"En Iran j’étudiais les relations internationales à l’université d’une petite ville près d’Ispahan. J’ai fait partie du mouvement de contestation étudiant dès sa création au début des années 2000. Nous réclamions plus de liberté d’expression mais notre mouvement était durement réprimé. Pendant près de dix ans, j’ai donc eu un pied en prison, un pied à l’université. J’étais surveillé par les services de renseignements iraniens. J’ai été arrêté à la fois par les
Bassidjis (NDLR : Gardiens de la révolution), par la police et par l’armée iranienne. En prison, j’ai été plusieurs fois torturé, et même violé par les Bassidjis, tout cela à l’époque de Khatami
(NDLR : président réformateur de la République islamique de 1997 à 2001). Mon dernier séjour en prison date d’il y a deux ans : j’y ai passé six mois. J’ai fait un mois de grève de la faim car on me menaçait de me mettre en prison avec des homosexuels atteints du virus du sida. J’ai été libéré sous conditions de ne plus me mêler d’affaires politiques ou liées aux droits de l’homme. Il y a un an, j’ai décidé de fuir en Irak car je risquais à nouveau d’être arrêté. J’ai été recueilli dans le
Kurdistan irakien par une association liée au mouvement indépendantiste kurde iranien. Je continuais donc à avoir une action politique depuis l’Irak. En Iran, ma mère a été menacée, des agents des Renseignements sont venus lui dire que j’étais un espion à la solde des États-Unis. J’ai suivi la
réélection d’Ahmadinejad et la contestation qui a suivi via cette association et aussi via ma famille et mes amis au téléphone et sur Internet : les sites des journaux iraniens, Facebook, Twitter, mon propre blog... Je ne crois pas en Moussavi ou en Karoubi. Pour moi ce sont des criminels qui ont du sang sur les mains : à l’époque où ils étaient au pouvoir, ils ont participé à des fusillades et des viols. Ce sont des marionnettes qui ne veulent que le pouvoir. Je pense que les Iraniens veulent profiter de la confusion actuelle pour se débarrasser de tous leurs acteurs politiques, les deux leaders de l’opposition compris. Ils soutiennent Moussavi et Karoubi parce que c’est moins « pire » qu’Ahmadinejad, c’est tout. Ce que veulent les gens c’est la fin de la République islamique. J’ai bien peur que l’Iran ressemble de plus en plus à la Chine, c’est-à-dire un état de plus en plus totalitaire. Je suis sans espoir pour l’avenir de mon pays. Je témoigne à visage découvert car je n’ai plus rien à perdre aujourd’hui. "
Propos recueillis par Laure Constantinesco 9 juin 2010