Squid Game : "Originale ? pas spécialement. Accrocheuse ? très certainement"

Depuis trois semaines, la série Squid Game est sur toutes les lèvres. Si bien qu'elle pourrait devenir la plus grande série produite par la plateforme de streaming Netflix. Pour le journaliste spécialisé dans les séries Pierre Langlais, deux facteurs peuvent expliquer ce succès : le buzz et les codes visuels. Entretien. 
 
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Squid Game
AP / Netflix
La série coréenne Squid Game, sortie le 17 septembre 2021 sur Netflix, est devenue un phénomène planétaire. 
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Que ce soit sur les réseaux sociaux, dans les discussions entre amis ou entre collègues, personne n'aura pu y échapper. Depuis quelques semaines, la série coréenne Squid Game fait un carton sur Netflix. Pour Pierre Langlais, journaliste spécialisé dans les séries à Télérama, hebdomadaire culturel français, et auteur de Créer une série (Armand Colin, mars 2021), le succès de la série s'explique par un engouement provoqué par les réseaux sociaux, mais aussi par la reprise de codes visuels déjà bien connus. 

TV5 MONDE : comment expliquer le succès retentissant de Squid Game ? 

Pierre Langlais : Si la série est vue par autant de monde,  c'est le buzz. C'est parce qu'il y a quelqu'un qui a dit que c'était génial, que son ami a regardé la série ensuite et qui en a parlé sur les réseaux sociaux et ainsi de suite. Netlfix est connecté avec un certain public, plutôt jeune, très présent sur les réseaux sociaux, ce qui lui permet de créer des "mouvements de foule" pour ainsi dire.

Pour faire le lien avec l'impact sur les réseaux sociaux, il y a un visuel très fort.

Squid Game n'a eu aucune campagne de presse en amont, aucun affichage, rien. La série s'est faite toute seule. Elle est sortie le même jour que la saison 3 de Sex Education qui était l'événement série du jour. Sur le compte Twitter de Netflix il y avait déjà des retweet de gens qui parlaient de Squid Game. Je ne vois pas ça sur toutes les séries. Il y avait peut-être une volonté de la plateforme d'en faire un outsider qui pourrait devenir un carton dans la foulée de Sex Education, mais ils n'ont pas lancé la série en Europe en tout cas. Le buzz est quelque chose d'assez systématique et presque insaisissable. Ce buzz se met en place avec les réseaux sociaux. 

TV5 MONDE : Est-ce que ce cette série a été conçue pour être un objet de pop-culture ? 

Pierre Langlais :
C'est une série qui répond à beaucoup de codes très efficaces et très familiers pour le public. Pour faire le lien avec l'impact sur les réseaux sociaux, il y a un visuel très fort. C'est une série qui est facile à vendre si j'ose dire, parce qu'il y a ces costumes. C'est une des raisons pour laquelle la Casa de Papel a cartonné aussi : ils ont quasiment les mêmes costumes, donc il y a quelque chose de très vite identifiable. 

Je trouve que porter un jogging numéroté porté par des gens qui sont dans une sorte de camp de la mort comme costume d'Halloween, ça met un peu mal à l'aise.

Ces masques avec les ronds, les croix, les carrés, c'est la Playstation pour ne pas la citer. Il y a tout un tas de truc qui font que cette série est visuellement très accorcheuse. Originale ? pas spécialement. Accrocheuse ? très certainement. C'est une série qui répond à beaucoup de codes : il y a un côté Polar, un côté drame familial. En fait c'est un gros gloubli boulga de pleins de choses qui peuvent plaire à plein de publics. 

Squid Game costme
La série coréenne Squid Game s'appuie sur des codes visuels très identifiables. Lors de la Comic Con de New York du 7 au 10 octobre, des participants étaient déguisés comme les personnages de la série. 
Charles Sykes / AP

Mais je ne pense pas qu'elle ait été conçue pour être un tel carton. Je trouve assez douteux de vendre les costumes des prisonniers et des gardes : il y a une esthétique concentrationnelle qui me met mal à l'aise. Dans la série on est mal à l'aise, car elle est censée le faire. Qu'on en fasse un produit de divertissement qui sort du propos de la série, la signification première, qui est critique, est perdue. Je trouve que porter un jogging numéroté porté par des gens qui sont dans une sorte de camp de la mort comme costume d'Halloween, ça met un peu mal à l'aise. 

TV5 MONDE : Est-ce qu'un tel succès pourrait être envisageable pour une série produite dans un pays d'Afrique ? 

Pierre Langlais : Il y a quelque chose d'un peu différent dans Squid Game qui a peut-être participé à son succès. Les gens aiment bien voir quelque chose qui n'est pas sur la même tonalité que les séries occidentales, qui ne joue pas sur les mêmes codes sociétaux et sur les mêmes émotions qu'une production européenne ou anglo-saxonne. Par ailleurs, les séries coréennes rencontrent un certain succès actuellement. 


Il n'y a pas beaucoup de productions Netflix dans des pays d'Afrique et elles n'ont pas encore de retentissement international comme Squid Game a pu avoir. Je n'ai pas d'explication concrète pour l'instant. Je sais juste que la K-drama (terme souvent utilisé pour désigner les séries télévisées coréennes, ndlr) a une réputation et un public. En Europe et dans les pays anglo-saxons, la série africaine n'est pas définie comme la K-drama peut l'être.