Sommet de la Francophonie : le renouveau du tourisme à Djerba

Le Sommet de la Francophonie se déroulera les 19 et 20 novembre 2022 à Djerba, en Tunisie. L’événement offre à l’île une vitrine pour son activité touristique, mise à mal au cours des dix dernières années. Comment l’île espère rebondir ? L’activité a-t-elle changé ? Reportage.
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Tourisme Djerba
À Djerba, les petits établissements hôteliers tentent de se démarquer des grands complexes en promettant une proximité avec la vie locale. 
Margot Hutton/TV5MONDE
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Les températures sont encore douces à Djerba, à quelques jours du Sommet de la Francophonie. Dans les hôtels, un certain nombre de touristes sont encore présents, principalement des Allemands (selon l'office national du tourisme tunisien, les Allemands sont les deuxièmes touristes les plus nombreux sur l'île, après les Français). Après les attentats de Sousse du Bardo en 2015, puis la pandémie de Covid-19 qui a contraint la Tunisie à fermer ses frontières avait fait chuter le tourisme en Tunisie. La vie reprend désormais son cours sur l’île, réputée pour son attractivité touristique.
 
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Mais les touristes ont-ils les mêmes attentes qu’avant la crise sanitaire ? Que viennent-ils chercher à Djerba ? Avec le retour des touristes, les acteurs du secteur tentent de faire valoir une offre plus diversifiée. 

Des complexes hôteliers vers les villas

Noureddine Gamdou est un entrepreneur franco-tunisien. Résident en région parisienne, il dirige une agence immobilière à Djerba. Selon lui, “le tourisme de l’île est en train de se détacher de l’image touristique de la Tunisie, à savoir le tourisme de masse, dans de grands bâtiments hôteliers.” Ainsi, la location de villas est en pleine expansion sur l’île. C’est d’ailleurs ce qui a incité le Franco-tunisien à se lancer dans l’immobilier. “J’ai ouvert mon entreprise cet été, avoue-t-il. J’ai senti qu’il y avait un truc qui se passait à ce niveau depuis trois ans, c’est ce qui m’a poussé à ouvrir et à développer tout ce qui touche aux prestations de services”, explique-t-il.

Selon Hamda Abdellaoui, le directeur exécutif du Djerba Management Organization (DMO), le tourisme hôtelier ne perd pas en importance face à l’essor de la location de villas. Par exemple, entre le 1er janvier et le 30 septembre 2022, le taux d’occupation des chambres d’hôtels sur l’île était de 54,4%, contre 25,8% un an plus tôt, selon les chiffres de l’office national du tourisme tunisien. Cela montre que les touristes sont tout de même revenus dans les hôtels après la crise sanitaire. Pourtant, "il y a 25 hôtels qui n’ont pas rouvert cette année", révèle Hamda Abdellaoui.  Actuellement, "la capacité hôtelière est d’environ 36 000 lits", ajoute-t-il. À cela s’ajoutent les 35 000 hébergements de types villas, en location. Noureddine Gamdou affirme que pour louer une de ses villas au mois d'août, il faut s'y prendre six mois à l'avance, sinon tout est complet.

Villa Djerba construction
Le paysage de Djerba est clairsemé de chantiers de villas. 
Margot Hutton/TV5MONDE

Nicole en est à sa deuxième visite à Djerba. Comme la première fois, cette retraitée a choisi de rester dans un hôtel. "Mais ce n’est pas le même que la première fois, explique-t-elle. Celui où j’étais il y a quatre ans a fermé et a été racheté par un autre investisseur." Elle remarque cependant que les constructions se sont multipliées depuis sa dernière venue. "Il y a énormément de villas qui se sont construites, en plus de celles qui sont encore inachevées", détaille-t-elle. Elle avoue qu’elle préfère tout de même le confort de l’hôtel pour ses vacances. 

Il y aura toujours besoin du tourisme de masse, ça fais partie de l’identité de l’île depuis les années 1970.Noureddine Gamdou, entrepreneur Franco-tunisien

Il n’y a pas de type de tourisme en déclin par rapport à un autre qui se développe”, reconnaît Noureddine Gamdou. “Il y aura toujours besoin du tourisme de masse, ça fais partie de l’identité de l’île depuis les années 1970.” Pour Noëlle, qui est sur l’île pour la première fois, la question ne s’est pas posée. "Je suis là pour huit jours, explique-t-elle. Je n’avais pas envie de m’embêter avec la cuisine ou quoi que ce soit donc j’ai pris un hôtel."

L’essor du tourisme sportif

Cependant, le tourisme balnéaire n’est pas le seul atout de l’île. “De plus en plus de touristes viennent pratiquer du sport à Djerba”, constate Noureddine Gamdou. Parmi ces sports, il y a notamment le kitesurf. Une discipline nautique qui consiste à surfer sur les vagues, tracté par la force du vent à l’aide d’un petit parapente. 

Pourquoi Djerba est-elle si attractive pour les kitesurfers ? "Le climat est idéal pour pratiquer ce sport", explique Zied Ben Joumaa, moniteur de kitesurf et responsable du centre Kite Adventure. "Dès que les allemands ont importé le sport dans les années 2000, Djerba est devenue une destination de choix", poursuit-il. "On préfère être dans l’eau en short qu’en combinaison et en cagoule", ajoute-t-il en souriant.

