Fil d'Ariane
La crise au Soudan a poussé des dizaines de milliers de personnes à fuir les combats. Dans une zone où la situation humanitaire est déjà tendue, cette nouvelle vague de réfugiés pourrait avoir des conséquences dramatiques, notamment pour les pays voisins.
Soudan du Sud, Tchad, Centrafrique, Éthiopie, Egypte… depuis le début des combats qui opposent les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo à l’armée régulière au Soudan, le Haut Commissariat au Réfugiés (UNHCR) a recensé des dizaines de milliers de déplacés internes et de réfugiés ayant fui vers les pays voisins.
Le Soudan partage des frontières avec le Soudan du Sud, le Tchad, l'Egypte, l'Ethiopie, l'Erythrée, la Libye et la République centrafricaine. Ces pays ont vu arriver des milliers de réfugiés au cours des quinze derniers jours et font face tant bien que mal à l’afflux de populations traumatisées. La gestion de cette nouvelle vague de réfugiés est d’autant plus difficile que dans la zone, la situation humanitaire était déjà particulièrement tendue.
Une femme évacuée du Soudan porte son fils alors qu'ils débarquent de l'USNS Brunswick dans le port de Jeddah, en Arabie Saoudite, le 4 mai 2023.
« Avant cette dernière crise, le Soudan accueillait déjà plus d’un million de réfugiés. Un tiers de la population avait besoin de l’aide humanitaire et le pays comptait 3,7 millions de déplacés internes » énumère Olga Sarrado, porte-parole global du UNHCR.
« Nous avons dû relocaliser nos équipes qui étaient dans des zones de combats et réduire notre présence sur place pour des raisons de sécurité. Nous sommes vraiment inquiets pour ces populations qui dépendaient déjà de l’aide humanitaire qu’on ne peut plus acheminer dans tout le pays aujourd’hui » ajoute-t-elle.
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Le Soudan n’est pas le seul pays de la zone à faire face depuis des années à des crises migratoires. Ainsi, plus de 400 000 réfugiés soudanais vivaient déjà au Tchad dans 13 camps et au sein des communautés locales dans l'est du pays. Depuis le 15 avril, le HCR estime qu’au moins 20 000 personnes supplémentaires ont rejoint le Tchad - certaines ONG parlent de plus de 40 000 personnes. Un chiffre qui pourrait monter jusqu’à 100 000 personnes pour le Tchad seul « dans le pire des cas » selon le HCR.
Et la prise en charge de ces nouveaux flux de réfugiés s’annonce plus complexe que jamais : « Dans ces pays, les opérations humanitaires que ce soit le HCR ou d’autres ONG n’ont pas reçu les fonds nécessaires pour répondre aux besoins de la population », explique Olga Sarrado.
Si aucun financement supplémentaire n'est reçu, l'assistance alimentaire sera interrompue à 100% en mai 2023. Pierre Honnorat, directeur du PAM au Tchad
« La situation était déjà compliquée et avec l’arrivée massive de nouveaux réfugiés, de nouveaux besoins vont se créer. Au Tchad par exemple, la plupart des personnes qui sont arrivées au cours des deux dernières semaines se sont installées dans deux villages à la frontière avec le Soudan. Il y a très peu de services, pas assez d’eau, pas d’infrastructures, beaucoup de réfugiés dorment littéralement sur le sable ».
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Les besoins sont nombreux : nourriture, eau, assistance médicale et psychologique, structures d’accueil… Mais ces réfugiés arrivent dans des zones où les services étaient déjà saturés et en manque de moyen.
Avant même le début des affrontements au Soudan, le Programme alimentaire mondial alertait sur le manque de moyens auquel il faisait face au Tchad. « Si aucun financement supplémentaire n'est reçu, l'assistance alimentaire sera interrompue à 100% en mai 2023 pour les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur du pays », avait avertit Pierre Honnorat, directeur du PAM au Tchad.
Ce qui nous inquiète c’est que nous ne sommes qu’au début du conflit. Olga Sarrado, porte-parole global du UNHCR
Pour le Soudan du Sud aussi la crise migratoire qui débute promet d’être un défi de taille : plus de 800 000 réfugiés Sud-Soudanais sont réfugiés au Soudan et bon nombre d’entre eux cherchent maintenant à rentrer dans leur pays d’origine. Ils seraient déjà 10 000 à avoir rejoint le Soudan du Sud et ce n’est que le début de cet exode. Pour Marie-Hélène Verney, la représentante du HCR au Soudan du Sud, « le scénario le plus probable est de 125 000 retours de réfugiés sud-soudanais et de 45 000 réfugiés ».
« Ce qui nous inquiète c’est que nous ne sommes qu’au début du conflit » explique Olga Sarrado. « Si la situation s’enlise au Soudan, les réfugiés qui chercheront à quitter le pays plus tard feront face à d’autant plus de difficultés et n’auront pas forcément accès aux services d’aide humanitaire de base. »
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Face au risque de crise migratoire, la mobilisation de la communauté internationale est d’autant plus importante. « Il faut travailler sur ce sujet et livrer les fonds nécessaires aux pays d’accueil et aux organisations humanitaires sur le terrain, pour leur permettre de répondre à ces nouveaux besoins » confirme Olga Sarrado.
Mais le déficit risque d’être difficile à combler : le 14 avril, à la veille de l’embrasement au Soudan, le PAM estimait déjà avoir besoin de 142,7 millions de dollars et le HCR de 172,5 millions de dollars rien que pour assurer leurs missions au Tchad.