
Fil d'Ariane
Les autorités corses appellent au calme après une violente rixe entre des jeunes et trois familles d’origine maghrébine, qui a fait cinq blessés dans le nord de l’île samedi. Une vive tension persiste.
Samedi après-midi, une altercation a opposé trois familles de confession musulmane et plusieurs dizaines d’habitants du village de Sisco, à douze kilomètres au nord de Bastia, en Corse. Selon les récits de plusieurs témoins relatés par Le Monde, trois Maghrébins d’une quarantaine d’années ont accusé un vacancier de prendre des photos de leurs épouses voilées. Un adolescent immortalisait la scène avec son téléphone portable. Un des hommes lui a asséné un coup au visage, ce qui a alerté une quarantaine d’habitants du village.
La situation s’est aussitôt embrasée. Un villageois a reçu deux coups de flèche de fusil-harpon dans le bassin en tentant de protéger son fils, également blessé. Un des hommes d’origine maghrébine a été précipité sur la route, un autre a été frappé. Tous deux ont finalement été évacués vers l’hôpital de Bastia, où ont aussi été transportés le père et le fils blessés. Le déroulé des faits reste particulièrement confus. Selon Corse Matin, aucune interpellation n’a eu lieu pour le moment. Une enquête a été ouverte par le parquet de Bastia, afin de recueillir les divers récits des victimes et des témoins de la scène.
#Rixe de #Sisco : une enquête pour faire la lumière sur des "faits intolérables" https://t.co/Mqub6JkoJe pic.twitter.com/XDZ6aTFj8l
— Corse-Matin (@Corse_Matin) 15 août 2016
Dans un communiqué paru le lendemain, les autorités corses précisent que les villageois auraient incendié trois véhicules et jeté des pierres et des bouteilles. Au bout de quelques heures, «la gendarmerie est parvenue à maîtriser la situation, d’une grande violence».
Dimanche, environ 500 personnes ont participé à un rassemblement à Bastia. Une délégation de ces manifestants a été reçue à la préfecture en fin de matinée. A sa sortie, la foule a crié «Aux armes! On va monter parce qu’on est chez nous!» avant de se diriger vers Lupino, un quartier périphérique, dont les gendarmes ont bloqué l’entrée. Une centaine de policiers ont été envoyés sur place pour ramener le calme.
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Une jeune fille mineure, témoin des affrontements, s’est exprimée au mégaphone devant les manifestants. Elle a affirmé que la rixe avait éclaté quand plusieurs femmes qui se baignaient en burkini avaient été prises en photo par des touristes. Selon elle, plusieurs hommes d’origine maghrébine seraient arrivés, munis de hachettes, s’en prenant à un groupe d’adolescents corses qui étaient sur la plage. «Le ton est monté», «les gens du village sont descendus», a-t-elle encore dit, assurant que les pneus de plusieurs de leurs voitures avaient été crevés par des femmes maghrébines.
Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, respectivement président du Conseil exécutif de la Corse et de l’Assemblée de Corse, rappellent que ces événements «suscitent, partout en Corse, et particulièrement dans la région bastiaise, une tension importante qui ne doit en aucun cas rejaillir sur l’ensemble de la population originaire du Maghreb, dont la très grande majorité respecte nos valeurs».
Après les incidents de #Siscu, première analyse et appel au calme pic.twitter.com/6esTKq7fJa
— Gilles Simeoni (@Gilles_Simeoni) 14 août 2016
Le ministre français de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a condamné «avec force ces violences», promettant que les enquêteurs feraient «la lumière sur ces faits intolérables».
Dimanche, Ange-Pierre Vivoni, le maire de Sisco, a annoncé sa décision d’interdire le burkini sur les plages de sa commune après ces incidents. Deux maires du sud de la France avaient déjà proscrit la baignade en burkini ces dernières semaines, suscitant un début de polémique entre tenants d’une stricte laïcité dans l’espace public et défenseurs de la liberté d’expression.
En Corse, plusieurs incidents impliquant la communauté musulmane étaient déjà survenus ces derniers temps. En décembre 2015, un lieu de prière musulman avait été saccagé après une attaque contre des pompiers pour laquelle des jeunes d’origine arabe avaient été mis en cause.
Le mois dernier, l’assemblée de Corse a adopté une résolution demandant à l’Etat de fermer les lieux de culte musulman fondamentalistes dans cette île, quelques heures après que le Front de libération nationale de la Corse (FLNC), un groupe indépendantiste, eut menacé les «islamistes radicaux» d’une «réponse déterminée» en cas d’attaque.