Fil d'Ariane
Ce qui est très surprenant avec Elon Musk, c'est cette capacité de l'ingénieur-homme d'affaires, très bon communiquant, à lancer des projets souvent considérés comme improbables — voire délirants — et à les réaliser, envers et contre tout. C'est ainsi que la création de Space X en 2002 — une entreprise privée d'aérospatiale — provoquait plus le sourire qu'autre chose. Comment, en effet, croire que cette startup pourrait rivaliser avec les programmes spatiaux européens ou ceux de la NASA, fruits de recherches de dizaines d'années, en partant de zéro ? Rien ne pouvait prédire le succès futur des différents programmes de Space X, jusqu'à ce que les fusées de l'entreprise deviennent incontournables depuis quelques années, au point de ravitailler désormais la station spatiale internationale (ISS), envoyer des satellites dans l'espace et réaliser une prouesse technologique jamais égalée jusqu'alors : faire atterrir une fusée et réutiliser son premier étage pour d'autres vols. L'objectif ? Faire baisser les coûts des vols spatiaux pour envoyer des aéronefs coloniser Mars.…
Falcon 9 and BulgariaSat-1 vertical on Pad 39A. Today’s two-hour launch window opens at 2:10 p.m. EDT, 18:10 UTC. pic.twitter.com/Dnkp3pgiLQ
— SpaceX (@SpaceX) 23 juin 2017
Musk est devenu milliardaire en co-créant en 2000 le système de paiement en ligne Paypal de l'entreprise éponyme, une entreprise revendue à Ebay en 2002 pour 1,5 milliard de dollars. Né en 1971, originaire d'Afrique du Sud, puis ayant pris la nationalité canadienne et enfin américaine, ce chef d'entreprise, inventeur touche-à-tout, a suivi des études d'ingénieur en physique énergétique pour devenir une sorte de personnage hors du commun qui aurait inspiré celui de Tony Stark — le milliardaire des Marvel Comics incarnant le super héros Iron Man — capable de rendre concret des technologies et des procédés considérés jusque là comme de la science-fiction.
Aujourd'hui, Elon Musk dirige Space X. Il est aussi président et "directeur architecture produit" de la société Tesla Motors (Tesla fabrique des voiture électriques haut de gamme, des batterie de stockage, des réseaux de recharge et a été rachetée en 2008 par Elon Musk). Il préside le conseil d'administration de la société SolarCity qu'il a créée et vient de lancer en 2016 une startup, Neuralink, qui travaille "à relier le cerveau à des circuits imprimés dans le but de fusionner les intelligences humaines et artificielles".
Si Elon Musk n'avait pas à son compte des succès technologiques et commerciaux déjà fameux, il pourrait simplement passer pour un milliardaire excentrique. Mais ce n'est visiblement pas le cas.
La "légende" d'Elon Musk veut qu'il aurait lu très tôt — selon son frère — au moins deux ouvrages par jour, de tout type, allant de la philosophie à la science-fiction, en passant par la programmation, la technologie, l'ingénierie, le business, ou encore la religion, l'énergie et le design de produits. C'est cette culture très vaste et hétéroclite qui pousserait l'inventeur et homme d'affaires à se lancer dans des projets à la fois futuristes, révolutionnaires et pourtant toujours adaptés aux besoins de l'époque, aux changements en cours. Ainsi, les voitures électriques Tesla, les batteries solaires domestiques PowerWall sont la réalisation concrète des politiques de transition énergétiques basées sur la sortie des transports aux énergies fossiles. Mais les projets de Musk — que ce soit en matière de transports ou d'énergie — vont bien plus loin que ces simples artefacts issus du XXème siècle et améliorés avec les technologies du siècle suivant.
Musk a par exemple commencé à faire creuser un tunnel à Los Angeles pour lancer, grâce à sa nouvelle entreprise (encore une) "The boring company", un réseau de rails souterrains ultra rapides permettant de faire transiter des voitures à 200 km sous terre. Les voitures devraient accéder au nouveau système de transport par… ascenseur !
