Tati sauvée, l'emploi majoritairement préservé

Le tribunal de commerce de Bobigny a désigné lundi le groupe Gifi comme repreneur de Tati et des trois autres enseignes en difficulté du groupe Eram. Une offre qui permet de sauver 1.428 emplois sur les 1.700 menacés, en conservant 109 des 140 magasins du bazar légendaire.
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Le magasin historique de Tati, à Paris
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Après des mois de bataille, le groupe GPG, présidé par le fondateur des magasins Gifi, Philippe Ginestet, l'emporte donc sur son principal concurrent, un consortium de cinq enseignes à bas prix, pour la reprise de Tati placé en redressement judiciaire début mai. 

►Lire : Tati : légende en péril, espoir en vue

Son offre est "la plus pérenne pour les salariés et la préservation de l’emploi", s'est félicitée la CFTC dans un communiqué, en soulignant que "82,5%" des effectifs étaient ainsi repris. La CFDT est "très satisfaite", a dit à l'AFP son représentant Tahar Benslimani. 

Ça a été long, stressant et dur Male Papa, élu CGT

La CGT s'est montrée plus réservée. "300 salariés licenciés… Ce n’est pas que je sois déçue, c’est que je suis inquiète pour la suite", a relevé Sandrine Portemer, une de ses représentantes. Mais "on a de la chance de s’appeler Tati, d'avoir eu des repreneurs. On a mené la bataille du mieux qu’on pouvait", a-t-elle ajouté.

Les syndicats CFDT, CFTC et Unsa soutenaient pleinement l'offre de Gifi face à celle du consortium composé de La Foir'Fouille, Centrakor, Stokomani, Maxi Bazar et Dépôt Bingo. Sans vouloir prendre position, la CGT avait exprimé des réserves.

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Rassemblement devant un magasin Tati le 4 mai.
(photo CGT)

Pour les salariés de l'enseigne au vichy rose, des femmes en majorité, la décision du tribunal met en tout cas fin à une période difficile à supporter. "Ça a été long, stressant et dur", résumait il y a une semaine Male Papa (CGT). "Psychologiquement fatigant", insistait Fouzia Bekhedda (Seci-Unsa).

Agora Distribution, qui regroupe les enseignes Tati, Fabio Lucci, Gigastore et Degrif'Mania, avait été mis en vente par son propriétaire Eram en mars.

Depuis, les deux principaux repreneurs potentiels se sont livré une rude bataille pour l'emporter, à coups d'améliorations successives de leurs offres mais aussi sur le terrain, auprès des salariés. Au point de les diviser entre "pour Gifi" et "pour l'emploi".

Un plan "décent"

Outre les 1.428 emplois directs et 109 magasins repris, ainsi que le maintien de l'enseigne Tati, GPG va poursuivre les contrats de 24 franchisés. Il promet aussi de garantir les emplois sur deux ans et d'abonder le plan social à hauteur de 2 millions d'euros.

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Les promotions du mois de juin...
(capture d'écran)

Le consortium proposait de son côté la reprise de 1.298 salariés et de 98 magasins, dont 16 sous enseigne Tati, ainsi que 27 franchisés. 

L'offre du groupe GPG est la "mieux-disante socialement", avait estimé Eram avant l'examen des offres par le tribunal le 19 juin. 

Une troisième offre émanant de l'enseigne Babou ne portait que sur six magasins.

Le choix de Gifi représente "une triple satisfaction", a réagi lundi Thomas Hollande, avocat du comité d'entreprise de Vetura, l'une des trois sociétés d'Agora Distribution, en évoquant "le maintien de l'enseigne Tati, le maintien d'une collectivité de travail et la poursuite du travail pour 1.400 salariés". 

Mounir Bourhaba, avocat de la société Tati Lilnat, qui regroupe la majeure partie des salariés et des magasins, a "regretté la casse sociale" en évoquant une "déception" pour les 280 salariés qui seront licenciés.
 

