Fil d'Ariane
Le mécontentement populaire a finalement explosé le 9 juillet lorsque des centaines de manifestants ont pris d'assaut la résidence du président qui s'est enfui précipitamment pour se réfugier dans une base de la marine, avant de partir pour Singapour via les Maldives et de démissionner, disant craidre pour sa vie.
Gotabaya Rajapaksa est surnommé "Terminator" pour avoir écrasé la rébellion tamoule alors qu'il était ministre de la Défense, sous la présidence de son frère aîné Mahinda Rajapaksa (2005 - 2015). Les deux hommes sont désormais accusés de crimes de guerre par plusieurs associations de défense des droits humains. 40 000 civils tamouls auraient ainsi péri dans les derniers mois du conflit. Selon l'ONU, les 37 années de guerre civile, entre 1972 et 2009, ont fait jusqu'à 100 000 morts.
Le clan Rajapaksa était donc apprécié par la majorité bouddhiste et honni par les minorités tamoule et musulmane. Le pays divisé a toutefois fini par s'unir contre le président quand l'inflation a dépassé les 50%, étranglant la population, avec environ quatre habitants sur cinq obligés de sauter au moins un repas par jour.
La Constitution sri-lankaise prévoit que le Premier ministre assure l'intérim de la présidence jusqu'à ce qu'un nouveau chef de l'Etat soit désigné, dans un délai d'un mois. Ranil Wickremesinghe, 73 ans, assure cet intérim depuis la démission formelle de Gotabaya Rajapaksa le 14 juillet dernier. Les 225 membres du Parlement doivent ensuite se réunir ce mercredi 20 juillet pour désigner un nouveau président qui poursuivra le mandat du président démissionnaire jusqu'en novembre 2024.
Le président par intérim Ranil Wickremesinghe, un pro-occidental qui a été six fois Premier ministre, est le grand favori. Il s'est assuré le soutien du SLPP (Front du peuple du Sri Lanka), le parti du clan Rajapaksa, qui dispose d'une majorité relative d'une centaine de sièges au Parlement.
Selon l'analyste politique Kusal Perera, interrogé par l'AFP, Ranil Wickremesinghe "a regagné l'approbation des classes moyennes urbaines en rétablissant certains approvisionnements, du gaz notamment. Il a déjà fait le ménage dans les bâtiments du gouvernement, montrant ainsi sa fermeté". Néanmoins, des milliers d'étudiants ont manifesté mardi 19 juillet leur opposition à ce cacique considéré comme un allié et un protecteur du clan Rajapaksa, qui domine la politique du pays depuis des années.
Rien n'est toutefois joué, le vote des députés étant secret. Dans le passé, certains ont été accusés d'avoir monnayé leur voix. Pendant une crise constitutionnelle en octobre 2018, plusieurs députés avaient ainsi affirmé s'être vus offrir 3,5 millions de dollars et des appartements à l'étranger en échange de leurs votes.
Un autre candidat de poids est l'ancien ministre des Médias, Dullas Alahapperuma, 63 ans, dissident du parti au pouvoir. Le principal dirigeant d'opposition, Sajith Premadasa, a d'ores et déjà annoncé qu'il renonçait à sa candidature à son profit.
Le troisième candidat est Anura Dissanayake, chef du JVP (Front de libération du peuple), un parti de gauche qui dispose de trois sièges seulement au Parlement.
Tous les partis politiques du pays soutiennent les négociations en cours avec le Fonds monétaire international (FMI) en vue d'un plan de sauvetage. Le Sri Lanka, dont l'économie s'est complètement effondrée, s'est déclaré mi-avril en défaut de paiement de sa dette extérieure de 51 milliards de dollars, près de 60% du PIB.
Le FMI a espéré la semaine dernière que la crise au Sri Lanka serait rapidement résolue afin que les négociations, interrompues par les événements, puissent reprendre. Mais l'adoption d'un plan de sauvetage risque d'être compliquée par les divisions au Parlement, où aucun parti ne dispose d'une majorité claire.
Voir aussi : Sri Lanka : quelles suites après la chute du président ?