"Première structure d'acier d'ascenseur installée, il devrait être opérationnel la semaine prochaine — Elon Musk —"
Just installed steel skeleton of the car/pod elevator. Should be operating next week. pic.twitter.com/DIZW7zuWaA
— Elon Musk (@elonmusk) 30 juin 2017
Malgré tout, ce type de projets semblent parfois un peu décalés avec certaines contraintes que l'inventeur ne semble pas prendre en compte. Ainsi, le projet de "TGV subsonique" (circulant à 1200 km/h) par capsules (presque) sous vides, Hyperloop, n'a pas encore été mis en œuvre, mais l'homme d'affaires continue pourtant d'en faire la promotion, via des concours organisés par Space X afin d'inciter des startups à développer le concept. Récemment, Elon Musk a par exemple annoncé sur Twitter avoir reçu un accord oral pour construire un hyperloop reliant New-York à Washington en 29 minutes. Mais les décideurs politiques concernés n'ont pas eu l'air entièrement convaincus, et pour cause : le tunnel à creuser est long de presque 400 kilomètres et avec la vitesse des machines actuelles, il faudrait… 83 ans pour le réaliser.
Toute la communication d'Elon Musk réside donc dans cette capacité à proposer des solutions technologiques innovantes et souvent révolutionnaires, dont une partie se réalise et dont l'autre reste à l'état d'idée géniale… mais improbable. Au point de parvenir tout de même à mettre au point des technologies dignes des films de science-fiction et considérées comme irréalistes par la communauté scientifique ?
"Je pense qu'il y a vraiment deux chemins fondamentaux. L'Histoire est en train de bifurquer dans deux directions. Un chemin est que nous restions sur Terre pour toujours, avec l'éventualité qu'un évènement d'extinction survienne (...) L'alternative est de devenir une civilisation spatiale et une espèce multi-planétaire qui, j'espère, vous convient comme chemin à parcourir". Cette déclaration est tirée d'un article publié par Elon Musk dans la revue New Space, le 15 juin dernier. L'entrepreneur explique dans ce document de 16 pages, schémas, statistiques et calculs financiers à l'appui, comment il compte commencer à coloniser la planète Mars à l'horizon 2027. Ce projet est basé sur une nouvelle architecture de lanceurs, beaucoup plus puissants, et baptisés "Interplanetary Transport System" (ITS) qui placeront des navettes en orbite terrestre toutes les 40 minutes, afin de composer une flotte de vaisseaux spatiaux prête à partir pour la planète rouge une fois toutes les conditions favorables réunies. Les navettes devraient embarquer jusqu'à 100 personnes et faire le voyage aller-retour entre Mars et la Terre à plus de 100.000 km à l'heure, avec comme objectif, à terme, la constitution d'une colonie martienne d'un million d'humains.
Elon Musk publishes plans for colonizing Mars https://t.co/3t1KNlG6hQ pic.twitter.com/DdztkLXydq
— Scientific American (@sciam) 16 juin 2017
Elon Musk est convaincu que l'espèce humaine est vouée à disparaître de la Terre, et que le seul moyen de la sauvegarder est de l'envoyer sur d'autre planètes. C'est avec cette vision très pessimiste, voire paranoïaque pour certains, que Musk a lancé NeuraLink, une entreprise censée donner la possibilité aux individus de "contrer" l'Inteligence artificielle (IA) qui risque de menacer très vite l'humanité, selon lui. Le procédé en cours de développement par Neuralink est encore très obscur et semble plutôt délirant, puisqu'il est question d'interfacer le cerveau humain avec des ordinateurs, pour en augmenter les capacités et donner ainsi un contrôle direct sur des intelligences artificielles à l'utilisateur. Cette fabrication de lien neuronal entre le cerveau et la machine (par des implants ?) serait, selon Elon Musk, le moyen "d'augmenter" les individus afin de leur permettre d'être au niveau des IA et d'éviter leur domination, forcément fatale pour l'homme, comme toute la littérature de science-fiction traitant de ce sujet l'envisage depuis des décennies.
Le mystère qu'Elon Musk entretient sur la réalité de ses différents projet n'est pas encore levé, et ses visions futuristes pas toujours partagées, mais une chose reste indéniable : l'homme a du talent, sait convaincre et parvient à réaliser des exploits technologiques que les agence gouvernementales des plus grandes nations ne sont pas en mesure de concurrencer. Le monde va-t-il changer avec les inventions d'Elon Musk ? Peut-être est-ce déjà en partie le cas ? Mais ce qui reste certain, c'est que l'homme fait rêver… ou cauchemarder, selon le point de vue d'où l'on se place.