Fil d'Ariane
Les termes "suprémacistes blancs", "néonazis" ou encore "alt-right" sont utilisés régulièrement, parfois comme s'ils étaient interchangeables, pour qualifier les manifestants présents à Charlottesville le week-end dernier, lors d'un rassemblement de l'extrême droite qui a fait un mort et une vingtaine de blessés. Mais que signifient exactement tous ces termes et quelles sont les nuances ?
Suprémacisme blanc : idéologie qui remonte au XVIIe siècle et selon laquelle les personnes blanches sont supérieures aux autres ethnies, par nature. Cette croyance est appuyée par des pseudo théories scientifiques qui prétendent étudier les différences entre les "races". Le terme "suprémaciste" est importé de l'anglais et n'a fait son apparition dans le dictionnaire "Le Petit Robert" qu'en 2016.
Séparatisme blanc : idéologie dérivée du suprémacisme blanc selon laquelle les personnes blanches devraient "exister séparement de toute autre race". Les séparatistes blancs souhaiteraient créer un Etat blanc, ou éradiquer de leur société toutes les personnes qui ne sont pas blanches.
Nationalisme blanc : idéologie qui défend les intérêts des personnes blanches au sein d'une nation. Les nationalistes blancs croient en un pays construit "par et pour les personnes blanches". Ils ne souhaitent pas forcément une société entièrement constituée de personnes blanches, considérant que ce but n'est pas réaliste, mais souhaitent que "les Blancs dominent".
En réalité, la frontière entre ces trois notions reste mince. Pour David Johnson, auteur d'un rapport sur l'extrêmisme de droite et consultant en sécurité cité par CNN , le terme "nationaliste blanc" est utilisé par les extrémistes de droite pour avoir l'air "plus crédibles et patriotiques". "Mais ne vous méprenez pas, le nationalisme est un euphémisme", ajoute-t-il.
Ku Klux Klan : organisation fondée à l'issue de la Guerre de Sécession en 1865. Ses membres souhaitent réaffirmer la suprématie des personnes blanches sur les autres ethnies présentes aux Etats-Unis. Le KKK compte 42 antennes ou groupes affiliés aux Etats-Unis en 2017, soit un peu plus qu'en 2016 (on en dénombrait alors 37). Les Etats qui en comptent le plus sont le Mississippi et l'Alabama, deux Etats du Sud. Le KKK se définit plus comme un lobby qu'un parti politique. David Duke, un ancien leader de l'organisation a soutenu Donald Trump pendant la campagne présidentielle de 2016.
Néonazisme : idéologie qui reprend les idées d'Adolf Hitler et la théorie selon laquelle il existe une "race" aryenne supérieure. A Charlottesville, plusieurs slogans et chants néonazis ont été entonnés par les manifestants d'extrême droite. James Alex Fields, suspect de l'attaque à la voiture qui a fait un mort, a été pris en photo samedi dans les rues de Charlottesville, au milieu de membres de Vanguard America, un groupe suprémaciste issu de la scission d'une formation néonazie américaine. Sur la photo, il porte un bouclier avec l'insigne du groupe, ainsi que son uniforme : un polo blanc et un pantalon kaki. Il ne serait pas membre officiel du groupe, qui dit rassembler quelque 200 personnes à travers les Etats-Unis, mais admirerait les idées néonazies. La devise de Vanguard America "blood and soil" (le sang et le sol) vient d'un slogan nazi "Blut und Boden".
Néo-confédérés : partisans qui souhaitent le retour de la Confédération des Etats du Sud. Leur idéologie est nataliste et souhaite la fin de l'immigration. Les néo-confédérés souhaitent perpétuer les valeurs de la chrétienté, qu'ils jugent oubliées par les américains. Leur symbole : le drapeau confédéré.
Ce drapeau ainsi que les monuments à l'effigie du camp confédéré de la Sécession font débat aux Etats-Unis : pour leurs défenseurs, ils représentent un pan de l'histoire américaine et pour leurs détracteurs, ils sont des symboles racistes. Du Ku Klux Klan à Dylann Roof (le tueur de l'église de Charleston qui a tué 9 paroissiens noirs), l'étendard sudiste compte parmi les symboles qu'affectionnent les groupuscules d'extrême droite.
Plus de 900 groupuscules d'extrême droite, toutes tendances confondues, ont été recensés aux Etats-Unis par le Southern Poverty Law Center, une association américaine reconnue pour ses travaux de surveillance sur l'extrême droite
"Alt-right" : abrévation de "alternative right" (ou "droite alternative"). Il s'agit en réalité d'une mouvance d'extrême droite, qui regroupe des soutiens aux idéologies diverses mais toutes centrées sur l'identité blanche. Le terme a été utilisé pour la première fois par Richard Spencer, l'un des organisateurs de la manifestation de Charlottesville. Il décrit "l'alt-right" comme "une politique identitaire pour les personnes blanches". Contrairement à des skinheads ou membres du Ku Klux Klan, ses leaders n'appellent pas directement à la violence et sont souvent diplômés d'universités prestigieuses. Cette nébuleuse s'est développée après l'arrivée au pouvoir de Barack Obama et a été galvanisée par l'élection de Donald Trump.
L'utilisation du terme "alt-right" est très controversée aux Etats-Unis, ses détracteurs accusent ses membres d'être racistes et de vouloir se donner une image respectable. De nombreux médias lui préfèrent les termes de "nationalisme blanc" ou "extrême droite" précise le New York Times. L'agence Associated Press (AP) a quant à elle publié une note rédigée par son vice-président à la standardisation, John Daniszwewski. Ses journalistes sont priés d'éviter dans la mesure du possible l'utilisation de ce terme, considéré par l'agence comme un "outil de relations publiques" : "L'"alt-right" est un mot utilisé par des suprémacistes blancs et des nationalistes blancs pour se définir et définir leur idéologie, qui met l'accent sur la préservation et la protection de la "race" blanche aux Etats-Unis" définit John Daniszwewski.
Sur Twitter, certaines personnalités appellent ironiquement à renommer cette mouvance "Alt-Reich", en référence au Troisième Reich d'Adolf Hitler
Alt-Reich. https://t.co/nsroRDin6S
— Joyce Carol Oates (@JoyceCarolOates) 21 novembre 2016
L'"alt-right" diffuse ses messages avant tout sur Internet, notamment grâce à des sites internet comme Breitbart, où sont publiés régulièrement des contenus racistes. Après la fusillade raciste de Charleston en 2015, Breitbart a mis en ligne un article encourageant les Américains à arborer "fièrement" leurs drapeaux confédérés. Le site a été fondé par Stephen Bannon, aujourd'hui conseiller de Donald Trump.
"Alt-left" : Depuis que le président américain Donald Trump a opposé les partisans de l'alt-right à ceux de l'alt-left dans son discours du 15 août, le terme fait débat aux Etats-Unis et les observateurs se demandent à quoi ce terme correspond.
Le New York Times a interrogé Mark Pitcavage, analyste de l'anti-Defamation League à propos du terme "Alt-left". Selon lui, il ne sert qu'à créer une équivalence entre l'extrême droite et "et tout ce qui a l’air vaguement de gauche et qui ne plaît pas à celle-ci." "Il s’agit juste d’une expression créée de toutes pièces, un peu comme les gens qui qualifient les articles qui ne leur siéent pas de fake news", ajoute-t-il.