres d’hôtels sur l’île était de 54,4%, contre 25,8% un an plus tôt, selon les chiffres de l’office national du tourisme tunisien. Cela montre que les touristes sont tout de même revenus dans les hôtels après la crise sanitaire. Pourtant, "il y a 25 hôtels qui n’ont pas rouvert cette année", révèle Hamda Abdellaoui. Actuellement, "la capacité hôtelière est d’environ 36 000 lits", ajoute-t-il. À cela s’ajoutent les 35 000 hébergements de types villas, en location. Noureddine Gamdou affirme que pour louer une de ses villas au mois d'août, il faut s'y prendre six mois à l'avance, sinon tout est complet.
Nicole en est à sa deuxième visite à Djerba. Comme la première fois, cette retraitée a choisi de rester dans un hôtel. "Mais ce n’est pas le même que la première fois, explique-t-elle. Celui où j’étais il y a quatre ans a fermé et a été racheté par un autre investisseur." Elle remarque cependant que les constructions se sont multipliées depuis sa dernière venue. "Il y a énormément de villas qui se sont construites, en plus de celles qui sont encore inachevées", détaille-t-elle. Elle avoue qu’elle préfère tout de même le confort de l’hôtel pour ses vacances.
Il y aura toujours besoin du tourisme de masse, ça fais partie de l’identité de l’île depuis les années 1970.Noureddine Gamdou, entrepreneur Franco-tunisien
“Il n’y a pas de type de tourisme en déclin par rapport à un autre qui se développe”, reconnaît Noureddine Gamdou. “Il y aura toujours besoin du tourisme de masse, ça fais partie de l’identité de l’île depuis les années 1970.” Pour Noëlle, qui est sur l’île pour la première fois, la question ne s’est pas posée. "Je suis là pour huit jours, explique-t-elle. Je n’avais pas envie de m’embêter avec la cuisine ou quoi que ce soit donc j’ai pris un hôtel."
Cependant, le tourisme balnéaire n’est pas le seul atout de l’île. “De plus en plus de touristes viennent pratiquer du sport à Djerba”, constate Noureddine Gamdou. Parmi ces sports, il y a notamment le kitesurf. Une discipline nautique qui consiste à surfer sur les vagues, tracté par la force du vent à l’aide d’un petit parapente.
Pourquoi Djerba est-elle si attractive pour les kitesurfers ? "Le climat est idéal pour pratiquer ce sport", explique Zied Ben Joumaa, moniteur de kitesurf et responsable du centre Kite Adventure. "Dès que les allemands ont importé le sport dans les années 2000, Djerba est devenue une destination de choix", poursuit-il. "On préfère être dans l’eau en short qu’en combinaison et en cagoule", ajoute-t-il en souriant.
Avec le temps, la discipline s’est développée un peu partout dans le monde, mais Djerba parvient à garder le cap. "Les prix jouent beaucoup pour cela", reconnaît Zied Ben Joumaa. "Les séjours que je propose restent moins cher qu’en Europe", continue le moniteur de kitesurf. Au mois de novembre, c’est le creux de la vague : la saison sportive touche à sa fin. Cependant, "Pendant les vacances scolaires, on est souvent complets. Le reste du temps, on est entre 50% et 60% de nos capacités."
Cependant, la mer reste prisée en dehors de la saison touristique. "Entre décembre et avril, il y a plus de vent, ce qui attire les sportifs de haut niveau", ajoute Zied Ben Joumaa.
L’image qui a émergé, c’est que Djerba a un seul produit : la mer.Hamda Abdellaoui, directeur exécutif du DMO
En dehors du sport, la culture essaye de trouver sa place dans l’arène touristique de l’île. “L’aspect culturel et patrimonial est toujours passé au second plan à Djerba, estime Noureddine Gamdou. Cependant, c’est en train de prendre une place de plus en plus importante.” Cela est dû aux travaux de l’Association pour la sauvegarde de l’Île de Djerba (ASSIDJE), mais aussi du Djerba Management Organization (DMO). “Djerba possède un patrimoine très riche et varié, avec de beaux paysages, reconnaît Hamda Abdellaoui, directeur exécutif du DMO. Mais tout ça, on ne le connaît pas.” Il estime que “l’image qui a émergé, c’est que Djerba a un seul produit : la mer.”
Ce sont les premiers pas pour faire entrer le patrimoine de Djerba dans une dynamique économique, parce qu’il souffre de plusieurs aléas, notamment financiers, pour pouvoir le restaurer.Mehdi Elouati, membre de l'Assidje
“Parfois, on rencontre des gens qui nous disent à la fin de leur séjour qu’ils ne savaient pas qu’il y avait autant de choses à voir à Djerba”, regrette Hamda Abdellaoui. En 2019, l’Assidje publie un guide culturel et touristique, qui vise à donner plus de visibilité à certains lieux emblématiques de l’île. “On a voulu que ce produit soit utile pour les touristes désireux de connaître l’île”, explique Mehdi Elouati, membre de l’association.