La spécialiste de commerce international Charlotte Dammane est l'auteure de "Pourquoi Bruxelles brade l'Europe ?", ouvrage de décryptage des enjeux du projet de traité transtlantique TAFTA. Elle en parle sur le plateau du 64 minutes de TV5MONDE.
En 120 pages et dix questions, Charlotte Dammane interroge le projet de traité de libre-échange entre États-Unis et Europe, ainsi que la capacité de la Commission européenne à défendre les intérêts de l'Union.
Elle souligne la différence d'approche des négociations entre les deux parties : "Les acteurs économiques américains font bloc aujourd'hui derrière leur administration alors que côté européen, on a beaucoup plus d'hésitations et des difficultés à élaborer une ligne commune." Chaque pays européen peut avoir des intérêts différents de ceux de ses voisins à défendre.
Autre différence notable entre les deux continents, leur "vision du monde". À titre d'exemple : le principe de précaution en vigueur en Europe n'existe pas aux États-Unis. Tout produit peut y être mis sur le marché, et n'est retiré qu'en cas de dangerosité avérée. Tandis qu'au sein de l'Union européenne, la même substance peut être suspendue avant commercialisation si elle est mise en doute.
Bol de nouilles
Aujourd'hui les négociations multilatérales au sein de l'Organisation mondiale du commerce sont au point mort. D'où, progressivement, le développement de multiples accords entre États. Cela aboutit à une sorte de "bol de nouilles, avec des accords bilatéraux qui se multiplient et qui s'enchevêtrent, au point de ne plus rien y comprendre." Selon la spécialiste, si le TAFTA est conclu, il concernera 820 millions de consommateurs et représentera la moitié du PIB mondial. "Ces règles s'appliqueront, de fait, à tout le monde".
L'un des principaux points de critique des négociations en cours - outre leur opacité, entre autres vis-à-vis des parlementaires censés voter le texte en fin de parcours - l'idée de tribunaux d'arbitrage, qui pourraient permettre à une entreprise privée étrangère de faire condamner un État, trop soucieux de ses normes environnementales par exemple. Un système qui existe déjà en Europe rappelle Charlotte Dammane, mais pour protéger des entreprises - pétrolières notamment - qui investissent dans des pays sans système juridique fort. Or, "avec les États-Unis, où il existe deux systèmes juridiques transparents et indépendants qui fonctionnent bien, quel est l'intérêt de mettre en œuvre ce genre de protection, qui se fait la plupart du temps au bénéfice des entreprises et contre les États ?" Pour beaucoup, la réponse est dans la question.