Les négociations de paix sur la Syrie reprennent ce mercredi à Genève, au moment ou sur le terrain le régime organise des élections législatives dans les régions qu'il contrôle, sur fond de violations de la trêve.
Ce nouveau cycle de pourparlers intersyriens devrait durer une dizaine de jours. Il intervient trois semaines après un premier round n'ayant pas permis d'avancée majeure.
"La prochaine phase des pourparlers de Genève (est) cruciale" car "elle se concentrera sur la transition politique, la gouvernance et les principes constitutionnels", avait averti lundi à Damas le médiateur de l'ONU en Syrie Staffan de Mistura.
Le fossé reste énorme entre régime et opposition sur la question de la transition politique car l'opposition réclame la création d'un corps exécutif doté de tous les pouvoirs mais dont serait exclu le président Assad. Le régime exige quant à lui un gouvernement élargi à des membres de l'opposition et sous la présidence d'Assad.
Elections contestées
Cette reprise des pourparlers coïncide avec les élections législatives que le régime de Bachar al-Assad organise mercredi dans les zones qu'il contrôle, soit un tiers du territoire où vit environ 60%. Il s'agit du second scrutin depuis le début de la guerre en 2011, qui est dénoncé comme "illégitime" par l'opposition et par les pays occidentaux.
Le président Assad a voté en compagnie de son épouse dans un bureau installé à la Bibliothèque nationale.
"Nous avons rempli notre devoir national et maintenant c'est aux élus de tenir leurs promesses", explique Samer Issa, un chauffeur de 58 ans, après avoir déposé son bulletin dans le bureau de vote du gouvernorat de Damas. Mayssoun, serveuse de 45 ans, elle, a décidé de ne pas voter car
"la plupart des candidats sont des richards, vivant à l'étranger et qui nous servent des balivernes".
A Palmyre, d'où l'armée a chassé les jihadistes de l'EI le 27 mars, huit bureaux de vote ont été installés, dont un à l'entrée du musée archéologique dévasté. Des habitants sont revenus pour l'occasion et pour visiter leur maison.
"Je n'ai pas eu peur de venir aujourd'hui pour voter", a affirmé l'un d'entre eux à un photographe de l'AFP.
"Il s'agit d'une farce. Je ne crois pas à ces élections Un habitant d'Alep
A Alep, la deuxième ville du pays, le scrutin se tient seulement dans les quartiers contrôlés par le régime. Dans la partie rebelle, les habitants affichent leur hostilité.
"Il s'agit d'une farce. Je ne crois pas à ces élections. Il (Assad) veut juste montrer qu'il possède un Etat, un peuple et un régime solide", renchérit Mohamed Zobeidiyyé, un mécanicien.
Sans surprise, les résultats, attendus dans les prochains jours, devraient être semblables à ceux des législatives de mai 2012, selon les experts. Le parti Baas, qui dirige le pays d'une main de fer depuis plus d'un demi-siècle, avait alors obtenu la majorité des sièges même si plusieurs autres formations avaient été autorisées à y participer.
Le scrutin est également dénoncé par les opposants de l'extérieur et de l'intérieur, ainsi que par les pays occidentaux. L'ONU plaide de son côté pour la tenue d'élections générales courant 2017.
Cependant, pour le chef de la diplomatie russe Sergey Lavrov,
"ces élections assurent le fonctionnement des institutions étatiques, mis en place par la Constitution actuelle de ce pays". "Elles ont pour rôle de ne pas laisser vide la sphère" du pouvoir syrien, a-t-il dit mercredi à Moscou.
Quant aux Kurdes, ils ont affirmé ne pas se sentir "concernés" par ces législatives dans les zones qu'ils contrôlent dans le nord-est.
Trêve fragilisée
Cette élection se tient après plusieurs semaines de calme relatif lié au cessez-le-feu conclu sous les auspices des Américains et des Russes. Le régime, les jihadistes et les rebelles se préparant pour une bataille décisive dans la province septentrionale d'Alep.
Washington, Paris mais aussi Téhéran se sont dit inquiets d'un récent regain de violences et d'une possible violation du cessez-le-feu instauré par les Américains et les Russes et qui tenait globalement depuis le 27 février.
Le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, a fait état d'"une recrudescence notable des opérations militaires, notamment dans la province d'Alep, par rapport au mois de mars".
Comme le groupe ultraradical Etat islamique (EI), le Front Al-Nosra est exclu de l'accord de cessation des hostilités. Mais il combat aux côtés de groupes rebelles qui sont concernés par la trêve.
Les quartiers rebelles de la métropole elle-même ont été bombardés par les avions du régime lundi, alors que depuis la cessation des hostilités, le nombre de raids de l'armée de l'aire syrienne avait nettement diminué.