Fil d'Ariane
Elle est connue comme la femme qui gagne ses combats pour l'écologie. En 2016, elle était parvenue, avec d'autres, à faire interdire la pêche en eau profonde au niveau européen. Cette fois, elle se bat, non sans succès, pour faire interdire une pratique très destructrice pour la faune marine : la pêche électrique.
La française Claire Nouvian a été honorée ce lundi 23 avril à San Francisco du prix Goldman pour l'environnement, considéré comme le Nobel de l'écologie et créé il y a bientôt 30 ans. La militante fait partie des six lauréats de 2018 en tant que représentante du continent européen. Parmi les autres personnes récompensées se trouvent deux femmes sud-africaines : Makoma Lekalakala & Liz McDaid.
Au terme d'un parcours de journaliste et documentariste, Claire Nouvian a créé en 2005 une association, Bloom, dédiée à la protection des océans et des espèces marines.
Le combat actuel de cette femme de 44 ans -et de son équipe de 7 personnes au sein de l'association- : la fin de la pêche électrique (voir encadré).
Des manches décisives ont déjà été remportées. Début janvier 2018, alors qu'il semblait acquis que les députés européens allaient étendre l'autorisation de pêcher à grands coups de volts en mer du Nord, une forte mobilisation médiatique, et une pétition riche de plus de 100 000 signatures ont finalement poussé le Parlement de l'UE à voter l'interdiction de cette méthode.
Quelques semaines plus tard, le 6 mars 2018, l'Assemblée nationale française votait à son tour et à la quasi-unanimité une résolution soutenant ce bannissement au niveau européen. L'auteur de ce texte, le député de la majorité Joachim Son-Forget, s'emportait alors contre "une pratique hors d'âge et dangereuse" qui "décrédibilise l'Union européenne sur la scène internationale".
Car cette méthode de pêche est déjà proscrite dans la plupart des grands pays, notamment aux États-Unis, en Chine et au Brésil.
Dans l'Union Européenne, en dépit du vote des députés, l'interdiction totale n'est pas encore acquise. Des négociations sont en cours avec le Conseil européen (représentant des États membres) et la Commission européenne afin de trouver un compromis. Si la France soutient officiellement l'interdiction, les partisans du bannissement rencontrent une farouche opposition de nombreux pays, notamment des Pays-Bas, grand utilisateur de la pêche électrique.
Le plus ironique est que cette technique ravageuse pour les fonds marins avait été interdite dès 1998 dans l'UE. Une dérogation à titre expérimental avait ensuite été instaurée par la Commission de Bruxelles en 2007, autorisant l'équipement de 5% maximum des flottes de chalutiers à perche.
Des navires allemands et britanniques ont profité de cette dérogation pour pratiquer la pêche électrique. Mais ce sont les Pays-Bas qui ont le plus largement équipé leurs navires. Ils auraient même dépassé le quota avec 28% des chalutiers dotés de filets électrifiés. L'association Bloom a d'ailleurs porté plainte contre le pays.
En quoi consiste la technique de la pêche électrique ?
La méthode de pêche électrique consiste à envoyer des décharges électriques sur les sédiments. Les poissons plats (dits benthiques, comme la sole ou la limande) camouflés dans le fond marin sont alors délogés puis paralysés par le courant électrique, les animaux remontent vers la surface et sont alors capturés dans le chalut (le filet).
Le procédé est efficace pour les pêcheurs (notamment en économie de carburant) mais particulièrement destructeur pour la faune. L'électrification atteint non seulement les poissons pêchés mais aussi tous les autres animaux marins, ne laissant qu'une mer vide derrière son passage. Selon l'association Bloom, "elle transforme l'océan en désert".