Fil d'Ariane
La Corée du Nord a effectué un tir de missile balistique ce 18 décembre. Selon le ministère de la Défense japonais, il s’agit d’un missile à capacité de longue portée. Que cherche à montrer la Corée du Nord avec ces tirs ?
Un écran de télévision montre une image du lancement d'un missile nord-coréen lors d'un programme d'information à la gare de Séoul, en Corée du Sud, le 18 décembre 2023.
Après un tir de missile balistique de courte portée le 17 décembre, la Corée du Nord a enchaîné avec un tir de missile longue portée ce 18 décembre. Ce missile a volé sur une distance d'environ 1 000 km, avant de tomber en mer du Japon. Mais "d'après des calculs basés sur sa trajectoire et en fonction du poids de son ogive", il "pourrait avoir la capacité de voler plus de 15 000 km, et dans ce cas tout le territoire des États-Unis serait à sa portée", selon le vice-ministre parlementaire de la Défense du Japon Shingo Miyake.
"Nous condamnons fermement" ces tirs, a déclaré de son côté le Premier ministre japonais Fumio Kishida, rappelant que ces essais violaient des sanctions envers Pyongyang prises par le Conseil de sécurité des Nations unies. Selon le Premier ministre, ces tirs représentent une "menace pour la paix et la stabilité dans la région". Ce tir a également été condamné par les États-Unis, qui dénoncent “une violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies”, mais aussi par la Corée du Sud.
Ce tir intervient quelques jours après des mises en garde de Séoul et Washington qui ont averti Pyongyang que "toute attaque nucléaire" contre les États-Unis ou leurs alliés entraînerait la fin du régime de Kim Jong Un, le dirigeant nord-coréen. Au cours d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a ordonné une riposte "immédiate et écrasante" à toute provocation de Pyongyang et à une réponse conjointe avec les États-Unis et le Japon.
On est avant tout dans une dimension de développement des capacités.
Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique
Le 15 décembre, les États-Unis et la Corée du Sud ont participé à la deuxième session du Groupe consultatif nucléaire à Washington, axée sur la dissuasion nucléaire en cas de conflit avec le Nord. Le tir de missile nord-coréen est-il une réponse à ce Groupe consultatif ? Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique considère que la logique de tir de missile en guise d’avertissement est terminée. “On est avant tout dans une dimension de développement des capacités”, explique-t-il.
Par ailleurs, le chercheur souligne qu’il s’agit du cinquième tir venant de Pyongyang cette année. “Sur le plan politique, il y a une volonté nord-coréenne de “normaliser” ces essais balistiques” afin qu’ils soient considérés comme des non-événements, estime-t-il. Par ailleurs, Antoine Bondaz note qu’en raison du contexte international lié aux différents conflits en cours, le Conseil de sécurité de l’ONU ne cherche plus à condamner et sanctionner les essais balistiques à longue portée de Pyongyang.
Outre les tirs de missile visant à développer la capacité balistique du pays, la Corée du Nord développe ses relations avec d’autres pays. La Chine est alliée avec Pyongyang depuis la guerre de Corée (1950-1953). Aujourd’hui, “on est dans une logique où la valeur stratégique de la Corée du Nord aux yeux de Pékin ne cesse de s'accroître en raison des tensions sino-américaines mais aussi de celles dans le détroit de Taiwan, énumère Antoine Bondaz. Avoir une “autre zone de tensions” pour forcer les Américains à se concentrer sur plusieurs zones est une bonne chose” pour la Chine selon lui.
La Russie utilise la Corée du Nord comme un épouvantail et la Corée du Nord utilise la Russie pour montrer qu’elle n’est pas seule.
Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique
Plus récemment, la Corée du Nord s’est rapprochée de Moscou. En septembre, le dirigeant nord-coréen a même effectué une visite d’État spectaculaire en Russie. “La mise en scène avec la Russie est plus forte, parce que ça fait plus réagir, détaille le chercheur. C’est là où la Russie utilise la Corée du Nord comme un épouvantail et la Corée du Nord utilise la Russie pour montrer qu’elle n’est pas seule.”
Il rappelle cependant que la relation de la Corée du Nord avec Pékin reste plus importante. En effet, 90% des échanges commerciaux du pays en 2016 se sont fait avec la Chine, selon l'Agence coréenne pour la promotion du commerce et de l'investissement. “Pyongyang survit grâce à Pékin et non grâce à Moscou”, conclut Antoine Bondaz.