TTIP : le déni de démocratie au cœur des négociations ?

Un nouveau cycle de négociation entre l'Europe et les Etats-Unis sur le traité de libre échange transatlantique a repris ce lundi 02 février à Bruxelles. Le TTIP sera-t-il imposé contre la volonté des peuples ?
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De gauche à droite : Le négociateur américain Dan Mullaney et le négociateur pour l'Union européenne Ignacio Garcia Bercero (photo : AP)
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97% des 150 000 Européens qui ont répondu par Internet à la consultation publique sur le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership— Traité de libre échange transatlantique appelé aussi TAFTA) sont contre la création de tribunaux commerciaux arbitraux. Un tel taux de participation pour une consultation publique est une première dans l'Union européenne.

La création des tribunaux de commerce arbitraux privés permet à des multinationales de s'attaquer aux Etats

La Commission européenne a organisé cette consultation entre mars et juillet 2014 après que de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer l'opacité et le caractère non-démocratique du déroulement de l'accord de libre échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis.

Cette consultation n'a pas de caractère référendaire et n'est pas non plus un sondage, selon la Commission européenne. Elle ne sert donc qu'à une seule chose : permettre aux populations de pouvoir exprimer leur opinion, mais sans que celle-ci n'influe sur les décisions futures. Le traité de libre échange, contesté de toutes parts sera-t-il négocié et signé contre les Européens, et sans leur accord ?

Parodie de démocratie

Le collectif national unitaire "Stop TAFTA" souligne le caractère méprisant de la Commission,  qui estime que les participants à la consultation n'en ont pas bien compris les enjeux :

"Le collectif Stop TAFTA dénonce le mépris de la Commission face à la mobilisation des populations européennes pour dénoncer les privilèges accordés aux investisseurs dans le projet d’accord UE-États-Unis. Censée répondre à leurs inquiétudes, la consultation n’aura finalement été qu’une parodie supplémentaire de démocratie visant à dérouler le tapis rouge aux multinationales et à légitimer leurs demandes."

Si les accords de libre-échange entre l'UE et les Etats-Unis doivent permettre un abaissement des droits de douanes et la suppression de nombreuses règles sociales, sanitaires et environnementales qui sont fortement contestés par les citoyens, la création des tribunaux de commerce arbitraux privés permet à des multinationales de s'attaquer aux Etats si celles-ci estiment que les lois ou réglementations ne leur permettent pas de rentabiliser leurs investissements.

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Manifestante britannique anti-TTIP à Londres, en 2014 (photo : AP)

Philip Morris a ainsi attaqué l'Etat australien par le biais du contrat bilatéral passé entre l’Australie et Hong Kong — l'équivalent du TTIP pour cette région :  un tribunal arbitral privé international rendra donc un jugement début 2015. La multinationale estime que la politique de santé publique australienne pour lutter contre la tabagie, entrave sa liberté de commerce : Philip Morris pourrait toucher plusieurs milliards de dollars payés par le contribuable australien, si le tribunal arbitral lui donnait raison…

Round d'échauffement ou de fin ?

Le huitième round de négociation de cette semaine devrait traiter des droits de douane et de la coopération en matière de réglementation.

Selon la Commission, un mandat de négociation d’un traité commercial n’est pas un acte légal de l’Union

La Commission a mandat pour discuter de ces accords, et personne ne peut connaître la teneur précise des débats. Une Initiative Citoyenne Européenne (ICE) demandant l'arrêt des négociations sur le traité de libre échange a pourtant été validée avec plus d'1 million de signatures, comme c'est la règle dans l'Union. Mais la Commission a estimé qu'un mandat de négociation d’un traité commercial n’est pas un acte légal de l’Union, et a donc… rejeté l'ICE.

Un rapport de mi-mandat sur le TTIP est préparé par le Parlement européen, il devrait être soumis au vote en mai. Le TTIP n'est pas encore ratifié, et si une volonté de transparence de la Commission européenne — causée par l'hostilité à son encontre — commence  à voir le jour, rien n'est certain quand à la date du vote qui le verra s'appliquer… ou au contraire, être rejeté.