Tests osseux pour migrants : quelle différence entre un jeune de 17 ans et 11 mois et un autre de 18 ans et 1 mois ?

Le Conseil constitutionnel français a validé ce jeudi 21 mars les tests osseux réalisés pour déterminer l'âge des jeunes migrants. Les associations réagissent, telle France Terre d'Asile dont le directeur général, Pierre Henry, a été interrogé par TV5MONDE. 
Image
enfant migrant
(AP Photo/Darko Bandic)
Partager3 minutes de lecture

Quelle a été votre réaction à la décision du Conseil constitutionnel validant les examens osseux pour déterminer l'âge des migrants ? 

Pierre Henry : Le fait de dire que les tests osseux peuvent contribuer à évaluer un âge n'est pas scandaleux en soi, d'autant que le Conseil constitutionnel rappelle que ce n'est pas la seule méthode. Mais en réalité il dit aussi que le référentiel sur lequel est établi la méthode d'évaluation est un référentiel très ancien avec une marge d'incertitude très grande (il est basé sur des données statistiques collectées entre 1935 et 1941 sur des enfants nord-américains de classes aisées avec une marge d'erreur importante entre 18 mois et trois ans, ndlr). Donc la question qui se pose est : l'outil pour mesurer l'âge est-il adapté ? De fait, il ne l'est pas. C'est très étonnant car quand on a un outil inadapté, on le rénove ou on le change ! Il appartient au politique de modifier l'outil.

Les "sages" ont reconnu que ces tests comportaient une marge d'erreur significative qui sera mentionnée dans les résultats des examens. Le texte dit d'ailleurs que "le doute profite à l'intéressé". Ne contient-il donc pas des garde-fous ? 

Pierre Henry : Un outil avec un taux d'incertitude de près de 18 mois n'est pas un outil fiable. Nous avons de nombreux exemples depuis 20 ans où le doute n'a pas profité à l'intéressé justement. La situation n'est pas nouvelle mais elle est compliquée. Sur la route migratoire, il y a des jeunes gens qui ont entre 15 et 20 ans. Si le seul critère est la minorité avec un outil inapproprié, on est dans une impasse. Il faudrait plutôt prendre en compte la vulnérabilité avec un dispositif normalement formaté pour les mineurs et pour les jeunes majeurs. Cela renvoie à tout un problème d'organisation de prise en charge des primo-arrivants. 

Que préconisez-vous comme outil ? 

Pierre Henry : Il devrait être possible de rénover cet outil, ce test, et rétablir des référentiels pour diminuer la marge d'incertitude. Mais la vraie question, au-delà de la minorité, c'est la prise en charge de la vulnérabilité. Il n'y a pas de différence entre un jeune de  17 ans et 11 mois et un autre de 18 ans et 1 mois. Cet outil n'est qu'une indication et le Conseil constitutionnel le rappelle, mais ce n'est pas le seul élément. Toutes les polémiques qui naissent autour de la question de l'âge sont des polémiques en réalité autour de la prise en charge. En France, c'est l'Aide sociale à l'enfance (ASE) qui prend en charge. Et ce sont les départements qui décident. Du coup, ils tendent à se retourner vers l'Etat à la fois pour une indemnisation de la prise en charge et pour traiter les cas de jeunes majeurs. Les pratiques sont variables sur le territoire quant à la pratique de ces tests. Au-delà, il faudrait travailler à une solution conjointe en Europe, avec des mesures de protection pour les mineurs étrangers. C'est invraisemblable que de jeunes gens se trouvent aujourd'hui dans des situations de non-droit sur l'ensemble du territoire européen.
 

Missions de France Terre d'Asile :

  • la promotion du droit d'asile en France
  • l'assistance sociale et administrative aux demandeurs d'asile
  • l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés
  • l'accueil des mineurs isolés et étrangers
  • des actions de formations
  • la conduite de projets d'insertion professionnelle
  • aide à l'exercice des droits des personnes placées en centre de rétention administrative