Grâce à une enquête commune de plusieurs médias suisses dévoilant des documents qualifiés "secrets", l'entreprise d'industrie chimique reconnaît, pour la première fois, l'intoxication au mercure d'au moins 250 employés de l'usine de Lonza, à Viège (Etat du Valais), entre 1920 et 1940.
Lonza définitivement empêtrée dans un scandale sanitaire et envirionnemental. L'entreprise suisse de chimie et de biotechnologie a reconnu, samedi 24 février, qu'au moins 250 salariés, de son usine située à Viège (Etat du Valais), ont été contaminés par la pollution au mercure du fait de ses activités industrielles avant 1950.
Partage d'informations entre les médias suisses
Ce sont les révélations de la chaîne de télévision suisse RTS et des quotidiens Le Temps, le Nouvelliste et le Walliser Bote (Valais Libre) qui ont fini par faire plier le géant suisse. L'enquête commune des médias suisses a en effet permis d'affirmer qu'un grand nombre d'employés avaient souffert d'une intoxication au mercure entre 1920 et 1940.
Suite à ces révélations, Lonza a engagé un historien pour mener des recherches, lequel a conclu à un total d' au moins 250 cas d'empoisonnement au mercure. L'entreprise a toutefois précisé que sa direction avait, à l'époque, pris des dispositions sur le plan sanitaire : lavage des vêtements, analyses d'urine, contrôle médical régulier et des mesures pour réduire le contact avec le mercure. La firme ajoute qu'une prise en charge des frais médicaux étaient également enclenchées, toutes les fois, où la pathologie des employées étaient qualifées de maladie professionnelle.
Lonza et le Canton de Valais au courant
Or, selon
la RTS,
Lonza et le canton de Valais
avaient connaissance depuis 40 ans de l'ampleur de la pollution au mercure dans la région.
D'après
un rapport historique, rendu public à la fin 2017, et
de nombreux documents qualifiés "secrets",
"plusieurs analyses des sédiments du Grossgrundkanal et du Rhône, effectuées au début des années 1970", ont démontré la contamination au mercure de ces cours d'eaux.
Le minimum qu'on puisse demander (...) ce sont des indemnisations pour ces familles de victimes, comme on l'a fait pour l'amiante ou pour d'autres produits toxiques.
Thierry Largey, chef du groupe Les Verts au Grand Conseil
A cela, il faut ajouter une étude du chef du Service cantonal valaisan de la protection de l'environnement de l'époque qui faisait état "
d'une teneur en mercure 1200 fois supérieure à la teneur naturelle" décelée
"dans le canal en novembre 1980".
Lonza rejetait ensuite ses eaux polluées dans un canal conformément à la réglementation de l'époque mais le mercure s'est accumulé dans les couches sédimentaires et dans la boue, utilisée par les habitants comme fertilisant pour leur culture.
Si la contamination du canal était connue depuis les années 70, il a fallu attendre 2011 pour que la pollution du sol soit démontrée. Des travaux d'assainissement n'ont été engagés qu'à la fin 2017 pour un coût total de 51 millions de francs suisses, (soit 55 millions de dollars). Lonza prendra en charge 47, 5 millions.
Autre révélation : des dizaines de cas d'intoxications mercurielles avaient été signalées auprès de la firme avant 1950.
Un médecin en première ligne
Un médecin généraliste Paul Burgener est considéré comme le premier médecin suisse à avoir tiré la sonnette d'alarme sur ce désastre sanitaire, rapporte le quotidien suisse
Le Temps. Décédé an 1951, il avait tout au long de sa vie lutter pour faire reconnaître cette maladie professionnelle provoquée par la contamination au mercure. Les victimes souffrant de divers symptômes allant des bronchites chroniques aux œdèmes pulmonaires ou cérébraux, en passant par la dilatation cardiaque, la perte d’appétit, les insomnies, la fatigue physique et psychique.
Pas d'indeminsation pour les victimes
"Le minimum que l'on puisse demander à l'Etat, ce sont des excuses auprès de ces familles pour n'avoir pas pris de mesures dès qu'il a été mis au courant des effets du mercure. Ensuite, il pourrait y avoir des indemnisations pour ces familles de victimes, comme on l'a fait pour l'amiante ou pour d'autres produits toxiques", a réclamé Thierry Largey, chef du groupe Les Verts au Grand Conseil. Mais pour l'heure l'Etat du Valais n'envisage aucune indemnisation.
Lonza Group en quelques dates1897 : l'entreprise Lonza est fondée à Gampel en Valais
1909 : installation à Viège
1999 : naissance de Lonza Group et entrée en bourse
2014 : révélations accusant Lonza group de pollution au mercure sur des parcelles le long du Grossgrundkanal
Novembre 2017 : le tribunal cantonal valaisan estime que le rapport d’investigation historique de la pollution au mercure doit être rendu public, allant à l'encontre du gouvernement valaisan et de son service de l’environnement.
En chiffres 2017 : Lonza group affiche
un chiffre d'affaire de 5,1 milliards de francs suisses
2015 : Les effectifs s'élevaient à un peu moins de 10 000 salariés.