Six mois. Le 22 juillet dernier la Norvège basculait dans l'horreur. 77 personnes, des jeunes pour la plupart, mouraient dans l'attentat d'Oslo et le carnage de l'île d'Utoya. Six mois plus tard, les norvégiens attendent le procès, programmée en avril, de l'auteur présumé des attaques, Anders Behring Breivik. Une attente douloureuse et nourrie d'interrogations.
Vendredi 22 juillet 2011. Anders Behring Breivik, un Norvégien bien blond de 32 ans, se laisse prendre par la police sans résistance. Il reconnait immédiatement les faits : oui, il vient de tuer 69 jeunes travaillistes sur l’île idyllique d’Utoya. Un peu plus tôt, il avait posé une bombe devant l’immeuble du gouvernement en plein centre d’Oslo. L'homme vient de commettre les attentats les plus graves commis sur le sol norvégien depuis la seconde Guerre Mondiale. Un choc frontal pour les norvégiens. Ils viennent de vivre leur "11 septembre".
Rapidement, le monde entier choqué par les événements, va s'étonner du calme des autorités et des citoyens norvégiens face à ces circonstances exceptionnelles. Sans vengeance, sans haine, mais avec dignité. Et en se rassemblant. La réponse à la violence de l'attaque : plus d’ouverture et plus de démocratie. C'est le souhait du premier minister, Jens Stoltenberg. La bombes et les balles meurtrières de Breivik noyées sous une montagne de fleurs. A mille lieues du Patriotic Act américain ou de Guantanamo.
Naïfs ?
Six mois après les faits, la belle unité se fissure. Les norvégiens semblent avoir mieux géré la catastrophe elle-même que l’après. Bien-sûr, Anders Behring Breivik est derrière les barreaux où il attend son procès qui doit démarrer dans quelques semaines. Mais il est dores et déjà déclaré irresponsable par les psychiatres (il souffrirait de schizophrénie paranoïde). Par conséquent, selon la loi norvégienne il peut être déclaré coupable, mais pas responsable. Il ne pourra jamais faire de la prison. Un coupable, mais pas de responsable. Dur, insoutenable même, pour les survivants et les familles de victimes. La frustration est énorme. Du coup, la chasse est ouverte. Et ce sont les médias qui la mènent. Dans leur collimateur : la police, les politiques, les secours. Défaillances, manquements ou erreurs de jugements, tout y passe. La Norvège est donc en quête de responsabilités. Comment, par exemple, expliquer l'impréparation de la police norvégienne face à une situation comme celle-ci ? Tout le monde se souvient de la minuscule embarcation transportant une douzaine d'hommes lourdement armés et qui faillit sombrer en navigant vers Utoya... Le ministre de la justice et le chef de la police ont déjà démissionné. Ils n’ont pas fait plus d’erreurs que d’autres, mais ils étaient responsables.
Et la justice ?
Un procès doit s'ouvrir le 16 avril prochain. Dans le box il y aura donc un coupable. Mais quid des responsabilités ? Le procès sera déterminant, mais pas forcément positif pour la Norvège. Breivik a grandi en son sein. Il a été en contact avec d’autres personnes, tout aussi extrêmes même si elles ne sont pas passées à l'acte. Leur idéologie d’extrême-droite prospère dans la démocratie norvégienne, où le Parti du Progrès dit populiste a failli prendre le pouvoir en 2009. Le mythe norvégien, basé sur l’égalité et la confiance, a été égratigné. Et il n'est pas certain que le consensus cher au premier ministre Stoltenberg résiste au lavage du linge sale qui forcément aura lieu au procès. Cette fois, ca sera au grand jour.