C’est un habitué du filet. Mais cette attaque-là, François Marsat ne l’a pas vue venir, pas plus que des millions d’autres personnes en ce début 2020. L’ancien volleyeur français devenu enseignant se remet du coronavirus. La maladie l’a saisi en mars, avant le confinement. Il raconte les séquelles, le traumatisme du coma, quinze jours de sa vie qui lui ont échappé, le long chemin de la convalescence, sa gratitude infinie envers les médecins et les soignants.
Dans sa jeunesse, il promenait son long corps leste sur les terrains de volley qu’il fréquentait assidûment. Une passion et du talent. Position "centre" dans l’équipe de l’ASPTT Strasbourg qu'il intègre en ProA, l'actuelle Ligue A. En compétition, ce corps imposant et souple est un allié et un atout, au filet comme au service. Il est partout sur le terrain.
Mais cette fois, l’adversaire a déboulé invisible et sans bruit. Impossible d’anticiper. François Marsat, le géant de près de deux mètres, a fondu : «
15 kilos de moins » en quelques jours à peine, constate-t-il d'un ton clinique.
Mon corps a du mal à supporter ma carcasse ... Ma masse a du mal à tenir debout ... Mais le plus dur, c'est le choc psychologique.
François Marsat, survivant du Covid-19
L’ancien volleyeur ne s'est pas encore remis de la violence des coups en terrain Covid-19. Une guerre, pas un match. Le corps a pris cher. Usé, si lourd à déplacer. Le moral n’a pas été épargné. «
Le plus dur, c'est le choc psychologique ».
Quinze jours de coma et des séquelles
La maladie l’a lessivé. Au bord du précipice, François n’est pas tombé. L’enseignant de 52 ans a émergé après quinze jours de coma artificiel
avec
«
un grand blanc, un tunnel sans fin et aucun souvenir... Compliqué. »
Le réveil a été difficile, d'autant plus qu'il ne comprend pas où il est. «
Bras entravés, intubé, je pensais que j'étais chez les Russes en train de me faire lobotomiser. Je voyais des étoiles rouges quand je fermais les yeux. Il a fallu la voix de ma femme, au téléphone, pour que je revienne à la réalité. » Dix jours suivent en néphrologie. Ses reins ont trinqué :
"Ils ne fonctionnent plus qu'à 30%". Entre le moment où j'ai été pris en charge par le Samu et le réveil aux urgences, je ne me souviens de rien. J'ai l'impression que ma vie s'est arrêtée pendant des mois.
François Marsat, survivant du Covid-19
Il y a une semaine, retour à la maison. Le début de l'après. La joie de retrouver ses filles qui ont rallié Strasbourg pour être au plus près. Sa famille, qui retenait son souffle quand sa vie à lui ne tenait qu’à un fil, « l
e chouchoute ». Après plus d'un mois à l'hôpital, cela vous attendrit un géant. Il se remet «
doucement, doucement », armé d’une volonté têtue d’«
en faire un peu plus chaque jour. C'est mon caractère ».
Récupérer
Manger suffisamment pour retrouver de l’énergie, marcher d'une pièce à l'autre pour regagner en muscles, en attendant de reprendre la course à pied «
deux fois par semaine ». Toujours très sportif, confirme-t-il. «
Le vendredi avant de tomber malade, j'ai couru 16 km ».
A l'hôpital, au téléphone, mes amis ne me comprenaient plus au bout d'un quart d'heure. Mes proches comprenaient un mot sur deux.
François Marsat, survivant du Covid-19
Mais la fatigue demeure, intense. Parler représente un effort. L’élocution ne va pas de soi. Il faut donc s’entraîner, là aussi. Cela fait partie du programme. L’ancien volleyeur pro, désormais
coach de lui-même, a pris le convalescent en main. Et il ne lâche rien. Il y a quinze jours, ses amis ne le comprenaient pas au téléphone. Il toussait encore beaucoup. Les mots sortaient tout mous, comme dans un nuage de sons. Cela marque un professeur des écoles.
« Si je peux être utile… »
Le Covid-19, il n’y a pas cru au début, il l’admet volontiers. «
Je suis gaillard, je n'avais pas de raisons de craindre la maladie. Je ne bois pas, je ne fume pas et je ne présente aucune pathologie.
Je pensais pouvoir passer entre les gouttes. » C'était avant le confinement. Il a fait partie de la première vague d’hospitalisations massives du coronavirus en France.
Je suis tombé malade avant le confinement. Je suis passé à deux doigts de la mort. C'est important que les gens comprennent qu'il faut respecter les consignes sanitaires et la distanciation sociale.
François Marsat, survivant du Covid-19
Alors que le déconfinement se profile et que les modalités se précisent, les risques n’ont pas disparu. L’enseignant implore les gens de respecter les consignes sanitaires et la distanciation sociale pour faire barrage à la transmission du virus et à la maladie. «
Si je peux être utile avec ce que j’ai traversé… », lâche-t-il humblement.
Gratitude envers les soignants
Et puis, il y a ces regards, ces visages, ces gestes et ces mots qui ont tant compté, au-delà de la prise en charge médicale
. Les médecins, mais aussi tous les soignants, les infirmiers, les femmes et les hommes, qui se sont succédé à son chevet, jour après jour, et qui l'ont accompagné dans son délicat retour à la vie.
J'ai été porté par les médecins et le personnel soignant. Ne vous inquiétez pas, M. Marsat, ils me disaient. Vous allez vous en sortir...
François Marsat, survivant du Covid-19
Leur compétence, leur bienveillance, leurs encouragements resteront à jamais ancrés en lui.
«
Tous les jours il y avait quelqu'un pour m'aider, me soutenir tout simplement, m'écouter, parler avec moi. Ils ont été incroyables, elles ont été incroyables. J'ai été porté par les médecins et les soignants. Ils ont pris le temps, et ça, c'est formidable. Ne vous inquiétez pas, Monsieur Marsat, ils me disaient. Ne vous inquiétez pas, vous allez vous en sortir. D'autres sont passés par là. Et ça, ça fait tellement chaud au cœur
».
Dans quelques semaines, l’instituteur retrouvera d’autres regards et visages familiers, ceux de ses élèves et de leurs parents. «
A la rentrée, j’espère », dit-il, si sa santé le lui permet. «
La rentrée... », septembre 2020. Cela paraît si loin quand on revient de si loin. Pour l’instant, entouré de ceux qu'il aime, il respire, à nouveau, librement.