Après des mois de bataille, le groupe GPG, présidé par le fondateur des magasins Gifi, Philippe Ginestet, l'emporte donc sur son principal concurrent, un consortium de cinq enseignes à bas prix, pour la reprise de Tati placé en redressement judiciaire début mai.
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Son offre est "la plus pérenne pour les salariés et la préservation de l’emploi", s'est félicitée la CFTC dans un communiqué, en soulignant que "82,5%" des effectifs étaient ainsi repris. La CFDT est "très satisfaite", a dit à l'AFP son représentant Tahar Benslimani.
La CGT s'est montrée plus réservée. "300 salariés licenciés… Ce n’est pas que je sois déçue, c’est que je suis inquiète pour la suite", a relevé Sandrine Portemer, une de ses représentantes. Mais "on a de la chance de s’appeler Tati, d'avoir eu des repreneurs. On a mené la bataille du mieux qu’on pouvait", a-t-elle ajouté.
Les syndicats CFDT, CFTC et Unsa soutenaient pleinement l'offre de Gifi face à celle du consortium composé de La Foir'Fouille, Centrakor, Stokomani, Maxi Bazar et Dépôt Bingo. Sans vouloir prendre position, la CGT avait exprimé des réserves.
Pour les salariés de l'enseigne au vichy rose, des femmes en majorité, la décision du tribunal met en tout cas fin à une période difficile à supporter. "Ça a été long, stressant et dur", résumait il y a une semaine Male Papa (CGT). "Psychologiquement fatigant", insistait Fouzia Bekhedda (Seci-Unsa).
Agora Distribution, qui regroupe les enseignes Tati, Fabio Lucci, Gigastore et Degrif'Mania, avait été mis en vente par son propriétaire Eram en mars.
Depuis, les deux principaux repreneurs potentiels se sont livré une rude bataille pour l'emporter, à coups d'améliorations successives de leurs offres mais aussi sur le terrain, auprès des salariés. Au point de les diviser entre "pour Gifi" et "pour l'emploi".
Outre les 1.428 emplois directs et 109 magasins repris, ainsi que le maintien de l'enseigne Tati, GPG va poursuivre les contrats de 24 franchisés. Il promet aussi de garantir les emplois sur deux ans et d'abonder le plan social à hauteur de 2 millions d'euros.
Le consortium proposait de son côté la reprise de 1.298 salariés et de 98 magasins, dont 16 sous enseigne Tati, ainsi que 27 franchisés.
L'offre du groupe GPG est la "mieux-disante socialement", avait estimé Eram avant l'examen des offres par le tribunal le 19 juin.
Une troisième offre émanant de l'enseigne Babou ne portait que sur six magasins.
Le choix de Gifi représente "une triple satisfaction", a réagi lundi Thomas Hollande, avocat du comité d'entreprise de Vetura, l'une des trois sociétés d'Agora Distribution, en évoquant "le maintien de l'enseigne Tati, le maintien d'une collectivité de travail et la poursuite du travail pour 1.400 salariés".
Mounir Bourhaba, avocat de la société Tati Lilnat, qui regroupe la majeure partie des salariés et des magasins, a "regretté la casse sociale" en évoquant une "déception" pour les 280 salariés qui seront licenciés.
Les choses devraient aller très vite désormais pour ces derniers. Un accord sur le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), signé le 16 juin, prévoit pour ceux qui seront licenciés une somme moyenne de 10.000 euros, en fonction de l'ancienneté, au-delà de l'indemnité légale.
Un plan "acceptable, décent et le plus humainement digne possible", selon la CFTC.
Le ministère du Travail s'est aussi engagé sur la mise en place d'une cellule de reclassement.
Pour l'enseigne fondée en 1948 par Jules Ouaki, c'est une page qui se tourne, après sa reprise en 2004 par Eram. Avec une nouvelle stratégie à définir. En 2016, le pôle Agora Distribution a enregistré une perte nette de 148,5 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 346,7 millions d'euros.
« L'objectif, c'est zéro licenciement » et « une amélioration du PSE [plan social] », commente l'avocat du Comité d'entreprise à l'issue de l'audience du 29 mai ordonnant le renvoi .
Un autre avocat des salariés, Thomas Hollande - fils de l'ancien président de la République - avait un peu plus tôt sommé le nouveau gouvernement de « prendre ses responsabilité », Emmanuel Macron n'étant pas totalement étranger au malheur du personnel de Tati.
L'une de ses œuvres lorsqu'il était ministre de l'économie de Manuel Valls, la « loi Macron » d’août 2015, « a supprimé l’obligation pour les groupes de financer les PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] de leurs filiales en redressement judiciaire ». Ce texte « pousse des groupes à abandonner leurs filiales », soulignait alors Thomas Hollande. Le compromis imposé aux salariés ce 26 juin par la justice ne tranche pas la question.