Fil d'Ariane
SUPER CONTRAT: L'Australie achète 12 sous-marins français. Le dessin du Monde de ce mardi 26 avril pic.twitter.com/uGykEIaXNc
— PLANTU (@plantu) 26 avril 2016
François Hollande, accompagné des ministres de la Défense et de l’Intérieur - respectivement Jean-Yves Le Drian et Bernard Cazeneuve - a prévu de se rendre au siège du groupe à Paris ce 26 avril. Il faut dire que l’annonce australienne arrive à point nommé pour le gouvernement français. Malgré un recul du chômage en mars, annoncé par le gouvernement de Manuel Valls, et une tendance à la baisse sur le premier trimestre (-1,7% sur un mois), pour s'établir à 3,53 millions en France métropolitaine, l'économie française reste à la peine. Car, même si les sous-marins ne seront pas construits en France, un transfert de compétences entre salariés français et australiens est tout de même prévu. Jean-Yves Le Drian avait ainsi annoncé que ce contrat représentait « des milliers d’emplois » en France. Ce sont finalement entre 3000 et 4000 personnes qui seront mobilisées pendant six ans chez DCNS répartis sur les sites de Cherbourg, Nantes et Lorient.
La France n’avait pas de défaut dans son offre que ce soit sur le plan diplomatique ou sur le plan technologique et industriel
Jean-Pierre Maulny, chercheur
Entretien avec Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), qui nous livre son analyse sur ce mégacontrat pour la France :
Pourquoi l’Australie a-t-elle besoin de sous-marins ?
Jean-Pierre Maulny : La flotte australienne date des années 1990 et a besoin d’être renouvelée. Le renouvellement des sous-marins a d’ailleurs pris du retard puisque le besoin a été identifié par l’Australie dès le livre blanc de 2010. Le gouvernement a donc décidé de prendre une décision rapidement. D’abord avec le Premier ministre, Tony Abbott, remplacé par Malcolm Turnbull en septembre 2015.
Selon vous, est-ce que le choix final de l'Australie est une surprise ?
JP.M : Non, la décision de retenir le groupe français DCNS n’est pas une surprise. Même si c’était une compétition extrêmement disputée, la France n’avait pas de défaut dans son offre que ce soit sur le plan diplomatique – le pays est présent militairement dans la région en Nouvelle-Calédonie – ou sur le plan technologique et industriel. Et les Australiens voulaient plus qu’un simple fournisseur. Ils cherchaient un pays qui soit derrière un partenaire stratégique, ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne. Sur ce plan, les Japonais étaient certainement les mieux placés avec l’alliance trilatérale entre les Etats-Unis, l’Australie et le Japon. Mais leur politique actuelle très opposée à la Chine était une contrainte pour l'Australie qui ne voulait pas que son choix soit perçu de manière agressive par les Chinois.
Par ailleurs, l’offre japonaise comportait un deuxième défaut. Celui de ne pas proposer une exportation avec transfert de technologie. Les Japonais étaient prêts à fournir des sous-marins fabriqués dans leur pays. L’exportation des armements n’est d’ailleurs autorisée que depuis le 1er avril 2014, lorsqu’ils ont revu leur législation. Or, les Australiens avaient une demande très forte à ce niveau-là, tant en termes de capacité de fabrication qu’en termes d’emplois. Les élections fédérales ont lieu dans trois mois et le Sud du pays est relativement sinistré en termes d’emploi. Le gouvernement voulait donc certainement annoncer rapidement leur choix.
Le secteur de l’industrie militaire française ne semble pas connaître la crise. Comment l’expliquer ?
JP. M : Effectivement, l’industrie d’armement vit depuis deux ou trois ans une période faste en France. En septembre 2014, un rapport d’impact du ministère de la Défense annonçait que l’armement représentait environ 40 000 emplois en ce qui concerne les exportations. Depuis cette date, les bonnes nouvelles se sont succédé : la vente des rafales en Egypte, au Qatar, ou encore les hélicoptères en Pologne qui restent à confirmer. C’est l’un des points forts de notre industrie. L’autre explication, c’est bien sûr que l’industrie de l’armement, ce n’est pas que de la technologie de l’industrie, c’est aussi de la politique internationale. C'est donc aussi lié à notre positionnement diplomatique qui peut favoriser nos exportations d’armements.
Pour cet appel d’offre australien, la France présentait ainsi un bon compromis face aux deux autres concurrents. Il faut maintenant conclure le contrat, car on entre dans une période de négociation exclusive avec l’Australie. Ce sont des contrats très compliqués à élaborer qui incluent de multiples questions : le transfert de technologie mais aussi le partenariat avec le chantier naval local et toute la chaîne de sous-traitance en Australie. C’est évidemment une très bonne nouvelle, mais le plus dur reste à faire.