Cela fait désormais six jours que l’offensive turque a été lancée dans le nord de la Syrie. Malgré les condamnations internationales, le président turc Recep Tayyip Erdogan, a réaffirmé dimanche 13 octobre, sa volonté de poursuivre l’instauration d’une "zone de sécurité" à la frontière turco-syrienne. En réponse à cette incursion, les forces kurdes visées en appellent au régime de Bachar al-Assad.
La décision paraissait inévitable. Après avoir été lâchées par les États-Unis - qui ont annoncé le retrait d'environ 1 000 soldats des zones frontalières du nord de la Syrie, les forces kurdes ont conclu un accord avec Damas, dimanche 14 octobre, dans l'espoir de stopper l'avancée des forces d'Ankara dans la région.
"Nous savons que nous devons faire des compromis difficiles […]. Entre les compromis et le génocide de notre peuple, nous choisirons la vie" , a déclaré Mazloum Abdi, le haut commandant des Forces démocratiques syriennes (FDS).
Les forces kurdes n'ont eu d'autre choix que de demander un déploiement de l'armée de Bachar al-Assad près de la frontière avec la Turquie. Une alliance qui
"pourrait sauver la vie de millions de personnes", d'après
Mazloum Abdi
.L'offensive d'Ankara, lancée le 9 octobre, vise à instaurer une "zone de sécurité" de 32 km de profondeur pour séparer la frontière turque des territoires contrôlés par les Unités de protection du peuple (YPG). Cette milice kurde est qualifiée de "terroriste" par le pouvoir turc.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), les forces turques, et des supplétifs syriens, se sont emparés de quarante villages et auraient conquis
"toute la zone frontalière, de Tal Abyad jusqu'à l'ouest de Ras al-Aïn", une bande territoriale longue d'environ 120 kilomètres.
Depuis le début de l’offensive, 121 combattants des forces kurdes et plus de 60 civils ont été tués, d’après l’OSDH. L’ONU a, de son côté, annoncé que les violences avaient engendré le déplacement de plus de 130 000 personnes. La Turquie déplore la mort de 18 civils et de quatre soldats turcs sur le sol syrien.
Condamnation de l'Union européenne
Dimanche soir, le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel – en voyage à Paris - ont, une nouvelle fois, appelé la Turquie à cesser son offensive au
"risque de créer une situation humanitaire insoutenable et d’aider le groupe État islamique (EI)
à réémerger", a affirmé Emmanuel Macron. Le président français a ensuite annoncé que la France allait
"renforcer ses efforts diplomatiques" en vue de la
"cessation immédiate de l’offensive turque", des propos appuyés par Angela Merkel.
"On ne peut pas accepter cette situation contre les Kurdes", a-t-elle affirmé.
Lors de cette réunion, Paris et Berlin ont également annoncé la suspension des ventes d’armes à la Turquie pour éviter qu’elles ne soient utilisées contre les forces kurdes.
"Face à cette situation, nous resterons très coordonnés, comme nous l’avons été pour signifier aux Turcs la fin de toutes nos ventes d’armes, mais également sur les initiatives à prendre dans les prochaines heures et les prochains jours", a affirmé le président français.
Il a appelé la communauté européenne à le rejoindre pour mettre fin à
"ce moment, européen et international difficile et parfois inquiétant". Un appel auquel a repondu l'Italie - principal fournisseur d'armes à la Turquie - en réclamant un
"moratoire européen sur les ventes d’armes" au pays.
Josep Borrel, chef de la diplomatie espagnole, a également affirmé le soutien de son gouvernement sur
"la suspension des armes à la Turquie". Il a, par ailleurs, soulevé les difficulté de l'Union européenne à mettre en place des actions communes,
"nous n’avons pas de pouvoirs magiques, mais ce que nous pouvons faire, c’est mettre toute la pression possible pour mettre fin à cette action", a-t-il annoncé lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE à Luxembourg.
Ce lundi, l'Union européenne a condamné l'opération militaire menée par la Turquie,
"qui compromet gravement la sécurité de l'ensemble de la région". Les États membres ne sont, en revanche, pas parvenus à imposer un embargo sur les ventes d'armes à la Turquie en raison de l'opposition du Royaume-Uni, selon des sources diplomatiques.
Une porte ouverte pour les djihadistes ?
Dimanche, près de 800
« (proches) de membres de l’États islamique (EI) ont fui le camp d’Aïn Issa » selon les autorités kurdes. Au total, 12 000 combattants de l’EI syriens et irakiens et près de 3 000 étrangers seraient détenus dans les prisons kurdes.
Détentions qui pourraient être compromises par les attaques turques et qui inquiètent les forces occidentales. Dans un tweet, le président américain Donald Trump, demande à la Turquie et aux forces kurdes de ne pas
"les laisser s'échapper".
Ces derniers jours, les forces kurdes et les pays occidentaux ont par ailleurs mis en garde contre une résurgence de l'EI qui profiterait du chaos sécuritaire dans le nord de la Syrie.