Sur les traces de Ben Laden à Abbottabad

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Sur les traces de Ben Laden à Abbottabad
Yassin, ancien voisin de Ben Laden. (photo : Pauline Garaude)
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C'est à Abbottabad, à deux heures de route de la capitale pakistanaise, qu'Oussama Ben Laden vivait avec sa famille et c'est là dans une résidence fortifiée qu'il a été tué dans la nuit du 1er au 2 mai 2011. Aujourd'hui, la ville est sous le choc et de nombreuses rumeurs circulent sur le compte de l'ancien chef d'Al-Qaïda.
Sur les traces de Ben Laden à Abbottabad
La maison où a été abattue Ben Laden. (photo : Pauline Garaude)
BEN LADEN ETAIT AU TROISIEME ETAGE C’est dans ce petit village de Bilal, en banlieue d’Abbotabad à 70 km au nord-est de la capitale Islamabad, que le chef d’Al-Qaïda, l’homme le plus recherché au monde, a été découvert par deux hommes, dont l’un était messager. C'est au dernier étage que les commandos américains tombent sur Oussama Ben Laden. Lorsqu'ils pénètrent dans sa chambre, sa femme tente de s'interposer. Contrairement à ce qu'affirmaient les Etats-Unis dans un premier temps, Ben Laden ne l'aurait pas utilisée comme bouclier humain. Elle a été blessée par une balle à la jambe. Selon des soldats, Ben Laden aurait refusé de se rendre immédiatement et aurait alors été abattu d'une balle en pleine tête. Selon certains médias américains, il est aussi atteint d'une balle à la poitrine. Selon des membres du commando, un fusil d'assaut AK-47 et un pistolet russe 9 mm se trouvaient dans la chambre de Ben Laden.
Sur les traces de Ben Laden à Abbottabad
La une du quotidien “Pakistan Today“. (photo : Pauline Garaude)
« DEAD » Tant qu’aucune preuve ne sera fournie, aucun pakistanais ne veut croire à la mort de Ben Laden. « Comment voulez vous qu’il ait été caché ici pendant autant d’années ! C’est impossible ! », entend-on partout. Avec ce même letimotiv : « Toute cette histoire a été montée de toute pièce. » Même certains experts réputés, et qui livrent au Pentagone des informations sensibles, doutent de la véracité des faits. Pour beaucoup, Ben Laden serait mort d’une mort naturelle (il était très malade) peu de temps avant l’opération et n’aurait pas été tué dans ce raid. PUS DE 500 VISITEURS PAR JOUR En famille, entre amis… du coin ou qu’ils aient fait des heures de voiture : tous affluent. Tous viennent voir de leurs propres yeux la dernière demeure de Ben Laden. « On prend des photos et on pourra les mettre sur Facebook », dit ce père de famille. Personne n’arrive à croire que c’est ici qu’était caché l’homme le plus recherché du monde. La maison attire chaque jour plus de 500 visiteurs. Pour éviter qu’elle ne devienne un lieu de pèlerinage ou attire des djihadistes, les autorités prévoient de la détruire, au plus vite une fois l’enquête finie. YASSIN, UN DES PLUS PROCHES VOISINS DE BEN LADEN
Yassin vit ici depuis 16 ans et a donc vu la maison se construire. « Quand ils ont érigé le mur, j’ai demandé pourquoi ils faisaient ça. Ils ont répondu que c’était dans leur culture pour préserver l’intimité de leurs femmes et de leur famille. Puis ils ont érigé des barbelés et je me suis dit qu’ils devaient être des hommes riches ou importants qui craignaient pour leur sécurité. » Il confirme que les seules personnes qu’il voyait sont deux hommes d’une trentaine d’années. Les deux proches de Ben Laden, connus sous le nom de Tareeq Khan et Arshad Khan, dont les pièces d’identité étaient fausses. « Ils ne se mélangeaient jamais aux gens du village, ce qui est étrange car ici, tout le monde se connait et se rend visite entre voisins. Ils n’invitaient personne. Il y a beaucoup de choses étranges mais de là à dire qu’ils abritaient Ben laden, j’ai du mal à le croire. » Sa femme ajoute que, parfois, elle a vu des femmes sortir en voiture. « Mais les vitres étaient teintées et les femmes entièrement voilées. Elles observaient strictement la purdah et restaient donc closes dans la maison »
Sur les traces de Ben Laden à Abbottabad
L'épicerie du village. (photo : Pauline Garaude)
LA BOUTIQUE DU VILLAGE Voici l’épicerie où avait l’habitude d’aller les deux hommes. Shaheed, les bras croisés devant a boutique, les a servis pendant 6 ans. « Ils étaient charmants mais parlaient peu. On les connaissait mais on ne savait pas comment ils s’appelaient. Ils venaient faire leurs courses comme tout le monde, presque tous les jours, parfois avec leurs enfants. Je n’ai jamais rien remarqué d’anormal dans leur attitude ou leur façon de s’habiller. Ils étaient très généreux et me laissaient souvent la monnaie. Ça se voyait qu’ils étaient riches, surtout ici où les gens sont pauvres. »
Sur les traces de Ben Laden à Abbottabad
A l'entrée de la mosquée. (photo : Pauline Garaude)
LA MOSQUEE DU VILLAGE Les gens qui viennent, ici, faire leur prière, disent ne jamais avoir vu les deux hommes. D’autres disent qu’ils venaient parfois. Une immense confusion règne ici, chacun donnant sa version des faits. Selon un voisin, les deux hommes, très riches, auraient donné une donation importante pour la construction d’une autre mosquée, construite en 2009.
