Fil d'Ariane
Depuis la chute du président syrien Bachar al-Assad, les autorités israéliennes ont pris des mesures pour renforcer leur présence militaire et civile dans le Golan, en partie conquis par Israël sur la Syrie lors de la guerre israélo-arabe de 1967, et annexé aux deux tiers en 1981. Le plateau du Golan est âprement disputé entre Tel-Aviv et Damas. Quelle est la portée stratégique de ce plateau ? Décryptage.
C'est une terre aride à la roche volcanique. Rien n'y pousse. On l'appelle la "vallée des larmes". C'est ici, au sud du plateau du Golan, sur quelques kilomètres carrés que s'est déroulée la plus grande bataille de chars depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.
Nous sommes le 6 octobre 1973, en plein Yom Kippour, jour sacré du calendrier religieux juif. Plus de 1400 chars syriens, soutenus par plus de 1000 pièces d'artillerie et par une couverture aérienne imposante, lancent un assaut frontal le long des 58 kilomètres de la frontière entre Israël et la Syrie sur le plateau du Golan. L'objectif ? Reprendre ce territoire perdu en 1967 lors de la guerre des Six Jours. L'armée israélienne est surprise.
La 7ème brigade blindée israélienne est entièrement détruite. Le plateau du Golan se trouve presque aux mains de l'armée syrienne le 7 octobre. Les chars syriens s'apprêtent à envahir la Galilée, le nord d'Israël. La situation est critique pour Tel-Aviv. Dans la soirée, la Première ministre israélienne Golda Meir, met en alerte les forces nucléaires israéliennes, selon les mémoires de l'ancien Secrétaire d'Etat américain, Henri Kissinger.
Image de chars israéliens passant devant un tank syrien détruit le 9 octobre 1973 sur le plateau du Golan.
Quelques heures plus tard, le 8 octobre 1973, les réservistes de l'armée israélienne arrivent sur le front. La mêlée est furieuse entre tanks israéliens et syriens. L'armée syrienne perd en quelques heures un peu plus de 800 tanks dans la "vallée des larmes". Les Israéliens, eux, déplorent la perte de plus de 200 chars. L'offensive syrienne est enrayée.
Tenir le plateau du Golan, c'est tenir une position hautement stratégique. Ce plateau montagneux basaltique commande la route de Damas. Ses hauteurs se situent seulement à 40 kilomètres de la capitale syrienne. Et dans la partie israélienne, le territoire surplombe la Galilée, le lac de Tibériade, la vallée du Jourdain, et le port d'Haïfa en Méditerranée. Le mont Hermon, qui domine le Golan, aux mains des Israéliens, culmine lui à 2800 mètres. La puissance qui occupe Golan a un avantage stratégique sur son adversaire.
La ville de Kuneitra en 1973 en ruines. La ville syrienne du Golan est à la frontière entre la Syrie et Israël.
Le Golan abrite d'importantes sources, en particulier celles de Banyas, qui alimentent le Jourdain. Le Hasbani prend sa source au Liban. Il traverse le Golan avant de se déverser dans le Jourdain, de même que la rivière Dan. Le nord du plateau est considéré comme l'un des châteaux d'eau de la région.
Au milieu des années 1960, la question de l'eau a été l'une des principales causes du contentieux israélo-syrien. Israël accuse alors la Syrie de détourner les sources du Golan qui alimentent le Jourdain. Le Golan était aux mains des Syriens jusqu'en 1967, date de la guerre des Six jours, moment où les Israéliens ont conquis et occupé le plateau syrien, Jérusalem-Est, la Cisjordanie, la bande de Gaza et le Sinaï égyptien.
En 1981, le gouvernement israélien de droite de Menahem Begin, annexe officiellement le plateau. La Syrie des Assad cependant (1971-2024) n'a jamais renoncé à récupérer ce territoire. La communauté internationale ne reconnaît pas cette annexion en vertu du droit international.
Dans les années 1990, des négociations de paix ont lieu entre Haffez el-Assad (président de la Syrie de 1971 à 2000) et les gouvernements travaillistes israéliens. Mais elles achoppent justement sur la souveraineté du Golan et la gestion de l'eau. La Syrie réclame la restitution totale du plateau jusqu'aux rives du lac de Tibériade, ce que Tel-Aviv refuse.
La ligne de cessez-le-feu de 1973 était considérée comme relativement calme jusqu'à la guerre civile en Syrie en 2011. Les tensions ont notamment été ravivées quand le Hezbollah libanais et la République islamique d'Iran, deux grands ennemis d'Israël, se sont rapprochés du clan Assad.
Voir : Syrie : Israël bombarde des cibles militaires
La population du Golan annexé par Israël compte encore de nombreux Syriens. La production de pommes est ainsi une importante source de revenus pour les agriculteurs syriens sur ces étendues caillouteuses. Ils sont majoritairement druzes et se revendiquent Syriens. Ils sont environ 23 000 à vivre dans 34 localités. Les colons israéliens présents sur le plateau sont un peu plus de 30 000.
Ce dernier chiffre pourrait augmenter sensiblement. Le gouvernement israélien a approuvé ce dimanche 15 décembre un projet visant à doubler la population dans la partie du Golan syrien annexée par Israël. Une enveloppe de 40 millions de dollars a été débloquée pour favoriser les projets de colonisation.
Des druzes syriens manifestent dans le village de Madjal Chams occupé par l'armée israélienne ce 17 avril 2023 pour réclamer la restitution du Golan à la Syrie.
Quelques heures après la chute, le 8 décembre, du président syrien, Bachar al-Assad, chassé du pouvoir par les rebelles, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, avait ordonné à l'armée de s'emparer de cette zone tampon contrôlée par l'ONU séparant les deux pays sur le plateau du Golan.
Les autorités israéliennes affirment n'avoir aucun intérêt à entrer en conflit avec la Syrie.
Le plateau du Golan en quelques dates
1943 : indépendance de la Syrie. Le plateau du Golan fait partie de la Syrie.
1967 : guerre des Six Jours. Israël conquiert le plateau du Golan
1973 : guerre de Yom Kippour, violents combats entre l'armée syrienne et les forces israéliennes
1981 : annexion du Golan occupé par Israël
2011 : début de la guerre civile en Syrie
Décembre 2024 : chute de Bachar el-Assad. Israël s'empare de la zone tampon du Golan contrôlée par l'ONU.