Fil d'Ariane
« La vie plutôt que l’économie », telle était la devise qui a guidé l’action des autorités chinoises pour lutter contre la pandémie de Covid-19 apparu dans ce pays à la fin 2019. À partir de cette date, la Chine a appliqué une politique de zéro Covid des plus strictes. Cette politique a pris fin le 7 décembre, de manière assez brusque, après des manifestations de colère dans la population. Résultat : la pandémie progresse à grande vitesse alors que les données fournies par Pékin. Que sait-on sur la pandémie de Covid en Chine ?
Selon les données de l’OMS, au 23 décembre 2022, la Chine a rapporté :
10.167.676 cas confirmés de Covid-19. Dont 31 585 morts
Mais depuis la levée des restrictions le 7 décembre, la Chine n’a officiellement reconnu que 6 morts du Covid. De nombreux experts estiment que ce bilan est sous-évalué alors que les mesures très strictes ont été levées.
Force est de constater que les autorités chinoises ont reconnu leur incapacité à mesurer l’étendue de la vague épidémique car leurs données ne sont plus en phase avec la réalité sur le terrain. Elles ont réduit le nombre de critères pour imputer un décès au Covid qui ne concerne désormais que ceux liés à une insuffisance respiratoire ou une pneumonie après avoir été testé positif. Les malades n’ont plus besoin de se déclarer. Les tests en masse sont levées et la Chine ne déclare plus les cas asymptomatiques.
Selon un responsable du contrôle des maladies, Yin Wenwu, pour "combler les défauts dans les chiffres (officiels) rapportés", les autorités utilisent des données recueillies lors de sondages en ligne, de visites à l'hôpital, de demandes de médicaments contre la fièvre et d'appels d'urgence.
Dans un article publié le 21 décembre par la société d'analyse prédictive de la santé Airfinity, qui se base sur les données fournies par les autorités chinoises locales et non nationales, "il y aurait probablement plus d'un million de cas par jour en Chine et plus de 5 000 décès par jour".
Covid-19 : en Chine, une nouvelle flambée inquiète le monde entier
Depuis dimanche 25 décembre, la Commission nationale de la santé a cessé de publier le nombre de cas quotidiens sans donner d’explication. Ces informations détaillées qui faisaient autorité étaient délivrés depuis le 21 janvier 2020.
Désormais le Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, dépendant de la Commission nationale de santé, délivrera des informations sur la pandémie sans préciser à quelle fréquence ces bulletins seront fournis.
La Commission nationale de la santé a annoncé lundi 26 décembre soir qu'elle reclassifierait le nouveau coronavirus, le faisant passer de "pneumonie à nouveau coronavirus" à "infection à nouveau coronavirus". Elle rétrograderait simultanément la gestion de la maladie de la classe A à la classe B conformément à la loi nationale sur les maladies infectieuses.
(Re)voir : Chine : les chiffres cachés du CovidLe 7 décembre, la levée de la politique de zéro Covid s'est apparentée à un revirement soudain qui a mis fin à près de trois années de tests de masse généralisés, de confinements inopinés et quarantaines prolongées. La politique de zéro Covid a aussi sérieusement affecté l'économie chinoise, la deuxième plus importante au monde, et perturbé les chaînes d'approvisionnement du pays.
Désormais, les personnes infectées et celles qui sont en contact étroit ne seront pas mises en quarantaine. Aucun test à grande échelle ne sera réalisé. La nouvelle politique vise à se concentrer les groupes les plus vulnérables et à consacrer tous les efforts au traitement des patients dans un état grave.
Selon Jiao Yahui, fonctionnaire à la Commission nationale de la santé, cité par le quotidien d'Etat China Daily, le traitement des patients sera différencié : "Les patients atteints de COVID-19 sans problèmes de santé existants graves et qui présentent des symptômes légers peuvent recevoir un traitement à domicile."
"Les patients plus âgés ou ceux qui ont des problèmes de santé graves peuvent se rendre dans les hôpitaux - généralement ceux qui étaient auparavant mobiles - si leur état reste stable. Les personnes gravement malades, qui souffrent d'une nouvelle pneumonie à coronavirus, peuvent être traitées dans des hôpitaux désignés. les problèmes de santé ou toute autre maladie dont le test est positif peuvent également se rendre dans les hôpitaux pour se faire soigner", détaille Jiao Yahui.
Le 26 décembre, Pékin annonce la fin des des quarantaines obligatoires à l'arrivée en Chine à partir du 8 janvier 2023. Depuis mars 2020, tous les voyageurs arrivant en Chine devaient observer une quarantaine obligatoire. D'abord d'une durée de trois semaines, elle a été réduite à une seule en juin, puis à cinq jours en novembre 2022.
A compter du mois de janvier, seul un test négatif de moins de 48H sera exigé pour entrer sur le territoire chinois.