Acceptable, décent et le plus humainement digne possible La CFTC

Les choses devraient aller très vite désormais pour ces derniers. Un accord sur le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), signé le 16 juin, prévoit pour ceux qui seront licenciés une somme moyenne de 10.000 euros, en fonction de l'ancienneté, au-delà de l'indemnité légale.

Un plan "acceptable, décent et le plus humainement digne possible", selon la CFTC.

Le ministère du Travail s'est aussi engagé sur la mise en place d'une cellule de reclassement.

Pour l'enseigne fondée en 1948 par Jules Ouaki, c'est une page qui se tourne, après sa reprise en 2004 par Eram. Avec une nouvelle stratégie à définir. En 2016, le pôle Agora Distribution a enregistré une perte nette de 148,5 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 346,7 millions d'euros.

Chez Tati

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Fondée en 1948 par Jules Ouaki, commerçant juif de Tunis installé en France au lendemain de la seconde guerre mondiale, Tati doit son nom à l'anagramme de sa mère, Tita. Implantée à Paris boulevard de Rochechouart, dans un quartier populaire proche de la Goutte d'Or très habité et fréquenté par l'immigration, son enseigne est pionnière d'un domaine dans lequel elle devient emblématique avec son logo "Vichy" : bazar en libre service d'articles textiles à bas prix.

Célèbre auprès de clientèles variées - entre autres maghrébines et africaines -, Tati se développe en plusieurs succursales à Paris et en province. Et après le décès du fondateur en 1982, sous la conduite de son fils Fabien, en de multiples activités (optique, téléphone, voyages…) et implantations étrangères, en Europe, Afrique du Sud ou jusque sur la prestigieuse Vème avenue de New York.
 

Ombres

Elle connaît cependant des difficultés à partir des années 1995, du fait notamment de la concurrence d'autres enseignes de produits bon marché. En 2007, l'entreprise familiale est reprise par Eram, fabriquant de chaussure qui s'étend dans le textile.
 
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Celui-ci poursuit avec quelques modifications la politique de diversification de l'offre et d'internationalisation de Tati, qui se lance en 2010 dans la vente en ligne.

La célèbre marque compte en 2013 130 points de vente en France et y emploie plus de 1700 salariés.  Les affaires, cependant sont moins florissantes qu'il n'y paraît et le groupe connaît des difficultés. En février 2017, Eram met en vente sa filiale déficitaire Agora, qui regroupe Tati, Giga Store, Degrif'Mania et Fabio Lucci13. Selon Agora, Tati a enregistré l'an dernier des ventes en recul et un résultat déficitaire.

Le 28 avril 2017, la direction de l'entreprise annonce la cessation de paiement de Tati. Le 4 mai, elle est placée en redressement judiciaire.
 
« L'objectif, c'est zéro licenciement »Un avocat des salariés

Loi Macron

L'affaire, cependant, n'est pas jugée sans espoir. La direction du groupe reçoit une demi-douzaine de marques d'intérêts pour la reprise de Tati. Trois se détachent. Ceux-là même que le tribunal vient de départager.
 

« L'objectif, c'est zéro licenciement » et « une amélioration du PSE [plan social] », commente l'avocat du Comité d'entreprise à l'issue de l'audience du 29 mai ordonnant le renvoi .

Un autre avocat des salariés,  Thomas Hollande - fils de l'ancien président de la République - avait un peu plus tôt sommé le nouveau gouvernement de « prendre ses responsabilité », Emmanuel Macron n'étant pas totalement étranger au malheur du personnel de Tati.

L'une de ses œuvres lorsqu'il était ministre de l'économie de Manuel Valls, la « loi Macron » d’août 2015, « a supprimé l’obligation pour les ­groupes de financer les PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] de leurs filiales en redressement judiciaire ». Ce texte « pousse des groupes à abandonner leurs filiales », soulignait alors Thomas Hollande. Le compromis imposé aux salariés ce 26 juin par la justice ne tranche pas la question.