Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint du magazine Alternatives économiques, nous donne les clés pour comprendre.
Comment est né le G7 ?
"Pour comprendre d’où vient le G7, la première institution créée, il faut revenir à la fameuse crise des années 30. Chacun des pays a essayé de s’en sortir en dévaluant sa monnaie : le travail que l’on produit alors sur son territoire est beaucoup moins cher que chez le voisin, et on trouve donc plus de clients. Mais si tout le monde le fait, ce qui était le cas, c’est comme une "guerre" des monnaies ! Après la seconde guerre mondiale, l’ensemble des grands pays, menés par les États-Unis et la Grande Bretagne, a voulu éviter que ça arrive à nouveau. Ils ont mis en place un système monétaire international pour éviter cette guerre des monnaies. Et de fait le système a fonctionné jusqu’au début des années 70, époque à laquelle les États-Unis ont décidé de s’en affranchir car ils avaient besoin de dévaluer le dollar pour gagner en compétitivité. En face, les Européens ne voulaient pas laisser fluctuer les taux de change dans tous les sens. Ils voulaient coordonner les politiques économiques. En 1975, le président français Valéry Giscard d’Estaing et le chancelier allemand Helmut Schmidt ont eu l’idée de regrouper, une fois par an et de manière informelle, les grands leaders mondiaux pour échanger sur leurs politiques économiques. C’est ainsi qu’est né le G7, regroupant les sept pays les plus industrialisés de la planète. Année après année, les réunions sont devenues de plus en plus formelles. Dans les années 80, l’évènement était couvert par des armadas de journalistes du monde entier, alors que pas un seul ne s’y rendait au début ! Le G7 est alors devenu un forum où les États-Unis étaient - et sont - l’acteur dominant. Ils y font passer l’essentiel de leur message économique au reste du monde. Et le domaine de compétences s’est élargi : en plus des taux de changes, le G7 a commencé à s’occuper de tous les sujets macro-économiques : déficit budgétaire, emploi, chômage, instabilité financière… Des experts – appelés les "sherpas" – s’y retrouvaient à côté des chefs d’État."
D'où vient le G20 ?
"Tout cela a tenu jusqu’à la fin des années 90, où il y a eu une grande crise financière en Asie, doublée par la quasi faillite d’un fond spéculatif aux Etats-Unis (LTCM). Tout le monde a cru que cette crise allait faire exploser le système bancaire international. Et là on s’est aperçu que rester entre pays riches et industrialisés ça ne suffisait pas. Les risques venaient aussi des pays émergents, ces nouveaux « entrants » dans l’économie mondiale. En 1999, on élargi le G7 pour créer le G20, qui intègre, en plus des pays du G8, l’ensemble des pays émergents. Mais ce groupe ne se réunissait pas de manière régulière. Il a fallu attendre la crise des subprimes en 2008 pour que le G20 devienne une institution à part entière. La réponse mondiale à cette crise financière historique s’est organisée à la première réunion du G20 à Washington en novembre 2008. Cette réunion pose les bases d’une régulation financière mondiale. En avril 2009 le G20 de Londres montre un revirement, orchestré par Gordon Brown à l’époque Premier ministre britannique : les grands États de la planète essaient de montrer qu’ils ont repris la main sur les marchés, la finance et sont en train de mettre en place des régulations très sévères. Celui de septembre 2009 à Pittsburgh confirme les principes régulateurs forts et désigne des politiques plus précises et concrètes. On attend des prochains G20, au Canada mais surtout à Séoul en novembre, des décisions finales sur l’encadrement du système bancaire et financier."
Quels sont les domaines de compétences des G8-G20 ?
"Le G20 de Londres a rendu un communiqué de presse très long sur la finance. Pour anticiper tout reproche de type "vous vous préoccupez uniquement de sauver le secteur financier et les banques" ils ont tenu à montrer qu’ils n’oubliaient pas pour autant les questions environnementales, la création d’emploi, etc… Plus qu’une prise en main des dossiers, c’est une volonté de montrer que si le G20 veut régler la question de la finance les chefs d’État n’oublient pas leurs électeurs. C’est un peu de la politique de "communication", pour le moment ils ne font rien sur ces sujets. "
Est-ce que ça fonctionne ?
