Fil d'Ariane
Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Europe a fermé son ciel aux avions russes. Moscou a fait de même à l’encontre des compagnies aériennes européennes. Conséquence : le tourisme asiatique et notamment chinois investit de nouvelles destinations.
Deux touristes chinois sont en vacances sur une plage de Hong Kong. Avril 2023.
434. Au dimanche 7 mai 2023, c’est le nombre de jours écoulés depuis le 27 février 2022. Date à laquelle la présidente de la commission européenne Ursula von der Leyen a interdit à la Russie de pénétrer dans l’espace aérien européen. L’une des premières mesures prises par Bruxelles à l’encontre de Moscou suite à l’invasion militaire de l’Ukraine.
“Nous fermons l’espace aérien de l’UE aux avions appartenant à la Russie, immatriculés en Russie ou qui volent sous contrôle russe”, a déclaré la dirigeante européenne le 27 février, suite à un sommet de crise organisé à Bruxelles en présence des 27 États membres de l’Union européenne. “Ces avions ne seront pas autorisés à atterrir, décoller ou survoler le territoire de l’Union européenne. Y compris les jets privés des oligarques”, a précisé Ursula von der Leyen.
En réponse, dès le lendemain, Moscou a pris exactement la même décision à l'encontre des compagnies aériennes européennes. Dans un communiqué daté de février dernier, Rosaviatsia, le régulateur aérien russe, annonçait que 36 pays étaient interdits de survoler la Russie. Parmi lesquels l'ensemble des pays de l’UE, le Canada ou encore le Royaume-Uni.
L’interdiction de survol de la Russie pousse les compagnies aériennes européennes à s’adapter. Les liaisons à destination de l’Asie doivent être totalement repensées. La solution la plus évidente pour elles étaient de modifier les itinéraires de vols avec un contournement de la Russie.
(Re) voir : Ukraine : l'Europe unie face à l'agression russe
Un nouvel itinéraire qui rallonge considérablement les trajets. Par exemple, un vol Paris-Pékin desservit par Air France a vu son temps de vol passer de 10 heures de vol en moyenne à 13, soit trois heures de plus. Et qui dit temps de vol plus long, dit quantité de carburant utilisé par vol qui augmente de facto. Or, le prix du kérosène a fortement augmenté jusqu’à atteindre des records. Une augmentation de près de 40% depuis la pandémie de Covid-19 a été enregistrée. Certaines compagnies tentent de répercuter cette hausse sur le prix des billets d’avion, qui eux aussi ont connu une augmentation significative.
“Non seulement c’est plus long mais c’est aussi plus cher parce que ça demande plus d’essence. Cette hausse des prix gêne beaucoup certains voyageurs, notamment les Chinois”, analyse la sinologue française Marie Holzman. “À la fin de la crise sanitaire liée au Covid, on s’attendait à ce que les nombreux touristes chinois reviennent à Paris. Avant, on voyait des cars entiers remplis de touristes chinois qui arrivaient chaque jour devant les Galeries Lafayette. Ça n’est plus du tout le cas aujourd’hui parce que les billets d’avion sont passés de 500 à 3.000 euros”, explique l’experte.
En 2019, les touristes chinois représentaient seulement 2 % du flux de passagers dans les aéroports parisiens, selon les chiffres du groupe ADP dévoilés par le journal Le Parisien, mais 7% des recettes touristiques de la France. Aujourd'hui, si les ressortissants chinois fortunés peuvent se permettre de payer des billets d’avion à plusieurs milliers d’euros à destination de l’Europe, un grand nombre de voyageurs moins aisé se concentre désormais sur d’autres pays. À commencer par ceux situés en Asie du sud-est.
“C’est un véritable eldorado pour les personnes qui souhaitent partir en vacances mais qui n’ont plus les moyens de se rendre en Europe”, remarque Marie Holzman. Selon ses informations, trois pays asiatiques sont désormais plébiscités par les voyageurs chinois : le la Thaïlande et le Cambodge ainsi que le Népal, un peu plus au nord sur le continent que les deux pays précédents.
Bien que le nombre précis de touristes chinois en Asie du sud-est ces derniers mois soit difficile à chiffrer, Marie Holzeman explique que l’on assiste à un “afflux massif” qui n’a pas les mêmes répercussions en fonction des pays concernés. “La Thaïlande est absolument ravie de cette nouvelle manne financière. Le pays était sur le point de péricliter. L’arrivée massive des touristes relance l’économie”, explique Marie Holzman.
“Au Cambodge en revanche, les habitants s’inquiètent pour l’environnement. Il faut savoir que l’on parle de dizaines de milliers de personnes qui arrivent et qu’il faut construire des immeubles pour les accueillir. Certains Cambodgiens que je fréquente m’ont dit que tout cela a gâché le front de mer”, assure Marie Holzman.
Reste que le pays a accueilli en grande pompe dans sa capitale le vol inaugural de la compagnie nationale chinoise, Air China en février 2023. Pour souhaiter la bienvenue aux 125 touristes chinois posant le pied sur le tarmac, le ministre du Tourisme cambogien, qui a annoncé l'autorisation de l'utilisation du yuan, monnaie chinoise officielle - au lieu du riel cambodgien ou du dollar américain - dans tous les services touristiques.