Fil d'Ariane
Le monde entier se souvient encore des images de destruction de statues au musée de Ninive, à Mossoul (au sud de l'Irak), par les islamistes de l’EI, en février dernier. La directrice de l'Unesco avait alors demandé une "réunion de crise" du Conseil de sécurité de l'ONU.
Moins de trois mois après, les djihadistes veulent désormais détruire les vestiges de la cité de Palmyre, vieille de 2 000 ans. « La destruction aveugle, sauvage, des cultures anciennes est devenue une caractéristique de leur comportement. Le saccage, le carnage, l’exécution des personnes, ne suffisent plus, il y a la volonté absurde d’éradiquer toute civilisation qui ne serait pas celle du Prophète », écrit Jean Levallois dans le quotidien La Presse de la Manche.
Situées dans le désert syrien, les ruines comportent des colonnades torsadées romaines, des temples, des tours funéraires, des sarcophages sculptés… La valeur historique de cette cité est inestimable. Son architecture unit les techniques gréco-romaines aux traditions locales et aux influences de la Perse, selon l’Unesco.
La ville de Palmyre est donc très importante en terme de propagande pour l’Etat islamique. Son importance culturelle attire l’attention du monde entier. Les islamistes « savent très bien que toute la communauté internationale ne va parler que de Palmyre pendant quelques jours. En termes de communication, c’est très important », assure sur Europe 1, Agnès Levallois, consultante spécialiste du Moyen-Orient. Pour Slimane Zeghidour, éditorialiste à TV5MONDE, si l'EI prenait Palmyre, cela aurait "galvanisé ses troupes et renforcé l'attrait que l'EI exerce sur ses admirateurs dans le monde entier".
Monique Raux, journaliste à l’Est Républicain, est persuadée que Palmyre est un « enjeu stratégique et symbolique ». Mais pas seulement. Les vestiges de cette cité antique représente également d'importants revenus à leurs voleurs. « Les antiques trophées pris dans la capitale de la Reine Zénobie ne sont pas perdus pour tout le monde. Le trafic qui en découle sert à financer le terrorisme ».
Palmyre permet de contrôler le désert syrien
« Palmyre est une ville qui permet de contrôler le désert syrien. C’est la porte vers l’Euphrate, vers Deir ez-Zor aujourd’hui, Europos Doura dans l’Antiquité, c’est le débouché de ce que l’on appelle la trouée de Homs », explique à la RTBF, Didier Vier, professeur d'archéologie à l'Université Libre de Bruxelles. « Quand on contrôle cela, on a évidemment toute la voie vers l’Orient, mais quand on vient de l’est, quand on vient d’Irak, c’est bien évidemment la voie vers Damas et vers la Méditerranée ».
La prise de Palmyre permettrait aux islamistes de l'Etat islamique de faire sauter deux verrous : "un qui mène vers Homs, un vers Damas, la troisième ville à l’Ouest qui commande l’accès au littoral méditerranéen", affirme l'éditorialiste Slimane Zeghidour. « De Palmyre, vous pouvez aussi aller vers la ville de Homs, verrou stratégique, qui permet d’aller ensuite vers la Syrie alaouite », explique Agnès Levallois, à Europe 1.
La prise de Palmyre achèverait également de rattacher au domaine irakien de l'Etat islamique, un pan stratégique important du territoire syrien.
Palmyre est un symbole du régime d'Hafez el-Assad, père de l'actuel président syrien, a rappelé sur I-télé, Romain Caillet chercheur et consultant sur les questions islamistes. Dans les années 80, des islamistes ont été massacrés par le régime à la prison de Palmyre. "Libérer la prison est un moyen d'infliger un revers aux occidentaux, mais aussi de s'attirer la sympathie dans les milieux rebelles syriens", assure le chercheur.
Le groupe Etat islamique s'est emparé, lundi 18 mai, de deux champs gaziers, Al-Hél et Arak, respectivement à 40 et 25 km au nord de Palmyre. Au moins cinq civils dont deux enfants ont été tués par des obus, selon une ONG. Ces champs étaient très importants pour le régime de Bachar al-Assad qui, privé de champs dans l'est de la Syrie sous contrôle de l'EI, utilisait ce gaz pour alimenter les régions en électricité.