Fil d'Ariane
Le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed a été pris à partie jeudi, lors d'une visite dans le Sud, par des habitants en colère réclamant emplois et développement pour cette région agitée depuis plusieurs semaines par des revendications sociales.
M. Chahed et plusieurs de ses ministres, dont ceux de l'Energie, de l'Investissement et des Affaires sociales, ont été accueillis par une grève générale à Tataouine, même si la puissante centrale syndicale UGTT s'est démarquée de l'appel à cesser le travail.
Le chef du gouvernement effectuait cette visite à 500 km au sud de Tunis pour discuter avec des représentants de la société civile et annoncer des mesures en faveur de cette région se disant marginalisée, où les revendications portent notamment sur les conditions de recrutement et la répartition des revenus des entreprises pétrolières de la zone.
"Le droit de Tataouine au développement n'est pas une faveur", a déclaré M. Chahed au siège du gouvernorat de la ville, en affirmant que les mesures allaient "créer près de 2.000 emplois de manière quasi-immédiate" dans la région.
Six ans après la révolution, les inégalités régionales restent un puissant facteur d'instabilité en Tunisie, avec des infrastructures défaillantes et des taux de pauvreté et de chômage supérieurs dans l'intérieur du pays.
Mais plusieurs habitants de la ville présents dans la salle l'ont pris à partie : "Nos jeunes n'ont que deux choix mourir noyés en mer ou mourir brûlés par l'essence !" s'est emportée une Tunisienne, en allusion aux jeunes quittant le pays clandestinement ou s'aspergeant de fioul en signe de protestation.
"Donnez-nous ce à quoi nous avons droit !", a crié un homme avant que beaucoup n'entonnent "Travail, liberté, dignité nationale", l'un des slogans phares de la révolution de 2011.
Le chef du gouvernement a ensuite dû partir sous les huées d'une foule rassemblée à l'extérieur du gouvernorat.
Auparavant, une réunion de M. Chahed avec des représentants de la société civile a été ponctuée de slogans comme "Nous ne reculerons pas" et même "Dégage", lancés par une centaine de personnes rassemblées devant le local où se tenaient les discussions. "Oui, c’était tendu, mais il fallait bien parler à ces gens. Ils s’attendent à avoir du travail pour tout le monde dans les établissements pétroliers mais ce n’est pas possible", a dit le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi.
La Tunisie, dont l'économie est en difficulté, connaît de nouveau depuis plusieurs semaines d'importants mouvements sociaux dans les régions, comme à Kairouan (centre) et au Kef (nord-ouest).
Dans le centre-ville de Tataouine, le marché, les banques et les commerces étaient fermés jeudi. Dans certaines rues, des pneus calcinés étaient visibles, témoins des barrages installés ces dernières semaines pour bloquer les routes.
"Pourvu qu’ils trouvent une solution (...), qu'ils fassent des projets pour nous faire travailler", dit Khaled, diplômé en mécanique, au chômage depuis quatre ans.
Une grève générale avait déjà été observée à Tataouine le 11 avril au début du mois malgré la venue quelques jours plus tôt d'une délégation ministérielle et l'annonce d'une série de mesures de la part du gouvernement.