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Syrie : "Dans la Ghouta, les populations ne font que survivre"

La Ghouta est une banlieue de Damas, asphyxiée, depuis 2013, par un siège impitoyable imposé par le régime gouvernemental. Des dizaines de milliers de  personnes y souffrent de pénuries de nourriture et de médicaments. Comment subviennent-elles à leurs besoins les plus élémentaires ? Mohammed Alolaiwy, président fondateur de Syria Charity, est l'invité de notre journal.

Les Nations unies tirent une nouvelle fois une sonnette d'alarme en Syrie. La situation est particulièrement urgente dans la région rebelle de la Ghouta orientale, à quelques kilomètres à l'est de Damas. Dans ce qui, hier encore, était le grenier à blé de la capitable, la situation humanitaire, aujourd'hui, est épouvantable :

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Dans les hôpitaux, la situation est telle que l'ONU réclame l'évacuation de 400 malades, dont 29 en danger de mort, y compris 18 enfants, appelant à un "cessez-le feu" pour faciliter ces évacuations. Car même si la Ghouta est l'une des quatre zones de "désescalade" instaurées par les parrains internationaux des belligérants pour mettre fin aux combats, le secteur a connu ces derniers jours une recrudescence des bombardements du régime.

Système D dans les hôpitaux

Dans les hôpitaux des zones assiégées, on se débrouille avec les moyens du bord : chirurgies supervisées à l'étranger via Facebook, tubes respiratoires stérilisés plus d'une fois, fabrication de produits pharmaceutiques. "Nous, les médecins de la Ghouta orientale, suivons des procédures qui ne sont pas recommandables sur le plan médical", déplore Mohammad al-Omar, qui dirige le département de chirurgie à l'hôpital de Douma.

Outre la stérilisation multiple de "la plupart de leur équipement", les médecins doivent rationner les médicaments, prescrivant aux patients la moitié du dosage requis en temps normal ou fournissant des médicaments périmés. Les hôpitaux limitent les opérations chirurgicales aux interventions d'urgence, tandis que les chirurgiens encore présents dans la région opèrent en dehors de leur spécialité.

En octobre, Hossam Adnane et trois autres chirurgiens ont dû opérer un bébé souffrant d'une malformation de l'œsophage. Mais aucun des médecins présents n'était spécialisé en chirurgie pédiatrique. Un collègue à l'étranger les a donc guidés par vidéoconférence, via Facebook. "En temps normal, ce type de patient serait transféré à Damas. Mais à cause du siège, nous sommes obligés d'effectuer ces opérations ici", explique Hossam Adnane, 44 ans. Souffrant de malnutrition et en raison du manque de médicaments, le bébé dont Hossam Adnane avait sauvé la vie est décédé 48 heures plus tard.

Pharmacie artisanale

Dans un sous-sol, des employées de l'ONG médicale Al-Chifa versent une lotion blanche dans des bouteilles de verre, le visage couvert par des masques chirurgicaux. Face aux pénuries, le personnel médical de la Ghouta s'est attelé à la fabrication de produits pharmaceutiques : "Nous produisons du sérum physiologique pour nettoyer les plaies, parce qu'il est rare d'en trouver de bonne qualité", explique Ammar Abdo, un pharmacien d'Al-Chifa. "On fabrique aussi du produit anti-poux et d'autres crèmes pour des ulcères de la peau et la gale." L'ONG a même un métier à tisser électrique pour fabriquer sa propre gaze, mais ne peut produire qu'une quantité limité de bandages par jour.

La nourriture, c'est un budget mensuel de 50 euros par famille, là où le kilo de riz atteint 15 euros.
Mohammed Alolaiwy

La pénurie de nourriture 

Dans la Ghouta, le budget mensuel s'élève à 50 euros par famille, là où le kilo de riz atteint 15 euros. Alors que les mères, souvent malnutries, peinent à allaiter leurs enfants ou à leur fournir du lait infantile, on prépare des substituts à partir de riz, de blé et d'orge. Fin octobre, deux nourrissons sont décédés des suites de leur malnutrition, alors que plus d'un millier de cas de malnutrition infantile aiguë ont été recensés ces derniers mois, selon l'Unicef.

Dans une maison privée de meubles à Douma, Suzanne mélange de la poudre de riz avec un peu d'eau, faisant bouillirce qui sera le repas principal de sa petite fille de neuf mois. "Le riz ne suffira pas pour le mois (...) la plupart du temps, je lui donne juste du yaourt", déplore la jeune maman trentenaire

"Le terreau de l'extrémisme"

Mais pour Mohammed Alolaiwy et Syria Charity, la priorité, c'est aussi l'éducation pour toute une génération d'enfants orphelins qui a grandi avec la famine et les bombardements. Cette génération, privée d'éducation, est le terreau fertile de la propagation de toutes sortes d'idées extrémistes. 

► Aller sur le site de Syria Charity