Syrie : Moscou obtient l'appui de l'ONU

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Commentaire : Baptiste Charbonnel
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Alors que les Nations unies viennent de soutenir l'initiative de paix de la Russie et de la Turquie, la Syrie a vécu une deuxième journée de calme relatif malgré quelques violations du cessez-le-feu et l'attentat de deux kamikazes.
Dans la ville côtière de Tartous (ouest), contrôlée par le régime et à majorité Alaouite, la confession du président Bachar al-Assad, deux kamikazes qui tentaient de rejoindre les festivités du nouvel an ont fait exploser leur ceinture explosive à un barrage de sécurité, tuant deux membres des forces du régime, a rapporté l'observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Par ailleurs, deux enfants ont été tués samedi soir dans des tirs d'artillerie du régime visant des territoires rebelles près d'Alep, toujours selon l'OSDH. Soit quatre civils tués au total depuis le début de la trêve.

La trêve tenait cependant tant que bien que mal à travers le pays, alors que le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté à l'unanimité samedi une résolution appuyant le cessez-le-feu entré en vigueur depuis jeudi soir et censé être le prélude à des négociations de paix entre le régime syrien et l'opposition.
 

Consultations à huis clos

Cette résolution de compromis, qui n'a toutefois pas entériné les modalités de l'initiative de Moscou et d'Ankara, a été adoptée à l'issue de consultations à huis clos : elle souligne que le Conseil "accueille avec satisfaction et soutient les efforts de la Russie et de la Turquie pour mettre fin à la violence en Syrie et faire démarrer un processus politique" de règlement du conflit qui ravage le pays depuis près de six ans.

Mais le Conseil s'est contenté de "prendre note" de l'accord présenté par les Russes et les Turcs le 29 décembre, sans que les Américains y soient associés.

Le Conseil de sécurité a rappelé aussi la nécessité d'appliquer "toutes les résolutions pertinentes de l'ONU" sur la Syrie, citant notamment la résolution 2254 de décembre 2015 qui prévoyait, sous l'initiative de Washington, une feuille de route complète de sortie de crise.

C'est la première fois depuis le début de la guerre en mars 2011 que les Etats-Unis, soutien de l'opposition, ont été écartés d'une initiative de paix en Syrie. L'administration du président sortant Barack Obama l'a cependant qualifiée d'"évolution positive", trois semaines avant l'investiture de Donald Trump.
 

Poutine faiseur de paix

En revanche, c'est la première fois que la Turquie parraine un tel accord, grâce à son rapprochement avec la Russie de Vladimir Poutine, qui veut se poser en faiseur de paix après son intervention militaire au côté du régime syrien à l'automne 2015.

Le cessez-le-feu, entré en vigueur jeudi à 22h00 GMT sur l'ensemble de la Syrie et dont les groupes jihadistes Etat islamique (EI) et Fateh al-Cham sont exclus, doit permettre des négociations de paix prévues fin janvier à Astana, au Kazakhstan, sous l'égide de la Russie et de l'Iran, les parrains du président syrien Bachar al-Assad, et de la Turquie, qui soutient les rebelles.

Le Conseil de sécurité a cependant insisté sur le fait que ces pourparlers à Astana "sont une étape importante en prévision de la reprise de négociations (intersyriennes) sous les auspices de l'ONU le 8 février 2017".

De son côté, le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale en Iran, Ali Chamkhani, a prévenu que "toute négociation politique qui conduirait à l'affaiblissement du pouvoir du gouvernement (...) en Syrie ou à offrir une partie de la Syrie à des groupes terroristes ou à une occupation militaire étrangère (...) est vouée à l'échec".

La guerre en Syrie a fait plus de 310 000 morts et des millions de réfugiés depuis mars 2011. Rien que pour l'année 2016, près de 60 000 personnes ont été tuées, dont 13 617 civils, selon un bilan établi par l'OSDH.
 

Le "calme règne" en Syrie

Samedi, pour le deuxième jour du cessez-le-feu, "le calme régnait dans la plupart des régions syriennes", a en tout cas indiqué le directeur de l'OSDH. Globalement, seuls "quelques affrontements et des bombardements à l'artillerie du régime ont eu lieu dans la région de Wadi Barada, près de Damas, et dans la ville de Deraa (sud)", a précisé à l'AFP Rami Abdel Rahmane.

C'est dans la région de Wadi Barada que se trouve l'une des principales sources d'approvisionnement en eau potable pour les quatre millions d'habitants de la capitale et ses environs. Le régime a accusé les rebelles d'avoir "contaminé au diesel" un réseau d'eau, mais ces derniers ont pointé du doigt l'incurie du pouvoir.

Profitant de l'arrêt des hostilités, les enfants ont repris le chemin de l'école dans la province d'Idleb (nord-ouest), contrôlée par le groupe Fateh al-Cham (ex-branche d'Al-Qaïda), considéré comme "terroriste" par Washington et Moscou, et les organisations rebelles qui lui sont alliées.

Comme lors des précédentes trêves, qui ont toutes volé en éclats au bout de quelques jours, l'alliance des rebelles avec Fateh al-Cham rend très difficile une application du cessez-le-feu. Très affaiblis, les groupes rebelles ne pourront se distancier de leurs compagnons d'armes, une organisation mieux équipée qui reste un allié de poids dans la bataille contre les autorités syriennes.

Plusieurs groupes dits "modérés" ont d'ailleurs prévenu que le cessez-le-feu prendrait fin si "les violations du régime et ses bombardements se poursuivaient".