Avec le temps, la discipline s’est développée un peu partout dans le monde, mais Djerba parvient à garder le cap. "Les prix jouent beaucoup pour cela", reconnaît Zied Ben Joumaa. "Les séjours que je propose restent moins cher qu’en Europe", continue le moniteur de kitesurf. Au mois de novembre, c’est le creux de la vague : la saison sportive touche à sa fin. Cependant, "Pendant les vacances scolaires, on est souvent complets. Le reste du temps, on est entre 50% et 60% de nos capacités." 

Cependant, la mer reste prisée en dehors de la saison touristique. "Entre décembre et avril, il y a plus de vent, ce qui attire les sportifs de haut niveau", ajoute Zied Ben Joumaa. 

L’image qui a émergé, c’est que Djerba a un seul produit : la mer.Hamda Abdellaoui, directeur exécutif du DMO

Comment valoriser le patrimoine culturel de l’île ?

En dehors du sport, la culture essaye de trouver sa place dans l’arène touristique de l’île. “L’aspect culturel et patrimonial est toujours passé au second plan à Djerba, estime Noureddine Gamdou. Cependant, c’est en train de prendre une place de plus en plus importante.” Cela est dû aux travaux de l’Association pour la sauvegarde de l’Île de Djerba (ASSIDJE), mais aussi du Djerba Management Organization (DMO). “Djerba possède un patrimoine très riche et varié, avec de beaux paysages, reconnaît Hamda Abdellaoui, directeur exécutif du DMO. Mais tout ça, on ne le connaît pas.” Il estime que “l’image qui a émergé, c’est que Djerba a un seul produit : la mer.

Ce sont les premiers pas pour faire entrer le patrimoine de Djerba dans une dynamique économique, parce qu’il souffre de plusieurs aléas, notamment financiers, pour pouvoir le restaurer.Mehdi Elouati, membre de l'Assidje

Parfois, on rencontre des gens qui nous disent à la fin de leur séjour qu’ils ne savaient pas qu’il y avait autant de choses à voir à Djerba”, regrette Hamda Abdellaoui. En 2019, l’Assidje publie un guide culturel et touristique, qui vise à donner plus de visibilité à certains lieux emblématiques de l’île. “On a voulu que ce produit soit utile pour les touristes désireux de connaître l’île”, explique Mehdi Elouati, membre de l’association.

Assidje livre
Le livre publié en 2019 par l'Assidje vulgarise l'histoire et les explications du patrimoine de l'île. 
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Aussi, en septembre 2022, le DMO organisme lance une application recensant une centaine de références touristiques sur l’île. Baptisée Djerba Guide, elle est accessible sans connexion internet et recense plusieurs sites culturels, activités touristiques, restaurants et hébergements sur l’île. "Le but est de montrer la diversité du produit touristique qu’il y a à Djerba, les différentes offres qu’il y a toute l’année", détaille Hamda Abdellaoui. "L’application est en continuité avec le guide, explique Mehdi Elouati. Ce sont les premiers pas pour faire entrer le patrimoine de Djerba dans une dynamique économique, parce qu’il souffre de plusieurs aléas, notamment financiers, pour pouvoir le restaurer. Il faut vraiment l’intégrer dans la dynamique touristique qui marque l’île de Djerba."

Fondée en 1987, l’Agence de mise en valeur du patrimoine et promotion culturelle (AMVPPC) œuvre à la promotion du patrimoine tunisien. Sur Djerba, ils s’occupent de la valorisation de trois sites : le fort Ghazi Mustapha, le musée du patrimoine traditionnel de Djerba et la mosquée Fadhloum. Afin de mettre en valeur cette dernière, l’agence propose même de la visiter virtuellement. "On a mis ce dispositif en place avec l’Institut national du patrimoine (INP), explique Ikram Ouali, responsable vente à l’AMVPPC. Ils veillent à ce que la reproduction virtuelle soit conforme à la réalité, et on propose la visite virtuelle."
Exploration virtuelle AMVPPC
L'AMVPPC organise des visites virtuelles de certains lieux emblématiques de Djerba depuis le Village de la Francophonie. 
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L'île de Djerba possède également un riche patrimoine religieux. Elle abrite le principal lieu saint du judaïsme, en dehors de Jérusalem. Il s'agit de la synagogue de la ghriba. Chaque année, des juifs du monde entier effectuent un pèlerinage vers cette synagogue au début du mois de mai. "En général, lorsque ça se passe bien, c’est une garantie en termes de sécurité et ça donne le pouls de la saison qui va arriver", explique Noureddine Gamdou. L’attentat de la Ghriba, un attentat-suicide, effectué par un kamikaze du groupe Al-Qaïda et survenu le 11 avril 2002 avait fait 19 morts. Depuis le lieu est surveillé étroitement par la police.
 Au-delà du riche patrimoine culturel de l’île, le DMO tente de mettre en avant son patrimoine culinaire également. L’organisme vient de publier un livre, intitulé Djerba, l’île aux saveurs. "C’est le premier livre de cuisine d’une région en Tunisie", explique fièrement Hamda Abdellaoui. Il réfléchit également à la création d’une route culinaire, mettant en avant les traditions locales. Djerba va-t-elle devenir une destination de choix pour les amoureux de la cuisine ?