Au moins un des deux auteurs de l'attaque meurtrière dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, mardi 26 juillet 2016, était fiché "S". De quoi s'agit-il ?
Inconnue du grand public avant janvier 2015, la fiche "S" est devenue un élément récurrent dans l'actualité après l'attentat contre le journal satirique français
Charlie Hebdo, puis ceux de Paris en novembre 2015 et dernièrement celui de Nice au mois de juillet 2016.
La fiche "S" est en fait une sous-catégorie d'un fichier plus important, le FPR - fichier des personnes recherchées - créé en France en 1969.
"Il sert à faciliter les recherches effectuées par les services de police et de gendarmerie à la demande des autorités judiciaires, militaires ou administratives", selon la
Cnil (la Commission nationale de l'informatique et des libertés). Celui-ci regroupe des catégories d'individus très variées comme les évadés de prison, les mineurs en fugue, ou encore les personnes privées de sortie du territoire. Il comporterait depuis fin 2010, plus de 400 000 noms.
Un outil de surveillance, pas un mandat d'arrêt
Dans fiche "S", la lettre "S" renvoie à "la sûreté de l'Etat". Selon la loi, toutes les personnes
"faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard" peuvent se retrouver dans la catégorie des fichés "S". Ainsi, les combattants djihadistes ne sont pas les seuls à figurer dans ce fichier. On y trouve également des hooligans, des activistes d'extrême gauche ou d'extrême droite, ou encore des altermondialistes.
Le plus souvent produit par le service de renseignement français, la DGSI - direction générale de la sécurité intérieure - cet outil est mis à disposition des services de police. "
À l'origine, cette catégorie avait été créée pour contrôler les déplacements des diplomates. Puis, elle s'est étendue à la menace terroriste ", a précisé au
Figaro, Louis Caprioli, ancien sous-directeur chargé de la lutte contre le terrorisme à la Direction de la surveillance du territoire (DST).
Selon le décret de 2010 en vigueur, les fiches contiennent notamment l'identité de la personne, une photographie, et le motif de recherche. Et comprennent 16 niveaux de classification. Ceux-ci n'évaluent pas la "dangerosité" d’une personne, comme l'a souligné Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur. Mais plutôt la conduite à tenir par les forces de l'ordre, lors d'un contrôle. Par exemple, le S14 correspond aux combattants djihadistes revenant d’Irak ou de Syrie, indique
Le Monde.fr.
Cependant,
"ces fiches "S" ne sont pas des mandats d’arrêt international, a précisé le ministre sur France Inter à la suite de l'attaque du Thalys en août 2015,
on n’arrête pas les gens sur la base d’une fiche S, c’est un dispositif qui permet de suivre le comportement de gens qui n’ont commis aucune infraction pénale, mais qui peuvent en commettre une."
Et depuis la mise en place de l'espace Schengen, cette surveillance dépasse le seul territoire national. Les pays membres de Schengen font ainsi bénéficier les autres de leur suivi, en déposant des fiches dans une base commune. Mais chaque pays a aussi la possibilité de supprimer une fiche si elle l'estime obsolète, donc la faire disparaître de toute les bases de données.
Source de débats et manque de moyens
Depuis leur exposition médiatique, les fiches "S" ne cessent de faire débat. Car en mélangeant le suivi de personnes condamnées et des personnes présumées innocentes - soupçonnées de visées terroristes ou de vouloir atteindre aux intérêts de l'Etat - des interrogations demeurent quant à l'utilisation de ces fiches. Faut-il soumettre les fichés à un suivi judiciaire, ou même les assigner à résidence de manière "préventive" ? Certaines personnalités politiques sont très favorables à cette dernière option, à l'image des députés "Les Républicains" Eric Ciotti et Laurent Wauquiez, sur leur compte twitter :
"Il y a 20 000 fiches "S" (en France)", avait affirmé le Premier ministre, Manuel Valls, sur Canal plus, en novembre 2015. Mais toutes ne font pas l'objet d'un suivi actif, essentiellement par manque de moyens techniques et humains. A l'heure actuelle, plus de 13 000 fonctionnaires et contractuels sont affectés à des tâches de renseignement et de lutte antiterroriste en France dont 5 000 à la DGSE et 3 000 à la DGSI.