Sur les traces de Ben Laden à Abbottabad
Des enfants devant l'école du village. (photo : Pauline Garaude)
L’ECOLE DU VILLAGE Il y aurait eu neuf enfants dans la maison, âgés de 2 à 12 ans. Selon les enfants du coin qui avaient l’habitude de jouer dans les champs, et donc, sous les fenêtres de Ben Laden, « ils ne sortaient quasiment jamais ou toujours en compagnie de leurs pères et n’allaient pas à l’école ». Sajjad, 7 ans, raconte qu’une fois, une balle de cricket est tombée dans la cour de la maison. « J’ai sonné et on ne m’a pas ouvert. Mais on a glissé un billet de 50 roupies sous la porte pour que je rachète une balle. Du coup, tous les enfants faisaient pareil », dit-il en riant. Vrai ou pas ? Difficile de savoir car les enfants ont peur de parler et « racontent n’importe quoi » me dit un journaliste local qui essaie lui aussi d’en savoir plus. En revanche, le responsable de cette école confirme qu’aucun des enfants n’était scolarisé. SECURITE La police a retiré mercredi le cordon de sécurité autour de la maison. Mais 25 policiers armés patrouillent en permanence autour du lieu. « C’est surtout la nuit, pour éviter que des gens escaladent le mur ». Le lieu est également considéré comme « très sensible » par l’armée. Les talibans qui ont promis vengeance, ou des djihadistes pro-Ben Laden pourraient viser la maison où se trouvent les enquêteurs et les services d’intelligence pakistanais et de la CIA. Ce vendredi matin, le lieu était fermé au public. Les autorités prévoient après l’enquête de détruire la maison. L’ACADEMIE MILITAIRE La Kakul Military Academy, à 1 km de la maison de Ben Laden, est la première institution militaire du pays. Et Abbottabad est l’une des principales villes garnison du Pakistan. « Comment se fait-il que l’armée et les services de renseignements (ISI) si nombreux ici, n’aient pas détecté en 6 ans la présence de Ben Laden sous leur nez ? » C’est la question que tout le monde soulève ici. Ou ils sont incompétents. Ou ils ont protégé Ben Laden. Depuis le 11 septembre, les Etats-Unis soupçonnent l’ISI d’être de mèche avec les réseaux islamistes et c’est pour ne pas faire échouer l’opération qu’ils n’ont pas averti les autorités pakistanaises du déclenchement de l’opération. L'armée pakistanaise a admis, jeudi 5 mai, des "insuffisances" dans la collecte de renseignements sur la localisation d'Oussama Ben Laden mais a menacé de revoir sa coopération avec Washington en cas de nouveau raid américain du type de celui qui a tué Oussama Ben Laden. La CIA disposait depuis des mois d'un refuge à Abbottabad, au Pakistan, proche de la résidence fortifiée dans laquelle Oussama Ben Laden a été tué, rapporte le Washington Post. Ce refuge servait de base d'opérations pour collecter des renseignements auprès d'informateurs pakistanais et repérer les habitudes des occupants de la maison et leur physionomie, ont indiqué des responsables au quotidien. « ON N'A JAMAIS SU CE QU'ILS FAISAIENT » Abassi, agriculteur, a participé à la construction de la maison en 2005. Il est pris en photo parmi cette foule de témoins mais n’a pas souhaité être identifié. « Ils étaient très généreux et nous payaient 200 roupies la journée, le double d’un salaire journalier normal. Ils étaient riches et avaient deux voitures luxueuses : une SUV rouge et une jeep Suzuki blanche. Les deux hommes disaient qu’ils avaient des hôtels à Dubaï, gérés par leur oncle qui leur envoyaient l’argent. Quand la maison a été finie, ils n’ont pas employé de servants et on n’a jamais su ce qu’ils faisaient. Ils n’invitaient personne et ne se mélangeaient pas ».
Sur les traces de Ben Laden à Abbottabad
Une foule de témoins à proximité de la résidence où a vécu Ben Laden. (photo : Pauline Garaude)
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