Syrie : Razan Zaitouneh toujours disparue

Il y a une semaine, l’avocate Razan Zaitouneh, prix Sakharov 2011 pour la liberté de pensée, était enlevée en Syrie avec son mari et deux autres personnes. L’inquiétude est très vive au sein de la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH), tandis que le ministre français des Affaires étrangères avoue avoir "beaucoup de doutes" quant au succès de la conférence de paix internationale sur la Syrie prévue le 22 janvier 2014 en Suisse.
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Syrie : Razan Zaitouneh toujours disparue
Razan Zaitouneh, avocate militante des Droits de l'Homme
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Surtout, ne pas oublier Razan. Ne pas laisser d’autres actualités ensevelir son image. C’est désormais le combat des ONG, et plus particulièrement celui de la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH). Ce mardi 17 décembre, cela fait donc une semaine que l’avocate Razan Zaitouneh a été enlevée avec son mari, Waël Hamada, ainsi que deux autres personnes, Samira Al-Khali et Nazem Al-Hamadi. L’enlèvement a eu lieu à Douma, à l’est de Damas, une région sous le contrôle de la rébellion armée, mais assiégée par les troupes du régime. Aussitôt, l’alerte a été donnée par les Comités locaux de coordination, un groupe de l’opposition. Depuis, aucune nouvelle. Pas davantage de revendication.

Syrie : Razan Zaitouneh toujours disparue
Zahran Allouch
La Mandela de la Syrie

Sont présentes dans la région de Douma de multiples forces rebelles, dont des jihadistes du Front Al-Nosra et l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Quelques observateurs voient dans cet enlèvement la main de Zahran Allouch, un salafiste, à la tête de l’une des plus grandes milices de Syrie, avec ses quelque 20 000 hommes et ses 60 brigades.

Malgré les dangers, les gens sur place essaient d’organiser des recherches pour collecter des indices ou témoignages après ces 4 disparitions. Fadi Dayoub, un Franco-Syrien expatrié en France depuis 1991 insiste : “Malgré ces enlèvements, le travail que les quatre activistes effectuaient continue aujourd’hui. Si les ravisseurs pensent que l’action civile va s’arrêter, et bien ils se trompent. La révolution ne tient pas qu’à quelques personnes et nous continuons notre combat”. Dans un article du Monde, Jaber Zaien soulignait : “Razan est une véritable icône de la révolution, elle est l’une des dernières à porter la flamme originelle du soulèvement”.

Prix Sakharov pour la liberté de pensée en octobre 2011 (avec le dessinateur syrien Ali Ferzat), l’avocate et  militante syrienne Razan Zaitouneh a également reçu le prix Anna Politkovskaya pour la défense des Droits de l'Homme et le Prix Sakharov pour la liberté de pensée du Parlement européen.. Et Fadi Dayoub d’oser : “Razan est la Mandela de la Syrie !”

Dans son dernier témoignage enregistré en vidéo, l’avocate était apparue le visage fatigué, mais sa détermination semblait intacte. Elle appuyait : “Nous continuerons à amasser des documents sur les crimes du régime et à demander la libération de tous les prisonniers politiques(…)Il ne faut pas oublier que chaque prisonnier vit sous les menaces de torture et de mort. Plus de 4000 prisonniers ont été tués(…) Les conditions de la guerre permettent seulement de voir la face sombre de ce qu'il se passe. Mais il y a une face lumineuse et incroyable à tout cela. Ce sont les gens, les femmes et les hommes qui agissent en silence sur le terrain pour réaliser leurs rêves de liberté et de justice, améliorer le quotidien pour que rien - pas même nos plus de 100 000 morts ou le difficile siège ou la trahison de la communauté internationale - ne puisse jamais annihiler la volonté du peuple, qui a un rêve et une foi en l'avenir."

Syrie : Razan Zaitouneh toujours disparue
Mazen Darwish
Genève 2, échec annoncé ?

Reste une question. L’enlèvement de Razan Zaitouneh peut-il avoir un rapport avec les préparatifs qui ont lieu en ce moment pour réunir régime et opposition autour d'une même table en janvier lors d'une conférence de paix internationale ? Cette conférence, initiée par la Russie et les États-Unis, et qui doit se tenir à Montreux, sur le lac Léman, le 22 janvier prochain, semble déjà porter en elle les germes d’un échec annoncé. Samedi, Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, s'est déclaré "assez pessimiste" sur l'évolution de la situation en Syrie et a dit nourrir "beaucoup de doutes" sur les chances de succès des négociations prévues.

Marie Camberlin, responsable du bureau Maghreb et Moyen-Orient à la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH) déplore les prémices de cet échec : "Les  personnes qui pourraient contribuer de façon efficace à une reconstruction ou être impliquées dans une solution politique sont, pour nombre d’entre elles, soit disparues et enlevées comme Razan, soit en prison depuis des années, comme le défenseur des Droits de l’Homme Mazen Darwish. Nous sommes très inquiets de voir ces militants pacifiques écartés ou sous le feux des différentes parties."