Suisse : mieux comprendre les votations

Ce dimanche, les citoyens suisses sont invités à voter sur trois points. Parmi eux, la loi sur l'achat de 22 avions du constructeur suédois Gripen et l'initiative sur les salaires minimums divisent les Suisses. Que proposent-elles ? Quels sont les enjeux ? Explications.  
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Suisse : mieux comprendre les votations
Les Suisses sont appelés à voter ce dimanche 18 mai © AFP
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Qui vote ? Lors des prochaines votations fédérales suisses du dimanche 18 mai 2014, tous les citoyens suisses ayant le droit de vote sont invités à déposer leur bulletin dans l'urne. Qui les convoque ? En Suisse, les citoyens participent énormément au pouvoir législatif. Ils peuvent initier des lois, demander leur révision mais aussi modifier la Constitution par le biais de deux droits civiques : l'initiative et le référendum. L'initiative : c'est lorsqu'un groupe de citoyens décide de faire inscrire un texte légal dans la Constitution suisse. L'initiative doit recueillir 100 000 signatures de citoyens pour être recevable. Une fois validée, elle est soumise à la population qui vote pour ou contre. « Les initiatives populaires sont le moteur de la démocratie directe car elles n’émanent, ni du Parlement, ni du gouvernement mais directement des citoyens » peut-on lire sur le site de la Confédération suisse.  Les autorités peuvent proposer un autre contre-projet à une initiative populaire dans l’espoir que le peuple marque sa préférence pour celui-ci. Le référendum : c'est le droit d'un ou plusieurs citoyens de demander une consultation du peuple sur une loi adoptée par le pouvoir législatif. Les citoyens à l'origine de la demande de référendum doivent réunir 50 000 signatures pour que celle-ci soit validée.
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Les votations suisses sont le moteur de la démocratie directe © AFP
Le 18 mai, que votent-ils ? Sur le site du Parlement suisse, il est possible de consulter la description des objets fédéraux qui seront voter le 18 mai. - Arrêté fédéral concernant les soins médicaux de base : le nouvel article constitutionnel charge la Confédération et les cantons de veiller à ce que chacun ait, dans toute la Suisse, rapidement accès à des soins médicaux de base de qualité. - Initiative populaire « Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants » : l’initiative exige que les personnes qui sont condamnées pour avoir porté atteinte à l’intégrité sexuelle d’un enfant ou d’une personne dépendante soient définitivement privées du droit d’exercer une activité professionnelle ou bénévole en contact avec des mineurs ou des personnes dépendantes. - Initiative populaire « Pour la protection de salaires équitables (Initiative sur les salaires minimums) » : l’initiative demande que la Confédération et les cantons encouragent l’inscription de salaires minimaux dans les conventions collectives de travail et qu’un salaire minimal légal de 4000 francs par mois (soit 3 300 euros par mois) soit introduit à l’échelon national. - Loi fédérale sur le fonds d’acquisition de l’avion de combat Gripen : 54 avions de combat obsolètes du type F-5 Tiger doivent être remplacés par 22 avions de combat modernes du type Gripen. L’acquisition doit être financée au moyen d’un fonds. Un référendum a été lancé contre ce projet de loi.

