“La décision ne peut plus être réservée à une élite. C’est le G 20 qui devrait pouvoir remplacer ce groupe des pays les plus riches du monde.“
Samir Amin, économiste franco-égyptien enseignant à Dakar au Sénégal, critique vivement ces grands raouts du G8
Quels sont l’intérêt et les enjeux d’une telle rencontre aujourd’hui? Personnellement je partage l’opinion que Lula exprimait hier, selon laquelle le G8 est dépassé ; il n’a plus vraiment de rôle à jouer et il faudrait qu’il prenne la mesure du changement dans la situation mondiale actuelle qui est telle, que la décision ne peut plus être réservée à cette élite, C’est le G 20 qui devrait pouvoir remplacer ce groupe des pays les plus riches du monde. Mais ce sont bien ces huit pays qui tiennent indubitablement l’économie mondiale ? Certes ils tiennent l’économie mondiale, mais ils sont aussi responsables de la crise économique mondiale, et par conséquent la solution à cette crise ne passe pas par leur décision unilatérale, mais par une décision réellement collective. Dans ces conditions, le G 8 n’est pas le lieu d’une négociation entre les pays les plus riches et les autres. Quelles devraient selon vous être les préoccupations de cette rencontre ? La préoccupation prioritaire du monde entier à l’heure actuelle, et non pas seulement celle du G 8, est de répondre collectivement à la crise. Ce n’est donc pas le G 8 qui peut le faire, la question n’est même pas à l’ordre du jour. Les huit pays n’ont retenu que des problèmes adjacents sur lesquels on ferra encore de beaux discours sans qu’aucune décision applicable ne soit prise. Je prends l’exemple du réchauffement climatique. Croyez-vous en la capacité de ces pays à surmonter la crise économique mondiale actuelle ? Certainement pas ! Jusqu’à présent, tous y compris Barack Obama ne pensent qu’à restaurer le système tel qu’il était avant l’effondrement financier de septembre 2008. C'est-à-dire qu’ils ne s’occupent finalement que de corriger la dérive financière, or cela n’est pas suffisant et cela signifie que le système tel qu’il était avant, était un système sain et durable. Pourtant il ne l’était pas et la crise en est la preuve, par conséquent tout ce qu’ils entreprennent en ce moment à ce sujet ne peut donner aucun résultat. Quelle place occupe l’Afrique et le Tiers monde dans ces débats ? Aucune place dans la réalité des faits. Bien sûr ils feront un discours de plus sur l’aide d’urgence à augmenter, notamment en ce qui concerne l’Afrique. Que peuvent justement proposer les pays du Sud à à l’occasion de telles rencontres ? Ne devraient-ils pas proposer eux-mêmes des solutions ? Il faut dans l’ensemble, un projet commun négocié par tous, parce qu’ils ne sont pas justement sur un même pied d’égalité, il y a parmi eux des pays émergents. En somme, il faut un nouveau Bandung (NDRL : rencontre des pays « non alignés » en 1956 à l’initiative de Nsser), une vraie convergence des pays du Sud qui contraigne les projets des pays riches et conduisent à de véritables négociations. Mais pour créer les conditions d’un tel consensus, il faut imaginer les conditions d’une véritable négociation avec les pays du Nord. La Chine a commencé à le faire avec des positions différentes, le Brésil suit et l’Inde aussi. Mais il faut aller plus loin que cela en arrivant à une proposition plus commune aux pays du Sud. Croyez-vous à une réelle émergence d’un G 20 assez solide ? Pas à court terme. Je crois que le groupe des 20 ne deviendra important que lorsque les pays émergents auront passé des alliances assez fortes avec les autres pays pauvres, les laissés pour compte du Tiers monde. Propos recueillis par Christelle Magnout
“Le G8 n'est plus vraiment représentatif du monde“.
Le Président du Conseil d'analyse économique, Christian de Boissieu, s'interroge sur la composition du noyau dirigeant du monde et sur les capacités des pays riches à tenir leurs promesses dans la lutte contre l'environnement. Journal TV5 - 3'47