Tchétchénie : retour de flammes

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Tchétchénie : retour de flammes
Dans le centre de Grozny, la capitale, au moins dix-neuf personnes ont été tuées dans des combats entre rebelles tchétchènes et forces de l'ordre (capture d'écran).
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L'attaque dans le centre de Grozny nous rappelle que les violences n'ont jamais cessé dans ce pays tenu par une main de fer par le président Ramzan Kadyrov. Un nouvel embrasement ? De nombreux Tchétchènes ont récemment tissés des liens avec le groupe État Islamique (EI) implanté en Syrie et en Irak. Le groupe menace à présent de déclencher une "guerre" en Tchétchénie et dans le Caucase pour "libérer" le peuple de l'emprise russe.
Du bruit  ? “Cette opération terroriste a été programmée à l’occasion du discours annuel [le 4 décembre à 12 heures, heure de Moscou] de Vladimir Poutine devant le Conseil de la Fédération, commente l’expert moscovite Mikhaïl Alexandrov, interrogé par le quotidien Moskovski Komsomolet. Elle avait pour but de créer un climat d’insécurité, de montrer que les objectifs du Kremlin ne sont pas atteints et que l’instabilité règne dans le pays, jusque dans l’espace postsoviétique.” De fait, au moins 19 personnes ont été tuées lors des combats dans le centre de Grozny entre rebelles tchétchènes et forces de l'ordre. En début d'après-midi, les autorités russes faisaient aussi état de 28 blessés. Un bain de sang commenté laconiquement par le président Kadyrov : "Les rebelles ont fait ça pour faire du bruit, a-t-il déclaré à la télévision russe. On pensait qu'ils allaient le faire le 12 décembre (fête nationale la Constitution russe) mais ils ont décidé de le faire aujourd'hui". Du bruit, seulement du bruit ? Les assaillants se sont réclamés du principal mouvement islamiste tchétchène, l’Émirat du Caucase. Ils affirment agir sous les ordres de son nouveau dirigeant, le cheikh Ali Abou Mouhammad. Dans une vidéo diffusée sur leur site, les insurgés affirment que l'objectif d'une telle opération est "d'exercer des représailles contre les marionnettes russes pour lutter contre l'oppression des femmes musulmanes". Ils avertissent qu'ils se battront "jusqu'à la mort", et affirment également que le bâtiment Publishing House, un "centre de propagande" a été "entièrement détruit" ainsi qu'un "centre commercial local appartenant à des marionnettes de haut rang".
Tchétchénie : retour de flammes
le cheikh Ali Abou Mohammad, de son vrai nom Aliaskhab Kebekov
(capture d'écran)
Nouvelle génération de combattants Qui est le cheikh Ali Abou Mohammad, de son vrai nom Aliaskhab Kebekov ? Il appartiendrait à une nouvelle génération de combattants "plus islamiste que nationaliste, et anticoloniale" selon Jean-François Ratelle, de l'Université George Washington. Sur le site de l'Express, le chercheur précise : "Kebekov, 42 ans, est un Avar, le principal groupe ethnique de la mosaïque de peuples qu'est le Daguestan. Il n'est entré dans la rébellion qu'en 2009 et, à la différence d'Oumarov (son prédécesseur, tué en mars dernier par les Services de Sécurité Russes (FSB), ndlr), il n'a donc pas participé aux guerres de Tchétchénie [1994 - 1996 et 1999 - 2009]. Il fait partie de cette génération qui s'est laissée séduire par le salafisme et le djihad en réaction à la brutalité des forces russes". Dans son discours, le président Vladimir Poutine a évoqué ces violences à Grozny. Après une énième diatribe contre les Occidentaux qui, selon lui, veulent "freiner" la Russie, le chef du Kremlin a évoqué les affrontements à Grozny : "Nous nous rappelons très bien ceux qui soutenaient chez nous le séparatisme, et même la terreur directe, et nommaient  “rebelles”, ceux qui avaient du sang jusqu’au coude en les recevant au plus haut niveau. Aujourd’hui ces rebelles se sont montrés en Tchétchénie." Ce bain de sang ranime la crainte d'un nouveau cycle de violences dans la région avec ses lots d'attentats et ses inévitables représailles. Cette attaque, particulièrement sanglante, intervient deux mois après la mort de cinq policiers à Grozny. Pour Ramzan Kadyrov, le président, il s'agit indiscutablement d'un revers, sinon d'un avertissement. Comme elles semblent loin ces aimables campagnes de communication où Gérard Depardieu, bombardé citoyen d'honneur de la République tchétchène, déclarait avec force : "Je veux faire comprendre comment un homme a réussi à relever cette ville des décombres en l'espace de cinq ans. Je suis sûr que les gens qui vivent ici sont heureux. Pour chanter et danser comme le font les Tchétchènes, il faut être véritablement heureux". C'était en février 2013. Déjà une autre époque.