Pourquoi les militaires sont-ils particulièrement visés ? Les zones tribales frontalières, en particulier le Waziristan, sont des zones insurrectionnelles depuis deux siècles et demi. Et ce pour plusieurs raisons, à commencer par la wahabisation de la région. En 1876, un article du New York Times s'inquiète déjà de la présence de la secte des wahabis, du nom de Wahab, un théologien du XVIIIe siècle d'Arabie Saoudite : "Ils distribuent des pamphlets à toute la population et menacent d'assassiner ceux qui salueraient un officier britannique ou lui serreraient la main, car c'est la faute la plus grave devant Dieu." Et l'auteur de l'article de conclure que "les membres les plus agités des wahabis font très forte impression sur les plus dociles des mahométants de l'Inde britannique". Historiquement, cette zone du Pashtounistan, le pays des Pashtouns, autrement dit l'Afghanistan au sens large, a toujours été le terrain de guerre des empires d'Orient, comme les Mongols ou les Safavides, puis des empires coloniaux. Une sorte de zone de compression entre les plaques tectoniques des grands empires qui cherchent à avancer. Et puis en 1979, une nouvelle guerre d'Empire se met en place lorsque, face à l'invasion russe en Afghanistan, l'Occident se met à financer, former, soutenir les moudjahidines pour mener par procuration leur guerre contre URSS. Alors sur les talibans historiques viennent se greffer les groupes d'Al-Qaida. Ben Laden a d'ailleurs installé sa base à la frontière entre le Waziristan et la province afghane de Khost. A partir de cette base de reconquête d'un islam pur et originel, ils allaient créer le royaume d'Allah en
développant le califat - un concept que l'on retrouve aujourd'hui en Irak et en Syrie avec Daech. Or la colonne vertébrale idéologique du califat est que tous les découpages en Etats-nations résultent de la suprématie de l'Occident de l'époque coloniale. Ces frontières-là fragmentent la communauté des croyants et il faut les casser. Où se sont donc installés les groupes d'al-Qaïda ? Entre la Syrie et l'Irak, dans le Nord-Mali ou dans les zones tribales pakistanaises - toutes des zones frontalières. Dans le même esprit, il faut détruire les structures de l'Etat - poste de police, casernes militaires, cours de justice. En 2008, le TTP attaquait par deux fois le quartier général de l'armée pakistanaise d'Islamabad ; en 2011, la base navale de Karachi était visée, sans compter tous les attentats contre les Cours de Justice, les convois militaires.... partout dans le pays.