La ville d'Idlib est située au nord-ouest de la Syrie et à une poignée de kilomètres de la frontière avec la Turquie. C'est le foyer d'une offensive russo-syrienne inédite dans cette région. L'ONU redoute l'une des pires catastrophes humanitaires du XXIe siècle dans cette ville, devenue en quelques semaines, l'épicentre d'un conflit aux contours géopolitiques complexes.
Un prélude à une offensive d'envergure, orchestré par la Russie et la Syrie. Pour la première fois depuis l'Aïd-El-Kébir, le 21 août dernier, l'aviation syrienne a repris ses attaques aériennes sur la ville d'Idlib, avec un appui logistique majeur de Moscou.
Pourquoi Idlib ?
La province d'Idlib est l'une des dernières poches de résistance face au président Al-Assad. Elle est contrôlée à 60% par une branche d'Al-Qaïda, HTS.
Damas a annoncé, sans ambages, son souhait d'
"en finir" avec
"le nid de terroristes" qu'héberge Idlib. Car le régime se dit engagé dans un "processus de paix", il souhaite même le retour des exilés syriens au pays.
Un conflit régionalisé
Une réunion est prévue à Téhéran ce vendredi 7 septembre entre la Russie, l'Iran et la Turquie, trois acteurs majeurs investis dans la reconquête d'Idlib, chacun avec des intérêts différents.
"Ces trois puissances détiennent la clef du conflit à Idlib, car elles ont déployé le plus de forces au sol", souligne Frédéric Pichon, professeur de géoplitique spécialiste du Moyen-Orient.
- La Turquie soutient une attaque ciblée sur les quartiers contrôlés par les rebelles. Elle a d'ailleurs inclus, vendredi 31 août, dans sa liste d'organisations terroristes le groupe HTS. Mais Ankara ne souhaite pas que cette offensive d'envergure ait lieu, craignant "une nouvelle vague migratoire", estime Frédéric Pichon. La Turquie, porte d'entrée des réfugiés syriens en Europe dans le passé, ne souhaite plus l'être. Tout comme elle "ne souhaite pas entrer en conflit" avec la Russie qui risque de ne pas faire la distinction, lors des prochains raids, entre djihadistes et populations civiles.
- La Russie est devenue l'un des principaux soutiens du régime syrien, pour montrer qu'elle est "une grande puissance", analyse Frédéric Pichon. Le pays lutte aussi activement contre les terroristes tchétchènes, nombreux à avoir rejoint la rébellion syrienne. Aussi, les liens entre la Russie avant la chute de l'URSS, et la Syrie sont anciens.
Beaucoup d'officiers syriens sont russophones.
Frédéric Pichon, géopolitique et spécialiste du Moyen-Orient
- L'Iran souhaite, pour sa part, "conforter sa présence en Syrie et laisser ses forces armées à long terme", indique M. Pichon. Une présence que veut éradiquer à tout prix Israël.
À lire aussi :Syrie : le nouveau terrain d'affrontement entre Israël et l'IranDeux réunions sont ainsi prévues vendredi 7 septembre : celle du Conseil de Sécurité de l'ONU, l'autre à Téhéran entre la Russie, l'Iran et la Turquie. Cette dernière devrait déterminer la suite des opérations à Idlib.
Dépossession de la souveraineté syrienne
Avec ces puissances étrangères qui investissent le territoire syrien, Bachar Al-Assad semble en partie dépossédé du conflit.
"C'est le prix à payer" pour son maintien au pouvoir, estime le géopolitologue Frédéric Pichon. L'alaouite Al-Assad aura résisté à plus de sept ans de guerre civile, au prix d'une dépendance à des puissances étrangères.
Américains et Européens, grands absents du conflit à Idlib ?
Les États-Unis ont indiqué qu'ils interviendraient seulement si Damas faisait usage des armes chimiques. La même mise en garde avait déjà été proférée dans le passé, sans aboutir à des représailles. Cette fois encore, ces menaces semblent davantage symboliques.
La France et les États-Unis pourraient ne pas prendre part à la reconstruction de la Syrie pour ne pas tomber dans le piège du régime syrien.
L'influence de la France en Syrie risque d'être nulle ces dix prochaines années.
Frédéric Pichon, géopolitique et spécialiste du Moyen-Orient
"La ruse suprême de Damas" consiste à faire passer l'offensive d'Idlib pour "une opération anti-terroriste", selon Frédéric Pichon qui estime "entre 15 000 et 20 000" le nombre de djihadistes à Idlib. Or, la ville compte au moins 2,5 millions d'habitants, et une attaque d'ampleur pourrait provoquer l'exode de 800 000 personnes, d'après les Nations Unies.
Conséquences humanitaires
Le Conseil de Sécurité des Nations Unies doit se réunir ce vendredi 7 septembre pour discuter de la situation à Idlib. De son côté, le président américain, Donald Trump, met en garde contre une éventuelle offensive sur cette ville :
Les Russes et les Iraniens commettraient une grave erreur humanitaire en prenant part à cette potentielle tragédie humaine. [...] Des centaines de milliers de personnes pourraient être tuées. Ne laissons pas cela se produire !
Donald Trump, président des États-Unis
L'ONU met aussi en garde contre un nouveau "bain de sang" en Syrie, où la guerre a fait au moins 350 000 en sept ans.
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