Taxation des vins français : Donald Trump sans modération

Toujours en représailles à la taxe française imposée aux GAFA, les Etats-Unis ont annoncé mercredi 2 octobre 2019 qu'ils allaient frapper 7,5 milliards de dollars de produits européens de tarifs douaniers punitifs. L'Organisation Mondiale du Commerce a donné son feu vert. Quels risques cela représente notamment pour le marché viticole français ? 
 
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Le président américain menace à nouveau de taxer les vins français, mais cette fois à hauteur de 100%, en représailles à la fameuse taxe française imposée aux GAFA.
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Les taxes douanières américaines portant sur 7,5 milliards de dollars de produits européens seront imposées à partir du 18 octobre : 10% sur les avions importés de l'Union européenne et 25% sur d'autres produits, dont le vin, le fromage, le café et les olives, selon une liste publiée par les services du représentant américain au Commerce (USTR). Cette décision a reçu le feu vert de l'OMC. 

Décidément, Donald Trump ne met pas d’eau dans son vin. Et d'ailleurs, il n'en boit pas et le répète à l'envie, il préfère les sodas bien de chez lui.                                                                                                     

Je n'aime pas ce que la France a fait (...). Je ne veux pas que la France impose des taxes sur nos sociétés. C'est très injuste. (...) S'ils le font, nous imposerons des tarifs douaniers sur leurs vins (...). Des tarifs douaniers comme ils n'en ont jamais vu                                                                                                                                        Donald Trump


C’est avec ses quelques phrases, que le président américain brandit depuis plusieurs mois le spectre d’une guerre commerciale franco-américaine. L’Union européenne n’a pas tardé à répondre cet été déjà. Donald Tusk promet une riposte si de nouveaux droits de douane sont décrétés sur le vin français.
 

Des menaces sérieuses ?

En 2018, les exportateurs de vins français ont réalisé sur le marché américain un chiffre d’affaires supérieur à 1,6 milliard d’euros, soit près de 20% de leurs exportations mondiales. C'est un marché précieux pour les Français et en plein développement.

Pour Thomas Montagne, président de la Confédération européenne des vignerons indépendants (CEVI), la déclaration du président américain est préoccupante et agressive. « C’est une menace à prendre très au sérieux, d’autant plus que le marché américain représente notre premier marché en valeur, le deuxième étant le Royaume-Uni. Nous sommes donc dépendants des politiques internationales », explique-t-il.

Un accord sur le commerce du vin conclu en 2006 entre les États-Unis et l’Union européenne facilite les échanges commerciaux entre les deux acteurs. Si Donald Trump décide d’imposer des taxes sur le vin à un seul État membre de l’UE, il se mettrait donc en contradiction avec cet accord. Mais pour Thomas Montagne, ce n’est pas impossible. « Si Donald Trump veut taxer les vins français et seulement les vins français, il le fera. Nous irons devant les instances internationales, mais le mal sera fait et nous aurons perdu nos parts de marché », précise le président de la Confédération européenne des vignerons indépendants.
 

Conséquences sur le marché ?

La France est le premier exportateur mondial en chiffre d’affaires, mais le troisième en volume, loin derrière l’Espagne (21 millions d’hectolitres exportés) et l’Italie (20 millions d’hectolitres exportés). La France exporte environ 14 millions d’hectolitres par an. « Une taxation à la valeur et non sur le volume, comme l'envisage Donald Trump, pourrait être catastrophique et mettrait à mal nos exportations », explique Thomas montagne.

Car le marché viticole mondial est assez peu élastique, du coup une variation importante comme cette possible taxation, pourrait remettre en cause l’ensemble des équilibres. Et les premiers menacés sont les petits exploitants.

 
Cela pourrait-être un séisme pour beaucoup de petits vignerons, c’est le bas de la pyramide qui serait ébranléeThomas Montagne, le président de la Confédération européenne des vignerons    indépendants.
 

Le calcul est simple. Une bouteille de moyenne ou d’entrée de gamme arrive sur le sol américain au prix de 5 à 6 euros hors taxe et est revendue entre 18 et 20 dollars. Si on ajoute 100% de taxes sur la valeur d'achat à l'importation, la bouteille pourrait être alors revendue approximativement 24 dollars. Une différence considérable pour le consommateur et une concurrence déloyale actée pour le producteur.

Seuls les grands crus seraient épargnés, avec une augmentation des taxes qui se ferait moins ressentir par rapport au prix final. De plus, les vins haut de gamme sont des produits très contingentés : « S’ils ne sont pas vendus aux Etats-Unis, ils seront vendus ailleurs. Je ne me fais pas de souci pour les grands noms. Mais ils ne représentent qu’une petite partie des exportations, une grosse partie en valeur, mais une petite partie en volume », précise Thomas Montagne.

Le président de la Confédération européenne des vignerons indépendants ajoute que l’inquiétude grandit en Europe, notamment chez nos voisins italiens qui ont peur de voir cette éventuelle taxation étendue à toute l’Europe.
 

Le vin français comme monnaie d’échange ?

Le 26 juillet dernier, Donald Trump avait déjà embrasé le débat en menaçant par tweet d'augmenter les taxes douanières sur les vins français. Sa réponse à la taxe des géants du numérique, souhaitée par Emmanuel Macron et approuvée par le Sénat en juillet.
 
tweet trump vin
"La France vient d'instaurer une taxe sur nos grandes entreprises américaines du numérique, avait écrit le pensionnaire de la Maison blanche dans un tweet. Si quelqu'un devait les taxer, ce serait leur pays d'origine, les États-Unis. Nous annoncerons rapidement des représailles substantielles aux idioties de Macron. J'ai toujours dit que le vin américain est meilleur que le vin français". (Tweet de Donald Trump du 26 juillet 2019)
 
Visiblement irrité par l'adoption de la taxe Gafa en France, qui concerne les grandes entreprises du Web majoritairement américaines, Donald Trump riposte en brandissant des droits de douane supplémentaires pour les viticulteurs français. Ainsi les vignerons de l'hexagone craignent d'être les premières victimes de cette fameuse taxe Gafa.

Selon le Journal du Dimanche, des tractations secrètes seraient en cours entre Bruno Le Maire, ministre français de l'Économie et les émissaires de Donald Trump, en marge du G7 sur la côte basque, pour faire avancer ce laborieux projet d'une taxe sur les géants du Web.

A l’approche de la présidentielle américaine, Donald Trump envoie aussi un message clair à l’électorat californien, traditionnellement démocrate, en se positionnant en protecteur de ses vins. Une opération séduction, mais pas seulement.

Pour Thomas Montagne, cette monnaie d'échange pourrait aller bien au-delà : « Donald Trump met la pression sur l’Europe, une Europe en ordre dispersée. Il institue un rapport de force en vue de renverser une alliance. Ainsi le vin français pourrait devenir une monnaie d’échange pour rallier la France, dans sa guerre commerciale contre la Chine ».