Ce phénomène n'est-il pas dû à l'afflux d'informations disponibles grâce aux nouveaux moyens de communication du type Internet ?
A moins que ce ne soit l'inverse ! L'idée de poster, de participer, de contribuer est la conséquence du fait que cela a de plus en plus de sens. Plutôt que d'écouter les dépositaires de la parole publique, les chefs ou les experts, on préfère lire un blog, des tweets, des pages Facebook. A un moment, on a eu envie de questionner des gens qui nous ressemblent, plutôt que des gens éloignés de nous parce que sacralisés - et à ce moment-là, le 2.0 a pu commencer à exister. Bien sûr, il faut du Web pour développer les blogs, les forums et tout ce qui fait que, le matin, vous commencez par regarder vos tweets, vos flux RSS au lieu de lire un journal papier, mais cette tendance à décrédibiliser la parole publique est bien antérieure au Web social, qui n'a qu'une dizaine d'années.
Que cherche-t-on, si on ne cherche plus la parole des experts ?
Ce que l'on cherche aujourd'hui, c'est la confiance. La parole de quelqu'un qui nous ressemble a plus de force que celle de quelqu’un d’éloigné, même s'il est supposé être plus intelligent que nous. L'opposition à la guerre en Syrie rapproche les extrêmes ; on le voit avec des hashtags (#) comme nowarwithsyria, par exemple, où le rapprochement est fait entre l'argument de Bush sur les armes de destruction massive en Irak et celui d'Obama sur les armes chimiques en Syrie.
Avec ce phénomène, les élus paient pour leur langue de bois. Ils doivent faire leur mea culpa. C'est tout un système social qu'il faut reconstituer et il cela prendra des années. On a peut-être l'impression d'un blocage, aujourd’hui, mais d'autres choses se mettent en place avec le système horizontal, le Web, je veux dire de nouveaux modèles de prises de décision économiques, entrepreneuriales, de participation démocratique. Nous vivons une période passionnante. Notre système pyramidal, avec un chef en haut et des gens d’en-bas, est en train de s'inverser, mais la conséquence dramatique de tout cela, c'est que nous sommes aujourd'hui dans un système politique, social, économique qui privilégie la sincérité à la réalité. Aujourd'hui, on préfère une information qui nous paraît sincère à une information scientifiquement ou économiquement juste. Résultat, la rumeur prévaut.