Fil d'Ariane
Qu'ils soient morts ou prisonniers, aucune image d'eux n'a circulé pour l'instant. "Certains se sont rendus, d'autres sont morts", assure Talal Sello, porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS). D'autres auraient fui. Difficile de savoir exactement ce qu'il se passe avec ces combattants.
Certains pourraient vouloir revenir dans leurs pays d'origine ou partir ailleurs comme l'expliquait Arnaud Danjean, spécialiste des questions de défense et député européen, sur France Inter le 18 octobre : " Les djihadistes étrangers vont essayer de revenir sur le territoire européen parce que 5000 à 8000 en sont issus, selon les statistiques. Mais certains vont aller ailleurs ". C'est-à-dire d’autres "théâtres du djihad" comme les Philippines, le Sahel mais aussi l’Afrique de l'Ouest.
Qu'en est-il des combattants étrangers qui restent sur place ? Quel sort leur est réservé une fois Raqqa tombée ?
Le conseil civil de Raqqa, créé par les FDS pour gérer la ville après la libération, indique de son côté qu'aucun combattant étranger n'est autorisé à quitter la ville.
Un autre porte-parole des forces arabo-kurdes affirme à nos confères du Monde : " Les 275 combattants de Daech qui se sont rendus aux FDS dimanche [15 octobre] seront jugés par la justice de la Syrie du Nord ".
Selon les FDS, ils seraient, en effet, entre 200 et 300 djihadistes étrangers à être restés à Raqqa jusqu'à la fin.
Dans une interview donnée par le ministre de l'Intérieur français Gérard Collomb à Reuters, le 29 septembre dernier, quelque 700 adultes et 500 mineurs français vivraient encore dans les zones djihadistes d'Irak et de Syrie. En tout, selon l'Elysée, ce sont 2 000 Français ou résidents en France qui seraient partis dans ces deux pays. Entre 200 et 300 d'entre eux auraient été tués.
S'ils sont détenus, ces combattants étrangers d'un groupe djihadiste peuvent-ils être considérés comme des prisonniers de guerre ? " Le statut traditionnel de prisonnier de guerre ne peut pas s’appliquer, explique Frédéric Joli, porte-parole du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) en France. Parce qu’ils n’appartiennent pas aux armées constituées des Etats belligérants."
Une fois qu'ils se rendent ou sont capturés, ils doivent être traités humainement (...).
Marco Sassòli, professeur à l'université de Genève.
Mais ces combattants sont quand même protégés au minimum par le droit international humanitaire. "Une fois qu'ils se rendent ou sont capturés, ils doivent être traités humainement comme personnes détenues en relation avec un conflit armé non international, conformément à l'article 3 commun aux Conventions de Genève", explique Marco Sassòli, professeur au département de droit international public et organisation internationale à l'université de Genève.
"D’autres textes s’appliquent aux civils qui peuvent s’appliquer à ces combattants, souligne Frédéric Joli. Cet article 3 commun aux Conventions de Genève leur assure des garanties judiciaires quand ils sont arrêtés."
C'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas être torturés, subir des traitements dégradants, une exécution extrajudiciaire et qu'ils ont droit à un procès équitable.
"L’article 3 a été écrit pour élargir la protection à tous les gens qui se trouvent dans des contextes de guerre qui ne sont plus des contextes de guerre traditionnelle afin que chaque être humain puisse bénéficier d’un minimum de protection", explique Frédéric Joli.
Quid de leur jugement dans ces circonstances ? Ils sont combattants d'un groupe djihadiste dans un pays étranger. "Rien en droit international humanitaire n'interdit de les poursuivre pour des actes terroristes ou pour appartenance à un groupe terroriste, souligne le professeur Marco Sassòli. Le DIH exige même que leurs crimes de guerre soient poursuivis."
La question est sensible en France notamment et les réponses peu précises. Le Premier ministre Edouard Philippe considère que ces combattants "ennemis" de la France " s’exposent aux malheurs de la guerre ". Cela signifie-t-il qu'ils risquent d'être tués ? Par qui ?
La ministre de la Défense Florence Parly s'est exprimée dans le ‘Grand rendez-vous’ sur Europe 1 à leur sujet, dimanche 15 octobre, avant que Raqqa ne soit libérée : "Il n’est pas impossible qu’un certain nombre de djhadistes cherchent à fuir. Pour la suite, ce sont les forces au sol, les forces syriennes, sauf cas particulier, qui seront en charge de ces combattants si ceux-ci restent vivants, ce que l’histoire ne dit pas encore."
A la question la France éliminera-t-elle ces combattants ? La ministre répond : "Nous sommes engagés aux côtés de nos alliés pour obtenir la destruction de Daech et nous faisons tout pour cela. (…) S’il y a des djihadistes qui périssent dans ces combats, je dirais que c’est tant mieux et s'ils tombent entre les mains des forces syriennes, alors ils dépendront de la juridiction des forces syriennes", déclare-t-elle.
La France ne semble pas encline à gérer ce "problème" djihadiste et on comprend qu'elle ne souhaite pas non plus les voir revenir sur son sol.