Sortie des États-Unis de l'accord de Paris : « Ce retrait met l’accord en péril, mais ne le rend pas caduc »

C’est officiel. Les États-Unis se retirent de l’accord de Paris. La Chine, la France ou encore la Russie ont aussitôt réagi. Que signifie le retrait de Washington de cet accord sur le climat ? Entretien.
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Le président américain Donald Trump parle à un meeting le 4 novembre 2019. Lexington, État du Kentucky, États-Unis.
© AP / Timothy D. Easley
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Donald Trump l’avait promis dès 2017. Il lui avait fallu attendre. La procédure de retrait de l’accord de Paris ne pouvait pas débuter avant le troisième anniversaire de l’entrée en vigueur de l’accord, soit le 4 novembre 2019. Quelle est la portée de cette décision dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

Nous avons posé la question à François-Marie Bréon. Physicien et chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement, il a aussi contribué à l’écriture du cinquième rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).


TV5MONDE : Les États-Unis ont notifié leur retrait de l’accord de Paris. Quelle a été votre première réaction ?

François-Marie Bréon : Cette décision, loin d’être une surprise, me déçoit. Les États-Unis sont le deuxième émetteur de gaz à effet de serre au monde. C’est aussi l’un des pays qui pilotent la politique mondiale, donc il n’y a aucun doute sur le fait que ce retrait mette en péril l’accord de Paris. La lutte contre le réchauffement climatique est mondiale.

Ceci dit, ma déception est tempérée par le fait qu’aucun autre pays, comme le Brésil, n’ait suivi les États-Unis. On dit beaucoup que le président brésilien Jair Bolsonaro est climatosceptique mais il n’a fait aucune déclaration dans ce sens. Pour l’instant, on n’assiste pas à la sortie d’autres pays de l’accord, même si c’est une chose que je crains.


À quels autres pays pensez-vous ?

Je pense à la Russie et l’Inde. La Russie est aussi un gros émetteur de gaz à effet de serre.

Le premier émetteur de gaz à effet de serre au monde reste la Chine mais elle n’a montré aucun signe allant dans le sens du retrait de Washington. Pékin continue de dire que la lutte contre le réchauffement climatique est une priorité.

Les États-Unis, en dépit de leur retrait de l’accord de Paris, ont diminué leurs émissions de gaz à effet de serre.

François-Marie Bréon, chercheur au Laboratoires des Sciences du Climat et de l’Environnement

L’accord de Paris est-il caduc avec le retrait de Washington ?

Le retrait de Washington de l’accord de Paris met certes l’accord en péril, mais il ne le rend pas caduc pour autant.

Je continue à penser que les émissions de gaz à effet de serre vont baisser au niveau mondial. La prise de conscience ne fait aucun doute. Les États vont continuer à faire des efforts pour limiter le réchauffement climatique. Notons tout de même que les réductions d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) restent extrêmement modestes par rapport aux mesures qu’il faudrait prendre.

Les objectifs de l’accord de Paris

Lors de la Conférence de Paris de décembre 2015, les pays ont convenu de "contenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C", et de "poursuivre l'action menée pour limiter l'élévation des températures à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels".
 

Ce qui est paradoxal, c’est que les États-Unis, en dépit de leur retrait de l’accord de Paris, ont diminué leurs émissions de gaz à effet de serre. Entre 2015 et 2017, d’après nos chiffres, elles sont passées de 5,421 milliards de tonnes par an à 5,270 milliards. Soit une baisse de presque 3%.


En revanche, un pays comme la France a émis davantage de gaz à effet de serre sur la même période : de 348 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2015, Paris est passée à 356 en 2017, soit une augmentation d’un peu plus de 2%.


La COP25 aura lieu du 2 au 13 décembre en Espagne. L’accord de Paris a-t-il encore du poids ?

Oui, l’accord de Paris a encore de la valeur. Toutes les conférences sur le climat ont jusqu’à présent discuté de sa mise en œuvre. Pour moi, cela ne va pas changer. C’est encore l’accord de Paris qui fait foi.

Maintenant, c’est toujours une question d’image. Il n’y a rien de contraignant dans l’accord de Paris, tout comme pour le protocole de Kyoto (signé en 1997, entré en vigueur en 2005, ndlr).

Les États avaient pris des engagements similaires. Seuls les pays industrialisés y étaient tenus. Certains comme le Canada, avec les sables bitumeux, n’avaient pas respecté ces engagements. Aucune sanction n’avait été prise.


Hasard du calendrier : le retrait de l’accord de Paris prendra effet au plus tôt le 4 novembre 2020, soit le lendemain de la prochaine présidentielle américaine. Selon les résultats du scrutin, les États-Unis pourraient-ils de nouveau adhérer à l’accord de Paris ?

Si les États-Unis, deuxième émetteur de gaz à effet de serre au monde, veulent revenir dans l’accord de Paris, ils seront accueillis à bras ouverts. Les pré-candidats démocrates à la présidentielle ont déjà affirmé qu’ils ne souhaitaient pas se retirer de l’accord.