Fil d'Ariane
Entre Washington et Mexico, la crise migratoire fait figure de dossier prioritaire. En 2022, près de 2,4 millions de personnes ont été arrêtées et expulsées par les autorités américaines à la frontière mexicaine après avoir tenté d’entrer illégalement sur le territoire américain, c’est une augmentation de 37% par rapport à l’année précédente. Rien qu’en novembre dernier, les Américains ont arrêté quelque 230 000 personnes à leur frontière mexicaine.
Ces chiffres donnent une idée de l’ampleur de la crise migratoire entre le Mexique et les États-Unis. Joe Biden est d’ailleurs allé en visite le 8 janvier dernier à la frontière, on lui reproche de ne pas s’être occupé de ce dossier depuis sa prise de pouvoir il y a deux ans, et d’être soit trop laxiste, soit trop ferme, selon le camp qui le critique. Cette question a été au centre de la rencontre en tête à tête qu’il a eu lundi soir avec le président mexicain.
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Ce dossier immigration sera également abordé dans le tête à tête que Joe Biden va avoir mardi avec Justin Trudeau, parce que sur le front de la frontière nord des États-Unis, il y a aussi une problématique migratoire. Le Premier ministre canadien va parler avec le président américain de l’entente sur les tiers pays sûrs. En vertu de cet accord, un migrant en provenance des États-Unis qui veut réclamer l’asile au Canada doit y entrer illégalement, parce que s’il le fait à un poste frontalier canadien, il sera automatiquement refoulé aux États-Unis car c’est là qu’il doit d’abord demander l’asile en tant que premier « lieu sûr » où il est arrivé.
Sous l’ère de Donald Trump, le nombre de demandeurs d’asile qui ont traversé illégalement la frontière entre les États-Unis et le Canada a littéralement explosé, créant une crise migratoire sans précédent au Canada. Entre 2017 et 2019, plus de 53 000 personnes sont ainsi entrés illégalement au Québec par le chemin Roxham, au sud de Montréal, pour demander l’asile au Canada. Le Premier ministre Trudeau veut demander au président Biden de revoir cette entente, qui est en vigueur depuis 2004, pour endiguer le flux de demandeurs d’asile au Canada.
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« Je me demande honnêtement s’il y aura des changements sur cette entente parce que la frontière avec le Canada n’est pas une priorité pour les Américains, s’interroge Frédérick Gagnon, Titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand, directeur de l'Observatoire sur les États-Unis et de l'Observatoire des conflits multidimensionnels et professeur au département de science politique de l'Université du Québec à Montréal. Biden est surtout préoccupé par ce qu’il se passe à la frontière mexicaine, mais ça concerne le Canada aussi car beaucoup de ces migrants qui entrent illégalement aux États-Unis par la frontière mexicaine sont tentés de remonter jusqu’au Canada pour demander l’asile ».
L’autre gros dossier de discussion entre les trois amigos, c’est la lutte contre le trafic de drogue, en particulier contre les cartels mexicains qui inondent les marchés américains et canadien de fentanyl, une drogue à l’origine d’une véritable épidémie d’overdoses dans les deux pays.
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Les États-Unis ont félicité le Mexique pour l’arrestation mouvementée d’un des trafiquants clé de fentanyl, Ovidio Guzman, qui est le fils d’El Chapo, ce trafiquant de drogue notoire condamné à la prison à vie dans un pénitencier américain. Mais les cartels mexicains restent encore omnipotents au Mexique et les Américains et les Canadiens vont mettre la pression pour que les autorités mexicaines intensifient la guerre qu’elles leur mènent.
le Canada et les États-Unis, mais aussi le Mexique, veulent voir comment développer des chaines de production nord-américaines pour réduire leur dépendance envers la Chine
Frédérick Gagnon, professeur au département de science politique de l'Université du Québec à Montréal
Plusieurs dossiers de nature économique et commercial sont aussi au menu des discussions entre les trois dirigeants. « Le protectionnisme de Joe Biden est toujours présent, parce qu’il y a une demande pour ça aux États-Unis, achetons local, produisons local et le président américain va continuer à favoriser une politique protectionniste » explique Frédérick Gagnon.
Lors de la dernière rencontre entre les trois amigos en novembre 2021 à Washington, il y avait eu des frictions entre le Canada et les États-Unis parce que le président Biden avait déclaré qu’il voulait favoriser l’achat de véhicules électriques produits aux États-Unis, sur le principe de la doctrine « Buy American » [acheter américain, NDLR]. Mais les Américains ont finalement intégré les fabricants nord-américains dans les crédits d’impôt qui sont offerts à ceux qui achètent des véhicules électriques. « Ottawa a évité le pire dans ce dossier, souligne Frédérick Gagnon, les Américains ont réalisé que le Canada pouvait être un allié intéressant dans le secteur des minéraux critiques – des minéraux dont on a besoin pour notamment produire les batteries des voitures électriques – parce que les États-Unis veulent réduire leur dépendance par rapport à la Chine dans ces marchés. Même principe pour le marché des petits conducteurs nécessaires à la construction des téléviseurs et des téléphones intelligents, on a vu pendant la pandémie la rareté de ces produits, donc le Canada et les États-Unis, mais aussi le Mexique, veulent voir comment développer des chaines de production nord-américaines pour réduire leur dépendance envers la Chine dans ces secteurs ».
C’est clair que la relation entre le Canada et les États-Unis se porte beaucoup mieux depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden
Frédérick Gagnon, professeur au département de science politique de l'Université du Québec à Montréal
Autrement dit, oui, le Canada doit continuer à rester vigilant par rapport à la menace protectionniste des États-Unis mais Washington semble aussi réaliser que la coopération avec ses partenaires économiques que sont le Canada et le Mexique est nécessaire pour réduire sa dépendance au marché chinois.
« C’est clair que la relation entre le Canada et les États-Unis se porte beaucoup mieux depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, analyse Frédérick Gagnon, mais il ne faut pas oublier que dans cette relation, même si le président américain aime bien les Canadiens, son intérêt restera toujours de satisfaire les Américains avant tout, notamment pour des raisons électorales ».
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On s’attend à ce que le président Biden fasse une visite au Canada au cours de l’année, étant donné qu’il n’est pas encore venu depuis son arrivée à la Maison Blanche. La tradition veut que le président américain qui prend ses fonctions fasse son premier voyage à l’étranger au Canada, une tradition que Donald Trump avait balayée de la main et que Joe Biden n’a pas pu respecter à cause de la pandémie.