Le lendemain, les autorités migratoires chinoises ont aussi annoncé la reprise graduelle de l'octroi de passeports pour le "tourisme" et les "visites d'amis à l'étranger" à partir du 8 janvier.
Les frontières du pays restent malgré tout presque totalement fermées aux ressortissants étrangers depuis 2020. La Chine a cessé depuis bientôt trois ans de délivrer des visas touristiques. Une mesure amenée à se poursuivre.
"La pandémie n'est pas encore terminée", s'est défendu mardi un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin. "La Chine continuera d'adapter sa politique en matière de visas", a assuré le porte-parole.
La Chine a développé sept vaccins dont deux ont été distribués à travers le monde après approbation par l'Organisation Mondiale de la Santé. Pékin se targue de développer de nouveaux vaccins innovants. "Récemment, la Chine a accordé une approbation conditionnelle à cinq vaccins contre le COVID-19 et une autorisation d'utilisation d'urgence à huit vaccins", a déclaré Huang Guo, directeur adjoint de l'Administration nationale des produits médicaux, lors d'une conférence de presse le 20 décembre. Parmi ces derniers, un premier vaccin à inhaler par la bouche et un autre pulvérisateur nasal, à utiliser uniquement comme dose de rappel.
Selon les données de l'OMS, au 29 novembre 2022, plus de 3,465 milliards de doses ont été administrées, quel que soit le type de vaccin.
D'après le China Daily, journal d'Etat chinois, au 13 décembre, la partie continentale avait complètement vacciné 90,37% de sa population, mais le taux était de 86,6% pour les personnes âgées de 60 ans et plus et de 66,4% pour celles âgées de 80 ans et plus.
Reste que selon le journal indépendant honkkongais South China Morning Post, seul 40% des personnes âgées de 80 ans et plus ont reçu une dose de rappel supplémentaire au début du mois de décembre.
Plus de 130 nouveaux sous-lignages du variant Omicron ont été détectés en Chine au cours des trois derniers mois, a déclaré fin décembre Xu Wenbo, le chef de l'institut de contrôle des virus au Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies.
Il a assuré que les hôpitaux du pays collecteraient des échantillons provenant de patients et téléchargeraient les informations de séquençage dans une nouvelle base de données nationale, ce qui permettra aux autorités de surveiller les nouvelles souches en temps réel.
(Re)lire : Chine : la flambée des cas de Covid-19 augmente-t-elle le risque de nouveaux variants ?
Parmi eux, XXB et BQ.1 et leurs propres sous-lignages, qui se sont propagés aux États-Unis et dans certaines parties de l'Europe ces derniers mois alors qu'un essaim de sous-variants se disputaient la domination dans le monde entier.
Cependant, BA.5.2 et BF.7 restent les principales souches d'Omicron détectées en Chine, a déclaré Xu Wenbo, ajoutant que les différents sous-lignages vont probablement co-circuler.
"Une soupe" de plus de 500 nouveaux sous-variants d'Omicron a été identifiée ces derniers mois, a rappelé Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale de l'Université de Genève.
"Tous les variants, lorsqu'ils sont plus transmissibles que les variants dominants auparavant - tels que BQ.1, B2.75.2, XBB, CH.1 ou BF.7 - représentent définitivement des menaces, car ils peuvent provoquer de nouvelles vagues", a déclaré l'épidémiologiste. "Aujourd'hui, aucun de ces variants ne semble présenter de nouveaux risques particuliers de symptômes plus graves, mais cela pourrait être le cas de nouveaux variants dans un futur proche", a-t-il ajouté.
Les autorités chinoises reconnaissent que la levée de la politique zéro Covid provoque une hausse des contaminations, comme l'explique dans China Daily Lei Zhenglong, fonctionnaire au Centre national de prévention et de contrôle des maladies, cela "entraînera une recrudescence des infections et une demande accrue de services médicaux, et entraînera une pénurie de ressources médicales dans la phase précoce. Le public peut être anxieux d'être infecté en raison de la poussée et de la peur résultant de l'infection."
Wu Zunyou, épidémiologiste en chef au Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, a déclaré que le pays serait touché par trois vagues de COVID-19 :
- cet hiver, la première vague se concentrera sur les zones urbaines jusqu'au milieu du mois prochain.
- la deuxième vague sera déclenchée par un mouvement accru pendant la fête du printemps de fin janvier à mi-février,
-la troisième, de fin février à mi-mars, sera liée au retour des employés migrants sur leur lieu de travail.
Cette reprise épidémique hivernale survient à quelques semaines du Nouvel an lunaire fin janvier, au cours duquel des millions de personnes voyageront pour retrouver leurs proches.
Les projections faites par Airfinity sont beaucoup plus alarmistes.
Selon cette société d'analyse prédictive de la santé, la Chine devrait connaître deux pics de cas alors que le COVID-19 se propage dans tout le pays, le premier pic à la mi-janvier atteindrait 3,7 millions de cas par jour et le second début mars culminerait à 4,2 millions par jour en mars 2023.