Grâce à leurs réserves de crédits fiscaux, les deux plus grandes banques suisses ne paient plus d'impôts depuis cinq ans épingle le journal suisse Le Matin Dimanche, précisant qu'un député entend demander des explications au Parlement.
"Paradoxe: UBS est parvenue à faire gonfler ses gigantesques réserves de crédit d'impôts en 2013, alors qu'elle engrangeait pourtant des profits", fait valoir le journal qui remarque, cinglant : “Une constatation qui télescope une actualité cuisante puisque les finances de la ville de Zurich, siège d’UBS et Credit Suisse, plongent dans le rouge. Sûr qu’elles se porteraient mieux avec les 400 millions de francs annuels d’impôts sur le revenu qu’auraient dû verser les deux banques. Plus étonnant: les réductions fiscales ont permis à UBS d’augmenter les bonus de ses cadres. » L'affaire n'est pas anodine. UBS, forte d'une présence dans plus de 50 pays, est considéré comme la plus grande banque de gestion de fortune en Europe et le Crédit Suisse, qui revendique plus de 46000 collaborateurs dans le monde, est le deuxième prestataire du marché suisse par son importance. Le Matin Dimanche met en cause "la haute alchimie comptable, une discipline où les grandes banques règnent en maîtres" concernant les calculs des crédits d'impôts.
Luc Recordon, un député Vert, va procéder prochainement à une intervention parlementaire pour demander des "explications précises sur ces mécanismes comptables", selon le Journal. Contactées par l'AFP, UBS et Credit Suisse n'ont pas pu être jointes pour commenter l'article du Matin Dimanche. La question de la fiscalité des grandes entreprises, qui engrangent de vastes bénéfices sans toutefois apporter leur écot aux finances publiques, suscite un agacement grandissant en Suisse. En 2008, la Confédération helvétique avait été obligée de voler au secours de la banque UBS, mise en difficulté par la crise des "subprimes" sur le marché hypothécaire américain. Un fonds destiné à regrouper ses actifs toxiques, confié à la banque centrale helvétique, avait alors été mis en place. L'an passé, UBS a cependant racheté ce fonds de sauvetage, générant un gain de 3,4 milliards de francs suisses (2,7 milliards d'euros) pour la Banque Nationale Suisse (BNS).
Billets suisses (photo AFP)
Ce n'est pas la première fois que ces deux banques majeures sont sous le feu de l'actualité. Le 26 février dernier, le directeur général de la banque Crédit Suisse, accusée par Washington d'avoir aidé pendant des années des milliers de clients à frauder le fisc aux États-Unis, avait rejeté la faute sur un petit groupe de salariés, lors d'une audition au Sénat américain. "L'équipe de direction de Crédit Suisse regrette très profondément que, malgré les mesures de conformité de plus haut niveau mises en place, nous ayons eu quelques banquiers de l'activité de banque privée basés en Suisse qui semblent avoir violé la loi américaine", déclarait alors le directeur général de la deuxième banque suisse, l'Américain Brady Dougan. "Ces personnes ont intentionnellement violé notre politique interne et l'ont dissimulé à la direction", avait-t-il déclaré, lors d'une audition de plus de trois heures, en ajoutant que la direction se devait toutefois d'assumer la responsabilité de ces actes. Quatre dirigeants du Crédit Suisse, dont Brady Dougan et les deux co-dirigeants de la division de la banque privée Hans-Ulrich Meister et Robert Shafir, faisaient face aux sénateurs d'une puissante commission d'enquête du Sénat, qui avait publié un rapport cinglant sur les pratiques secrètes du Credit Suisse pour attirer des clients américains. En 2008, les dirigeants d'UBS avaient reconnu au même endroit la faute de la banque. "La conclusion est que Credit Suisse était aussi impliqué qu'UBS, et a aidé et s'est rendu complice de fraude fiscale américaine, à la fois en Suisse et aux États-Unis", avait déclaré le président de la commission, le démocrate Carl Levin. Les sénateurs ont aussi dirigé leur colère contre le manque de coopération de la Suisse et la stratégie du gouvernement américain, accusé d'avoir levé le pied dans l'enquête contre Credit Suisse en privilégiant la voie diplomatique.