Le fait divers est un genre journalistique attesté par le Trésor de la langue française dès 1859.
Cette rubrique des faits divers fascine, mais a également pris dans la seconde moitié du 19ème siècle une connotation péjorative. On pense au terme peu glorieux "chiens écrasés", qui désigne la rubrique des fait divers en argot journalistique.
Mais la rubrique fait divers ne recouvre pas que des drames : aujourd'hui, les scandales et autres histoires liés aux "peoples" se retrouvent dans ces pages.
La définition que l'on peut trouver actuellement
dans le glossaire des termes de la presse écrite est la suivante : "Événement plus ou moins important qui ne relève ni de l'actualité mondiale, ni de la politique, ni de l'économie. Le fait divers est un accroc à l'ordre social, le plus souvent malheureux : accident de toute sorte, catastrophe aérienne, drame conjugal, enlèvement, mort d'une star, etc. Il est intéressant de savoir, par exemple, que jusqu'à ces dix dernières années, les journaux soviétiques ne relataient pas les faits divers, qui auraient traduit une faille du système."
Le moins qu'on puisse dire, c'est que chercheurs, critiques, historiens ou journalistes ne sont pas unanimes autour de sa définition.
En 1966, Roland Barthes en donnait cette définition dans ses Essais critiques : « Le fait divers procéderait d'un classement de l'inclassable, il serait le rebut inorganisé des nouvelles informes... désastres, meurtres, enlèvements, agressions, accidents, vols, bizarreries, tout cela renvoie à l'homme, à son histoire, à son aliénation, à ses fantasmes, à ses rêves, à ses peurs... »
Marc Lits, professeur et chercheur au département communication de l'Université de Louvain (Belgique) et l'un des rares spécialistes du fait divers aujourd'hui, explique que "c'est d'abord un événement médiatisé, ensuite un événement qui fait rupture par rapport à l'ordre établi des choses - le train qui arrive en retard par exemple - et enfin un événement qui se saisit par lui-même, sans qu'il rentre dans une catégorie telle que politique, social, économique... Le fait divers touche des personnes privées de manière individuelle."
Le
sociologue Laurent Mucchielli, spécialiste de la délinquance, avance que "le propre du fait divers criminel c'est qu'un événement singulier sort de la presse régionale pour être érigé en fait de société, soit du fait de l'acte en lui-même, soit du fait de telle ou telle caractéristique des victimes."
La tuerie de Toulouse est-elle un fait divers ?
Pour Marc Lits, la fusillade à Toulouse était encore un fait divers mardi 20 mars, mais elle ne l'est plus aujourd'hui, mercredi 21 mars. Au fil des heures, l'événement a pris une ampleur politique, médiatique, sociétale qui permet aujourd'hui de le requalifier. Mais avec quel terme ? "C'est devenu un fait de société, ou encore un événement à portée politique."
Laurent Mucchielli, lui, estime que plusieurs qualifications sémantiques sont possibles, toutes dépendant du prisme à travers lequel on regarde l'événement : "Pour un policier, ce qui s'est passé à Toulouse est une lacune dans le fonctionnement du Renseignement et le passage à l'acte d'un proto-terroriste sous surveillance. Pour un politique ou un journaliste, c'est un drame national. Pour un sociologue spécialiste du débat public, c'est un fait divers d'un genre particulier."
Une chose sur laquelle les deux chercheurs s'accordent, c'est que toutes les morts ne se valent pas. Crûment, Laurent Mucchielli déclare que "s'il s'était agi de trois SDF adultes abattus froidement d'une balle dans la tête à Toulouse, l'affaire n'aurait pas eu le même impact."
Le fait qu'il s'agisse d'enfants qui plus est appartenant à la communauté juive sont des "facteurs aggravants sur le plan émotionnel" pour le spécialiste. "Toucher à la communauté juive, en France ou ailleurs, renvoie à des souvenirs douloureux. On passe alors du fait divers à la communication politique." ajoute Marc Lits.
Enfin, "le fait que l'on soit en pleine campagne électorale en France a également joué sur l'ampleur prise par cet événement." Laurent Mucchielli pense,
comme Daniel Schneidermann dans notre article d'hier, que la suspension de la campagne invoquée par les candidats est une "plaisanterie". Le sociologue craint que les temps de la réflexion ou du silence soient sacrifiés au profit d'une instrumentalisation politicienne.