"Le fait d’armes du G7 date du milieu des années 90. A cette époque, il y a eu un effondrement puis une envolée du dollar et le G7 a à peu près réussi a maitriser les taux de change du dollar. Aujourd’hui, le G20 joue sa légitimité sur sa capacité à répondre à l’attente publique d’encadrement des marchés financiers. Certains pensent que ce G20 est un G vain, mais lorsqu’on se donne la peine de regarder ce que le G20 a proposé sur des sujets extrêmement techniques touchant à la régulation des banques, des marchés et des produits financiers, on s’aperçoit que si ces propositions sont portées jusqu’au bout, elles changeront radicalement la face de la finance. Elle sera beaucoup plus encadrée. Mais oui, c’est un gros "si"… Notamment parce que les banques et les compagnies d’assurance exercent un lobbying intense auprès de leurs gouvernements respectifs pour limiter au maximum ces régulations. Cela pourrait être le second succès de cette institution en trente ans d’existence."
Avec la montée en puissance du G20, le G8 est-il obsolète ?
"Le G20 a des avantages et des inconvénients : l’avantage c’est que si ces 20 pays arrivent à se mettre d’accord alors ça va s’imposer au monde entier. L’inconvénient c’est d’être 20 à devoir s’entendre ! Et comme les grandes institutions internationales travaillent au consensus, tant que tout le monde n’est pas d’accord on n’avance pas. Résultat, des décisions qui concernent uniquement les pays industrialisés devront être prises dans un cadre plus restreint. Est-ce que c’est le G8, ou un G2, 3 ou 4, rassemblant la Chine, les États-Unis, l’UE et le Japon qui doit impulser les décisions et les faire ensuite accepter au G20 ? Pour le moment ce n’est pas tranché. Ce qui est vrai c’est qu’aujourd’hui le G7-G8 ne semble plus adapté."
Les Etats-Unis sont-ils le maître du monde ?
"Il me semble qu’ils sont toujours le principal pouvoir que ce soit dans la sécurité, la finance, la production ou le savoir. Dans ces domaines, ces sont des entreprises privées ou des institutions publiques américaines qui tiennent le haut du pavé. La question est de savoir dans quelle mesure on arrive à mettre les Américains dans un cadre multilatéral pour arriver à leur faire partager nos soucis, nous le "reste du monde" et avoir notre mot à dire ! Toutes ces institutions internationales – OIT, OMC, FMI… et G20 - servent à faire entendre notre voix face à la puissance dominante ! Les Américains eux s’en servent pour porter aux chefs d’État du reste du monde leur propre volonté ! Pour le bien-être de l’économie mondiale selon eux, et pour le bien-être des exportations américaines selon moi, les Américains dictent leur « loi », en disant par exemple à certains pays - aujourd’hui ils visent l‘Allemagne et la Chine - de dynamiser leur croissance interne. Il y a donc un compromis à trouver au sein de ces institutions entre ces deux volontés."
Est-ce qu’on va vers une gouvernance économique mondiale ? Quels en sont les enjeux ?
"Le G20 propose les bases d’une gouvernance économique mondiale. En ce qui concerne la finance, il a délégué ce rôle au Conseil de stabilité financière. Si ce Conseil arrive a harmoniser les règles de la finances mondiales, alors oui on pourra dire que le G20 aura créer la base d’une gouvernance financière mondiale. Du côté des banquiers, ça s’affole, car si le G20 va aussi loin que ce qu’il a dit, ça pourrait leur poser un gros problème de financement de l’économie. En clair, le risque c’est que les contraintes qui pèsent sur les banques les obligent à réduire leur distribution de crédits, ce qui impactera la croissance. Après ça dépend à quel niveau : les banquiers parlent de - 5 à 6 % de croissance au niveau mondial, les experts parlent de -0,5 à 1%. Mais de fait, ça cristallise aujourd’hui les positions entre gouvernants et industriels. A mon avis, le risque aujourd’hui est plus de sous-réglementer que de sur-réglementer." Propos recueillis par Laure Constantinesco 23 juin 2010