Tati : légende en péril, espoir en vue

Le tribunal qui devait examiner ce 29 mai les offres de reprise de Tati et de trois autres enseignes d'Eram, avec en jeu le sort de plus de 1.700 emplois, a renvoyé le dossier au 19 juin. Menacée dans sa survie, la marque emblématique de textiles bon marché intéresse des repreneurs.
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Enseigne du premier magasin Tati, à Paris
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« Renvoi au 19 juin ». Lancée au micro par la responsable syndicale à la centaine de salariés de Tati rassemblés devant le tribunal de Bobigny, la nouvelle est accueillie par des cris de joie et des applaudissements. « On remercie le juge de nous avoir écoutés », commente leur déléguée CGT, Nicole Coger. Car s'il ne règle rien sur le fond, le délai supplémentaire accordé devrait permettre, de l'avis général, d'améliorer les offres de reprise de l'enseigne emblématique en perdition.
 

Chez Tati

Fondée en 1948 par Jules Ouaki, commerçant juif de Tunis installé en France au lendemain de la seconde guerre mondiale, Tati doit son nom à l'anagramme de sa mère, Tita. Implantée à Paris boulevard de Rochechouart, dans un quartier populaire proche de la Goutte d'Or très habité et fréquenté par l'immigration, son enseigne est pionnière d'un domaine dans lequel elle devient emblématique avec son logo "Vichy" : bazar en libre service d'articles textiles à bas prix.
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Le logo Tati


Célèbre auprès de clientèles variées - entre autres maghrébines et africaines -, Tati se développe en plusieurs succursales à Paris et en province. Et après le décès du fondateur en 1982, sous la conduite de son fils Fabien, en de multiples activités (optique, téléphone, voyages…) et implantations étrangères, en Europe, Afrique du Sud ou jusque sur la prestigieuse Vème avenue de New York.
 

Ombres

Elle connaît cependant des difficultés à partir des années 1995, du fait notamment de la concurrence d'autres enseignes de produits bon marché. En 2007, l'entreprise familiale est reprise par Eram, fabriquant de chaussure qui s'étend dans le textile. Celui-ci poursuit avec quelques modifications la politique de diversification de l'offre et d'internationalisation de Tati, qui se lance en 2010 dans la vente en ligne.

 
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Publicité pour Tati
La célèbre marque compte en 2013 130 points de vente en France et y emploie plus de 1700 salariés.  Les affaires, cependant sont moins florissantes qu'il n'y paraît et le groupe connaît des difficultés. En février 2017, Eram met en vente sa filiale déficitaire Agora, qui regroupe Tati, Giga Store, Degrif'Mania et Fabio Lucci13. Selon Agora, Tati a enregistré l'an dernier des ventes en recul et un résultat déficitaire.

Le 28 avril 2017, la direction de l'entreprise annonce la cessation de paiement de Tati. Le 4 mai, elle est placée en redressement judiciaire.
« L'objectif, c'est zéro licenciement »Un avocat des salariés

Lueurs

L'affaire, cependant, n'est pas jugée sans espoir. La direction du groupe a reçu une demi-douzaine de marques d'intérêts pour la reprise de Tati. Trois se détachent.

 
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Rassemblement de salariés devant un magasin Tati le 4 mai
(image CGT)
Le premier est le groupe Philippe Ginestet (GPG), du fondateur des magasins de déco Gifi, qui propose de reprendre 1.300 emplois directs et de conserver la marque Tati.  S'y ajouterait la reprise des 250 salariés des magasins franchisés et affiliés du groupe, ainsi que des reclassements chez Gifi. Son projet prévoit la reprise de 120 magasins, dont 93 détenus en propre et 27 franchisés.

Le second est un consortium regroupant Foir'Fouille, Centrakor, Stokomani, Maxi Bazar et Dépôt Bingo qui propose la reprise de « 95 magasins et 1.258 emplois, dont 69 salariés du siège », selon une source proche du dossier.

Enfin, l'enseigne Babou espère reprendre six magasins Tati en région parisienne.
 

Un dégât de la Loi Macron ?

« L'objectif, c'est zéro licenciement » et « une amélioration du PSE [plan social] », a commenté l'avocat du Comité d'entreprise à l'issue de l'audience du 29 mai ordonnant le renvoi . Pour Karl Ghazi (CGT Commerce Paris), « une étape importante a été franchie » et ce « délai supplémentaire » vise à « contraindre les candidats à la reprise à ne pas licencier et, le cas échéant, abonder au PSE pour permettre des mesures de reclassements consistantes ».

Un autre avocat des salariés,  Thomas Hollande - fils de l'ancien président de la République - avait le 13 mai sommé le nouveau gouvernement de « prendre ses responsabilité », Emmanuel Macron n'étant pas totalement étranger au malheur du personnel de Tati.

L'une de ses œuvres lorsqu'il était ministre de l'économie de Manuel Valls, la « loi Macron » d’août 2015, « a supprimé l’obligation pour les ­groupes de financer les PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] de leurs filiales en redressement judiciaire ». Ce texte, souligne t-il, « pousse des groupes à abandonner leurs filiales ».