Thaïlande : un vent de révolution

Depuis plus d'un mois, l'opposition se mobilise à Bangkok pour réclamer le départ du gouvernement de la Première ministre Yingluck Shinawatra. Après avoir occupé des bâtiments officiels, les manifestants menacent de prendre le siège du pouvoir. Cette nuit, la situation a basculé lorsque la police a réprimé les protestations à coup de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Bilan : quatre morts et des dizaines de blessés. Une violence qui rappelle les pires heures de la répression des "chemises rouges", en 2010.
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Thaïlande : un vent de révolution
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Nuit de violences à Bangkok

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01.12.2013Avec AFP
Les Shinawatra dans le collimateur des manifestants            Au coeur de la colère des manifestants, alliance hétéroclite de bourgeoisie conservatrice proche du Parti démocrate, le principal parti d'opposition, et de groupuscules ultra-royalistes : une haine profonde du frère de la Première ministre Yingluck Shinawatra, le milliardaire Thaksin Shinawatra, renversé de son poste de Premier ministre par un coup d'Etat en 2006. Les manifestants l'accusent de rester le vrai décisionnaire de la politique du gouvernement depuis son exil à Dubaï. Les rumeurs de départ à l'étranger de la Première ministre ont été démenties par les autorités, mais celle-ci restait invisible dimanche. Le mouvement actuel a été provoqué par un projet de loi d'amnistie, selon l'opposition taillé sur mesure pour permettre le retour de Thaksin, en exil pour échapper à une condamnation à la prison pour malversations financières. Malgré le rejet du texte par le Sénat, les manifestants n'ont pas désarmé. Un mouvement de protestation à deux visages                    Devant une entrée du siège du gouvernement, les assauts répétés de quelques centaines de manifestants agressifs, déplaçant les blocs de béton et coupant les rouleaux de fil barbelé. Ils ont été repoussés systématiquement par des gaz lacrymogènes et des canons à eau.                    Devant une autre entrée, un sit-in pacifique sous le mot d'ordre "Berlin wall in Bangkok" ("le mur de Berlin à Bangkok") peint en couleurs sur les blocs de béton. "Notre opération de ce jour doit être pacifique, non-violente, avec une entrée polie dans les lieux", a assuré Suthep Thaugsuban, principal meneur du mouvement ; il a appelé les fonctionnaires à se mettre en grève à partir de lundi.
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Yingluck Shinawatra
Escalade de la violence Après l'occupation et le siège, cette semaine, de ministères et d'administrations, que les autorités ont laissé faire de crainte d'aviver la tension, les manifestants ont été autorisés à pénétrer dimanche dans l'enceinte du ministère de l'Intérieur. Mais ils n'ont pas pris le contrôle de chaînes de télévision, contrairement à leurs menaces.                    Un peu plus tôt dimanche, les meneurs des "chemises rouges" pro-pouvoir, réunies par dizaines de milliers dans un stade à Bangkok, avaient appelé leurs troupes à se disperser, par crainte de violences. "Afin de ne pas compliquer davantage la tâche du gouvernement, nous avons décidé de laisser les gens rentrer chez eux", a déclaré leur dirigeante Thida Thavornseth.                    Les violences ont éclaté samedi soir près du stade, quand des opposants ont attaqué à coups de pavés un bus rempli de "chemises rouges". Un homme de 21 ans, première victime de la crise, a été tué par balles dans des circonstances troubles. Trois autres personnes sont mortes et 57 ont été blessées, selon les secours. Au moins deux "rouges" feraient partie des victimes, selon la police.                    Les manifestants semblaient bien moins nombreux que les quelque 180 000 de dimanche dernier. Les meneurs du mouvement ont réclamé un ultime effort pour arriver dimanche à la "victoire" avant l'anniversaire du roi Bhumibol le 5 décembre, célébrations pendant lesquelles il est impensable de manifester, dans une société thaïlandaise très attachée à son roi.   Réminiscences de la répression de 2010   La tension a franchi un cap samedi 30 novembre avec le premier mort, faisant redouter le pire dans un pays prompt à s'embraser. Plusieurs grands centres commerciaux, dont l'un avait été incendié lors de la crise de 2010, ont été fermés.                    Au printemps 2010, quelque 100 000 "rouges" avaient occupé le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la chute du gouvernement, avant un assaut de l'armée. La crise, qui avait fait environ 90 morts et 1900 blessés, avait mis en lumière les divisions de la société entre masses défavorisées du nord et du nord-est, fidèles à Thaksin, et les élites de la capitale qui le voient comme une menace pour la monarchie.                    Dans un pays qui a connu 18 coups d'Etat ou tentatives depuis l'établissement de la monarchie constitutionnelle en 1932, l'armée, appelée en renfort par la police dimanche, a appelé les manifestants à ne pas lui demander de prendre parti. Ce qui ne l'a pas empêchée de laisser apparaître des dissensions. "J'ai contacté le chef de la police nationale pour lui dire d'arrêter d'utiliser des gaz lacrymogènes", a déclaré le puissant chef de l'armée de terre, le général Prayut Chan-O-Cha. "Les deux parties doivent cesser maintenant. J'attends une réponse du gouvernement".

La repression des chemises rouges en 2010 : rappel en images

12.04.2010Reportage : Arnaud Dubus, Bruno Carette
En avril 2010, les manifestations des "chemises rouges" paralysent la capitale thailandaise. Au bout de plusieurs semaines de contestation, le chef du gouvernement Abhisit Vejjajiva décide de déclarer l'état d'urgence et ordonne la répression des "chemises rouges" par les militaires. Sur place, notre correspondant décrit la confrontation : "Il y a eu cinq ou six soldats de tués et un 'chemise jaune', mais l'énorme majorité des morts étaient des manifestants 'chemise rouge', j'en ai été directement témoin, ils ont été abattus comme des lapins par les militaires, alors qu'ils étaient tout à fait désarmés".
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