Fil d'Ariane
Le parlement européen est secoué par des soupçons de corruption impliquant le Qatar. La police belge a lancé une vaste opération le 9 décembre à Bruxelles. De quoi est-il question ? Qui est mis en cause ? Décryptage.
Cinq personnes ont été interpellées le 9 décembre dans cette affaire. Dans la soirée, l'eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, qui est une des vice-présidentes de l’assemblée, a été interpellée à son domicile à Bruxelles pour être auditionnée.
Elle est membre du groupe des sociaux démocrates au Parlement. Cela confirme les révélations du quotidien belge Le Soir et de l’hebdomadaire Knack.
Plus tôt dans la journée, quatre hommes ont été arrêtés. Tous sont de nationalité italienne. Le quoitidien belge Le Soir souligne dans son enquête qu’ils sont publiquement impliqués dans des ONG et associations en faveur des droits humains. Parmi eux, le compagnon d'Eva Kaili, Francesco Giorgi, qui est assistant parlementaire, un directeur d'ONG, le dirigeant syndical italien Luca Visentini et l'ancien eurodéputé Pier-Antonio Panzeri qui a siégé de 2004 à 2019.
Le 11 décembre, Eva Kaili et trois autres personnes ont été inculpées et écrouées en Belgique. Le parquet fédéral n'a fourni, lui, aucun nom en annonçant le placement en détention provisoire de quatre des six personnes interpellées ces dernières 48 heures. Eva Kaili n'a pas pu bénéficier de son immunité parlementaire car l'infraction qui lui est reprochée a été constatée "en flagrant délit" le 9 décembre, explique une source proche du dossier.
Cette source confirme des informations de presse selon lesquelles Eva Kaili était en possession de "sacs de billets" le 9 décembre lorsque la police belge l'a interpellée.
Dans un communiqué, le parquet fédéral indique que cette enquête vise des faits de « corruption » et de « blanchiment d’argent en bande organisée. » Elle est pilotée depuis quatre mois par un juge financier bruxellois.
Les soupçons de corruption pèsent sur un « pays du Golfe », qui n’est pas nommé par le parquet financier belge. L’enquête du quotidien Le Soir avec l’hebdomadaire Knack identifie ce pays comme étant le Qatar. Il est soupçonné d'« influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen, en versant des sommes d'argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants », explique le parquet fédéral. Autrement dit, il est reproché au pays « d’offrir des sommes d’argent importantes ou des cadeaux d’une certaine importance en faveur des positions du Qatar », explique le journaliste au Soir Louis Colart, interrogé sur TV5MONDE.
Le 22 novembre, Eva Kaili déclare que « la Coupe du monde de football au Qatar est une preuve concrète de la façon dont la diplomatie sportive peut aboutir à une transformation historique d'un pays dont les réformes ont inspiré le monde arabe » à la tribune du parlement européen.
Des eurodéputés du groupe des sociaux démocrates, dont Eva Kaili est membre, avaient voté contre un projet de résolution demandant à la FIFA de prendre en considération les droits des personnes LGBT au Qatar.
Luca Visentini, secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI) fait partie des personnes interpellées dans cette enquête. Plus tôt dans la semaine, il évoquait la situation des travailleurs au Qatar. Il appelle en particulier à « continuer de faire pression sur les autorités et les employeurs » pour de meilleures rémunérations et davantage de mobilité dans le travail.
De son côté, Eva Kaili affirmait que « le Qatar est un chef de file en matière de droit du travail. » Elle avait rencontré au Qatar peu avant le début du Mondial de football le ministre qatari du Travail Ali bin Samikh Al Marri. L'élue grecque avait salué à cette occasion, au nom de l'Union Européenne, l'engagement du Qatar à « poursuivre les réformes du travail », selon un tweet de l'ambassadeur de l'Union à Doha Cristian Tudor.
Les cinq personnes interpellées doivent être auditionnées. Elles pourraient ensuite être déférées devant le juge d’instruction. Le juge décidera ensuite de possibles mandats d'arrêt.
« Pour le moment, elle ne souhaite pas pas céder son siège car elle sait que cela induirait une levée de son immunité parlementaire », indique un élu grec, membre de Pasok-Kinal, le Parti socialiste grec. Le parti souhaitait toutefois que la vice-présidente du Parlement européen cède son siège, suite à la révélation de l’enquête. Eva Kaili a toutefois été « écartée » de Pasok-Kinal.
Eva Kaili est toutefois démise de ses fonctions de vice-présidente du parlement européen, annonce la présidente Roberta Metsola.
Nikos Androulakis, président de Pasok Kinal déclare sur la chaîne de télévision Antenna que « Mme Kaili agissait comme un cheval de Troie de la Nouvelle démocratie » (droite au pouvoir). « Je l'avais informé qu'elle ne serait plus candidate avec notre parti aux prochaines élections européennes », assure-t-il.
De son côté, le porte-parole du gouvernement grec Giannis Oikonomou dénonce ces propos dans un communiqué. Il les qualifie de « tactique pour rouler dans la boue » le gouvernement. « Le cas de Mme Kaili est dans les mains de la justice et son issue, nous ne la connaissons pas encore », ajoute-t-il.