Fil d'Ariane
Un message officiel d'alerte a été lancé par la présidence taïwanaise sur les téléphones de l'île après le lancement d'un satellite par la Chine. Cela intervient quatre jours avant une élection présidentielle cruciale à Taïwan.
Un téléphone et une montre ayant reçu une alerte de raid aérien sont placés ensemble pour une photo dans la ville de New Taipei, à Taiwan, le 9 janvier 2024.
"La Chine a lancé un satellite qui a survolé l'espace aérien du sud", dit en chinois l'alerte apparue automatiquement sur les écrans des téléphone taïwanais peu après 15H00 (07H00 GMT), appelant la population à "faire attention". Le message a d'abord semé la confusion car la traduction en anglais évoquait un "survol de missile dans l'espace aérien de Taïwan".
Interrogé lors d'une conférence de presse, le ministre des Affaires étrangères Joseph Wu s'est voulu plus rassurant, disant que le lancement du satellite pouvait entraîner la chute de "débris" sur l'île. "C'est pourquoi notre centre national d'alerte lance ce genre d'alerte, cela s'est déjà passé auparavant", assure-t-il.
"À plusieurs reprise, la Chine a fait voler ses satellites au-dessus de Taïwan et nous avons pu les détecter, et comprendre que ces fusées (assurant la mise en orbite du satellite, ndlr) volaient en fait très haut et qu'elles ne devraient pas causer de dégâts à Taïwan", ajoute le ministre. Dans un communiqué, le ministère de la Défense a "présenté ses excuses au public", évoquant une erreur de traduction à l'anglais.
Le lancement du satellite dédié à l'observation de l'espace a été annoncé, côté chinois, par la télévision d'État CCTV, qui a qualifié l'opération de "succès". Le satellite baptisé Einstein Probe (EP), qui utilise une nouvelle technologie de détection des rayons X, a été lancé à 15H03 (07H03 GMT) depuis le sud-ouest du pays, a précisé l'agence officielle Chine nouvelle.
En avril 2023, la Chine avait interdit pendant quelques heures toute navigation maritime dans une zone située au nord de Taïwan, en raison de la "possible chute de débris" liée au lancement d'un satellite. Mais elle avait lancé son alerte quelques jours avant la date prévue du lancement, et non le jour-même.
Le candidat favori de l'élection présidentielle, le vice-président sortant Lai-Ching-te, accuse Pékin de tenter d'influencer par "tous les moyens" le scrutin, dont le résultat sera crucial pour les relations entre l'île et la Chine. Pékin s'immisce dans "chaque élection à Taïwan", mais cette année ses manoeuvres sont "les plus fortes" jamais enregistrées, affirme Lai Ching-te, lors d'une conférence de presse.
"Outre l'intimidation politique et militaire, la Chine utilise des moyens économiques, la guerre cognitive, la désinformation, les menaces et les incitations", a assuré le candidat, dont le Parti démocrate progressiste (DPP) affirme que Taïwan est déjà un État indépendant de facto. "Elle utilise tous les moyens pour interférer dans cette élection", martèle-t-il.
Pékin déploie régulièrement sa force militaire en envoyant des avions de chasse, des drones de reconnaissance et des navires de guerre autour de l'île. Cette semaine quatre ballons chinois ont franchi la ligne médiane qui sépare l'île autonome de la Chine, selon le ministère taïwanais de la Défense, tandis que 10 avions et quatre navires de guerre ont aussi été détectés.
La Chine estime que Taïwan est l'une de ses provinces qu'elle n'a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Pékin dit privilégier une réunification "pacifique" avec Taïwan mais n'écarte pas l'option militaire pour y parvenir.
"Tant qu'il y aura une relation d'égal à égal et digne, la porte de Taïwan sera toujours ouverte" à un dialogue et à une coopération avec la Chine, affirme Lai Ching-te. "Mais il ne faut pas se faire d'illusions sur la paix. Accepter le principe chinois d''une seule Chine', ce n'est pas la vraie paix", ajoute-t-il, en référence à la doctrine chinoise prônant le rattachement de Taïwan.
"La paix sans la souveraineté, c'est juste comme Hong Kong. C'est une fausse paix". Son principal adversaire Hou Yu-ih a averti que le DPP rapprocherait Taïwan "de la guerre". Hou Yu-ih est le candidat du parti Kuomintang (KMT), qui prône des relations plus étroites avec Pékin.