Et si la mobilité changeait du tout au tout ? Et si les promesses du ministre Nicolas Hulot sur la fin du Diesel en 2040 étaient réalistes ? Mieux, et si l'on inventait des routes 5e génération, solaires et intelligentes ? Au forum Electric Road à Nantes en ce début de semaine, les constructeurs de voitures électriques, de bornes de recharge et de routes du futur veulent y croire.
Il en aura fallu du temps avant qu'elle ne trouve son public ! Plus de cent cinquante ans d'essais, de lancements... et de ratés. Car la voiture électrique a été inventée au début du XIXème siècle, avant même le moteur à explosion et donc la voiture diesel ou essence classique.
150 ans d'essais
Aujourd'hui, le lobby électrique peut presque crier victoire. En 2017, 30 000 voitures 100% électriques ont été vendues en France, soit une augmentation de 13% par rapport à 2016. Dans le monde, ce sont 1,1 million de voitures propres qui se sont vendues en 2017.
Après des ratés répétés, la technologie parfois décrite comme "éternellement émergente", serait enfin en passe de se faire une place sur le marché. En France, le constructeur automobile Renault se pose en leader avec 15 000 voitures vendues en 2017. Côté luxe, Tesla fait aussi le choix de l'électrique, version haut de gamme, à plus de 100 000 euros la voiture. Des montants expliqués par sa grande autonomie et un service de charge ultra-rapide : 30 minutes pour recharger un véhicule.
Lorsque l'électrique est chic. La voiture Tesla à plus de 100,000 euros.
Côté service public, le marché est aussi en plein boom. La RATP promet de passer l'ensemble de sa flotte (actuellement 4 500 bus) en électrique d'ici 2025. Déjà, les gros groupes comme Alstom essaient de se positionner sur le marché. Quant à la Poste, en plus de sa flotte de 8 000 voitures et de 20 000 vélos électriques, elle vient de créer le chariot électrique, intelligent, qui avance tout seul et suit le facteur à la trace.
Pierre-Adrien Desmaizieres, chargé de projets innovants à La Poste, sur leur chariot électrique et intelligent.
Quels systèmes de recharge ?
Si l'électrique a mis autant de temps à trouver preneur, c'est notamment à cause des difficultés de recharge. Patrice Bardin du groupe Bolloré (environ 10 000 bornes installées en France ; dont le système Autolib à Paris, pour lequel le groupe est désormais en conflit avec la ville de Paris) le concède : "brancher son véhicule, cela demande un changement de mentalité".
Patrice Bardin, Directeur Commercial Bluecar, Groupe Bolloré, sur les systèmes de charge.
Plutôt que des bornes de recharge publiques, la start-up Gluplug fait elle le choix de chargeurs "privés". Pour Eric Marsan, à la tête de la petite entreprise, "L'essentiel est d'avoir la bonne borne, au bon endroit, au bon moment, pour le bon usager. On peut, par exemple, recharger sa voiture chez soi, ou au travail". Pour développer l'attrait pour l'électrique et faciliter la tâche des usagers, il travaille avec son équipe sur l'automatisation de la recharge. Son innovation : un câble qui sort automatique de la voiture et vient se brancher à une petite borne déjà installée sur une prise électrique.
Assez d'électricité pour tous?
Autre problématique, si cela prend, si l'engouement pour la voiture électrique s'amplifie, y aura-t-il assez d'électricité pour tous ? Régis Le Dresen, délégué régional ENEDIS, qui travaille sur des scénarios à 2035, se veut rassurant : "Si le parc est de 9 millions de voitures électriques en 2035 - ce qui est déjà très optimiste - et si la moitié de ces véhicules sont pilotés, la consommation serait de 25TéraWatt /Heures, soit 5 % de la consommation totale en en France. On peut totalement le gérer".
Par contre, cela devient plus problématique si, à un instant précis, tous les véhicules se branchent en même temps. Cela représenterait alors un "appel en puissance" de 17 GW, un chiffre élevé. A titre de comparaison, lors de l'hiver 2012, l'un des plus froids de ces dernières années, le réseau a vu un pic de consommation électrique de 102GW.
Des routes 5ème génération
Pour recharger les voitures électriques, une autre technique pourrait fonctionner... en roulant."
Ce serait le Graal ", estime Nicolas Hautère, de l'IFSTTAR. Les équipes de l'Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, ont mis au point un prototype. Ils se basent sur deux technologies. Une par induction : des ondes transmettent l'énergie par courte portée entre le sol et le véhicule. L'autre par frottement de patins qui viennent conduire l'électricité entre la route et le véhicule.
Le problème :
"Pour l'instant, nous arrivons à faire la démonstration d'un côté la production d'énergie avec les routes solaires ; et d'un autre côté la recharge, par induction par exemple. Mais nous n'arrivons pas à faire les deux en même temps. L'électricité que génére une route à l'instant "t" n'est pas assez puissante pour recharger un véhicule. Il faudrait mettre en place des moments de stockage."
Nicolas Hautère, de l'IFSTTAR, et la possibilité de recharger les voitures... en roulant.
Côté énergie, les routes représentent un potentiel immense. La France compte 1 million de kilomètres de bitume, soit "
12 millions de kilomètres carrés" aime à rappeler Nicolas Hautère. Recouvert de panneaux solaire, le réseau routier pourrait, selon ses calculs, générer quatre fois la production électrique annuelle actuellement produite par EDF. Solaires, numériques, intelligentes, ce sont les "routes 5ème génération". La première étant le chemin, la deuxième la voie romaine avec des pavés, la troisième le bitume, la quatrième les autoroutes avec les ponts routiers.
La France est encore loin des 1000 kilomètres de route solaire promis par le gouvernement lors de la COP21 en 2015. Pourtant, les initiatives se multiplient. Dotée de cellules photovoltaïques, la route du groupe Wattway capte l'énergie, la stocke dans des batteries, qui alimentent ensuite un lampadaire, des panneaux d'information, ou encore des bornes de recharge pour vélos ou voitures électriques.
Un kilomètre de cette route solaire a été installé en Normandie, un autre tronçon près de la Défense, le quartier d'affaires de la capitale française. Le groupe a aussi des vues sur le Sud du Japon, où l'ensoleillement est meilleur qu'en France. Selon son directeur Etienne Gaudin, il est pour l'instant irréaliste de couvrir l'ensemble du réseau, le groupe va d'abord se concentrer sur des petites zones, et recouvrir des parkings par exemple.
Etienne Gaudin, du groupe Wattway sur la route solaire
La voiture solaire
Plutôt que la route, d'autres misent sur la voiture solaire. Profilée, entièrement équipée de cellules photo-voltaïques, c'est un peu un ovni. Avec elle, François Léon, a parcouru les déserts du Maroc ou d'Abu Dhabi. Il n'a pas souvent atteint le podium, faute de moyens, "
pas la faute du conducteur" sourit-il. Il n'empêche, avec du 70 kilomètres heure en moyenne, sur parfois des courses de 1200 kilomètres, il avance ! "
Et tombe de moins en moins souvent en panne". En 2015, dernier classement en date, avec sa voiture solaire, la France se classe 22ème sur 54ème au classement mondial.
Ce "bolide" marche aux panneaux solaires. Aux commandes : François Léon.
Surtout, la société EcoSolar Breizh lance un véhicule urbain solaire, entièrement autonome en énergie, à 50 kilomètres heure de moyenne, qu'il espère voir bientôt parcourir les rues de Brest.