Le salaire minimum et l'achat des avions Gripen au coeur des discussions suisses

Analyse avec Michel Cerutti, journaliste à la Radio Télévision Suisse (RTS). Comment les Suisses appréhendent-ils ces nouvelles votations ? Je pense que cela n'a pas la même portée que les dernières votations du 9 février (vote en faveur de l'instauration de quotas d'immigrés qui avait fait polémique, ndlr). Concernant ces nouvelles votations, on a beaucoup parlé et elles ont suscité beaucoup de commentaires en Suisse. Il y a deux objets plus importants que les autres, celui sur le salaire minimum et celui sur l'achat des avions Gripen. Ce sont des objets qui mobilisent les Suisses. L'achat de 22 avions de combat pour un pays neutre comme la Suisse... Comment est-ce accueilli par les Suisses ? Neutre ne veut pas dire pas d'armée. Un des enjeux qui est compliqué à comprendre, y compris en Suisse, c'est qu'on peut être contre l'achat de ces avions de chasse, sans être contre l'armée suisse. Certains essaient de réduire le débat à cette dichotomie : si vous êtes pour l'armée suisse vous êtes pour l'achat des Gripen, si vous être contre, il faut pas le faire. Il y a un certain nombre de personnes qui ne sont pas opposées à une armée en Suisse mais qui le sont à l'achat de ces avions parce qu'ils pensent que ce n'est pas utile en ce moment, qu'il y en a déjà et qu'il n'y a pas besoin de les remplacer tout de suite. Ce sera intéressant de voir dimanche comment la votation se déroule. Pour l'instant les sondages sont très serrés. Les avis favorables ont remonté un petit peu. Une frange de la population est opposée à l'armée. D'ailleurs il y a un groupement qui s'appelle GSSA (Groupement pour une Suisse Sans Armée) qui a justement essayé d'être discret dans la campagne, afin qu'on en arrive pas à réduire la discussion à : pour ou contre l'armée ? Ce n'est pas ça le vrai débat.
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Les Suisses sont divisés sur l'achat des avions Gripen et le salaire minimum © AFP
D'après les derniers sondages, l'augmentation du salaire minimum déplairait à la majorité des Suisses, pourquoi ? A mon sens, les opposants au salaire à 4 000 francs ont des arguments recevables. En effet, si la Suisse apparait très unie en terme de coût de la vie, ce n'est pas le cas à l'intérieur du pays, il y a beaucoup de disparités, en fonction des régions. Et selon moi, il est acceptable de penser que ce n'est pas juste de tous gagner 4 000 francs puisqu'il n'y a pas les mêmes frais selon les régions. Par exemple, vous ne pouvez pas vivre avec 4 000 francs à Genève, c'est insuffisant. Maintenant, cette initiative concerne relativement peu de personnes en terme de pourcentage : 9% des travailleurs en Suisse. Cela veut dire aussi que 91% de la population touchent plus de 4 000 francs. Ceux qui refusent ce salaire minimum ont plusieurs arguments. Selon eux, augmenter tous les petits salaires à 4 000 francs, cela signifie qu'il y aura moins d'écart de salaire entre les moins qualifiés et ceux qui ont déjà un certain nombre d'années de travail. Les  gens ne sont pas insensibles à ça. Quant aux petits salaires (ceux qui dépassent tout juste le seuil des 4 000 francs, ndlr) ils se disent que leurs possibilités d'augmentation ou d'avancement salarial dans les prochaines années risquent d'être bloqués parce que la marge qu'on aurait pu leur accorder va être utilisée pour les plus petits salaires. Il y a un autre argument qui est mis en avant pas les opposants à ce salaire : finalement les gens ne vont plus se former puisqu'ils seront assurés de gagner 4 000 francs en allant sur le marché du travail. En Suisse, par exemple, l'apprentissage est très important. Les jeunes apprentis touchent un salaire minime (entre 600 et 800 euros). Ils  vont finir par se poser la question : est-ce nécessaire d'aller apprentissage alors que qu'en travaillant comme manoeuvre, je gagnerais 4 000 francs ? Enfin, l'argument le moins valable à mon sens est de dire que si les patrons doivent payer leurs employés 4 000 francs, ils devront délocaliser. Pourtant, les petits salaires sont vraiment locaux, comme l'hôtellerie ou les nettoyeurs. Ce sont des emplois que l'on ne peut pas délocaliser donc je n'y crois pas.

Premières tendances

Pour évaluer les premières tendances de vote concernant les différentes initiatives populaires, l’institut de recherche gfs.bern a effectué deux  sondages. Le premier est paru mi avril, le second début mai (1413 personnes ont été interrogées entre le 25 avril et le 3 mai, ndlr).  Le dernier en date traduit une évolution de l’opinion publique concernant l’achat des 22 jets de type Gripen. En effet, en trois semaines, le nombre de personnes pour l’achat des avions à gagné deux points. On est passé de 42% d’opinions favorables à 44%, tandis que le nombre d’opposants a reculé. En ce qui concerne le sondage sur le salaire minimum,  les résultats sont nettement moins positifs. En quelques semaines, l’initiative a perdu des sympathisants. Moins 10% d’opinions favorables en moins : on est passé de 40% à 30%. De leur côté, les opposants ont gagné presque 10% de voix en plus. Les deux autres initiatives partagent moins les suisses. Ils sont toujours nombreux à être d'accord sur l’initiative concernant les pédophiles. 59% des personnes interrogées sont en faveur du projet. Cependant, ils étaient 74% lors du premier sondage. Le projet sur la médecine de base, lui, réunit plus de 70% d’opinions favorables.